• MARCELLO DIT "L'EMBROUILLE"

    LES TRIBULATIONS DE L'INSPECTEUR PINARDIER

    Par Jimmy Flash    Reporter au Franc tireur

    ( journal lyonnais d'audience Croix-Roussienne )

    MARCELLO DIT "L'EMBROUILLE"

    Enquête non publiée dans le journal à la demande de l’inspecteur.

     

     

    Marcello dit "l'embrouille" ou "l'embrouilleur" était un jeune homme charmant. Charmant avec les dames, encore plus avec les vieilles dames.

    Il les escroquait toutes à la tendresse ; se présentant sous une fausse identité, il se faisait admettre puis jouait les serviables, devenait indispensable, puis disparaissait deux jours. Il revenait ensuite barbu, hirsute, avec une sombre histoire où il devait une forte somme d'argent ; il l'empruntait à la dame, mais étant honnête, il laissait en garantie un lot important de bons du trésor.

    On lui faisait confiance, on lui prêtait, il encaissait, il remerciait, il promettait un remboursement sous huit jours et il disparaissait pour toujours.

    Au bout de quelques temps, la pigeonne allait présenter les bons au trésor à sa banque et se retrouvait au commissariat pour interrogatoire et détention de faux titres.

    Pinardier, chargé de l'enquête pour une esbroufe à la Croix-Rousse, nageait depuis trois jours. Marcello ne pourrait être arrêté que par hasard. Il lui fallait donc aider le hasard.

    Il alla porter un cierge à Saint-Nizier. Vous croyez que Pinardier était dévot. Pas du tout. Quand un lyonnais va porter un cierge à Saint-Nizier, il entre par la grande porte, prend de l'eau dans le bénitier, fait son signe de croix et se dirige lentement au centre, il fait une génuflexion, un signe de croix. A droite il pousse doucement la porte doublée de cuir noir bourrée de crin et traverse à toute vitesse l'impasse pour s'engouffrer dans le petit bistrot.

     

    Là, une chaude ambiance le saisi, il se doit de prendre soit un blanc limé, dans ce cas c'est la blonde Mado qui l'accoste, ou alors un beaujolais, alors c'est la brune Léa qui vient lui proposer la botte moyennant un petit cadeau proportionnel aux gâteries envisagées. Le prix de la chambre est fixe et le pourboire obligatoire pour la "demoiselle" qui installe les serviettes.

    Si le quidam demande un chocolat, la patronne sonne la grosse doudou qui se dit martiniquaise et qui a probablement vu le jour à Bamako.

    Donc, Pinardier traversa l'impasse après avoir traversé l'église.

    Le bistro était vide, les demoiselles s'activaient avec des clients fils de bonne famille ou petits employés, qu'importe. !

    La patronne proposa un pot à Pinardier, celui-ci refusa :

    -       "Jamais en service !"

                      La patronne le regarda médusée :

    -       « Toi mon gone, tu nous couves quelque chose, je vais te servir un « Fernet branca »!  Tu ne peux refuser c’est un remède.

                      Pinardier lui raconta en peu de mots ses problèmes. La patronne se servit une "fine" pour mieux réfléchir.

                      Le silence offensé par le tic tac de l'horloge et les chuintements du percolateur voletait péniblement dans l’estaminet.

                      Au bout d'un moment, la dame conclut :

    -       "Retrouve l'imprimeur, c'est de la source qu'il faut remonter le fleuve."

                      Cette remarque qui bouleversait quelque peu les lois de la physique sembla lumineuse à Pinardier. "La source". Voilà l’objectif. Mais comment retrouver l'imprimeur, il y en a tellement ?

    -       "Si tu avais un cadavre petit inspecteur, tu irais voir un médecin légiste !

    -       Juste. Mais je n'ai pas de cadavre !

    -       Tu as les bons contrefaits. Va voir le professeur Locard, il fait des miracles. Lors du crime de la rue de la Thibaudière, on avait accusé un proche de la victime pour une tâche de sang retrouvée chez lui. C’était en toutes lettres dans « Détective » de janvier.

    -       Et alors…

    -       Alors, le professeur Locard a prouvé que ce n'était pas du sang humain, il lui a sauvé sa tête, on a repris l'enquête et on a arrêté le vrai coupable." Je l’ai lu dans le « Dauphiné libéré »  journal qui ne publie pas à la légère

                      Pinardier n'avait ni faux ni vrai coupable. Il finit son verre, remercia la patronne et alla se couler dans la nuit qui était tombée entre temps.

                      Sa nuit fut peuplée de tâches de sang de coupables qui pleuraient en clamant leur innocence et de professeurs médecins en blouse blanche qui riaient en criant "Non coupable ! Non coupable !"

                      Pinardier se réveilla avec une bonne grippe sûrement due à l'humidité de l'église. Il y allait si peu souvent.

                      Presque guéri, Pinardier prit rendez-vous avec le professeur Locard. Il lui expliqua son affaire. Le professeur se lança dans un cours sur les méthodes d'une police plus scientifique que délatrice. Pour le professeur, les meilleurs indicateurs du policier c'était les indices.

                      Des gravillons sous une chaussure, de la paille dans un revers de pantalon, du tabac au fond d'une poche, chaque indice avait son importance s'il était analysé d'une manière scientifique.

    -       "Jeune homme, faites-moi parvenir ces faux bons, mon équipe va les faire parler, nous les soumettrons à la question, nous leur ferons dire leurs complices et nous vous les présenterons les menottes aux mains."

                      Pinardier remercia et envoya Chantamour son fidèle brigadier et planton porter les bons et réclamer un reçu de dépôt. (En trois exemplaires comme dans toute bonne administration)

                      Les jours passaient sans résultat. Pinardier monta à Fourvière et adressa une vraie prière à la protectrice des Lyonnais. A son retour au bureau, comme si la vierge avait voulu lui adresser un signe, une enveloppe bleue l'attendait. C'était la réponse de l'équipe de spécialistes du laboratoire de police.

                      D'abord on s'était intéressé au papier puis à l'encre puis à la machine. On avait défini le genre d'imprimerie, un psychologue avait même "tracé" le profil de l'imprimeur.

                      Le fin du fin était à la fin : La photo d'une empreinte au dos du papier. Empreinte imperceptible qui n'avait pas échappé à la vigilance de l'expert.

     

                      Pinardier se dirigea vers l'imprimerie de la Bombarde, dans la rue du même nom. Dans un local, qui depuis Gutenberg n'avait pas changé de destination, Pinardier dénicha entre les piles de papier, les machines, le massicot et les flacons d'encre ; un individu plutôt falot, en cache poussière gris avec une casquette écossaise et un mégot de "boyard papier maïs " collé à la lèvre inférieure :

    -       "Salut Anatole !

    -       Bonjour inspecteur.

    -       Anatole, je viens pour te mettre en tôle ! (Pinardier ne manquant jamais d'humour pour faire un jeu de mot. Tes petits amis t'ont balancé ! A ton tour de me dire toute la vérité sur ces faux bons du trésor que tu as imprimé à l'insu de Monsieur le Gouverneur de la Banque de France."

                      Après quelques réticences, Anatole avoua être l'auteur des faux bons.

    -       "Que voulez-vous inspecteur, pendant l'occupation j'ai imprimé tant de fausses cartes d'identité, tant de faux bons d'alimentation, tant de laissez-passer pour les résistants et tout cela gratuitement, que je me suis retrouvé sur la paille après la libération. Tous ces beaux messieurs que j'ai tirés d'embarras, ils ont oublié Anatole, pas la moindre commande de leur part. A l'époque, quand je maniais ma bécane, je risquais bien plus d'être pris qu'avec une mitraillette à la main. La combine des faux bons, c'est Marcello qui en a eu l'idée ; lui au moins m'a payé cash et en plus, il a été généreux. L'hiver passé. On s'était rencontrés à Perrache pour affaires, c'était en décembre. Dans la conversation, je lui ai dit qu'il avait un chouette manteau ; Aussi sec, il l'a enlevé et me l'a donné en me disant que si ça me faisait plaisir ça lui faisait plaisir aussi.

    -       Anatole, où puis-je trouver Marcello ? Il faut que je l'arrête. Votre combine a assez durée, il faut payer l'addition.

    -       Je sais qu'il a une fiancée vers le 12 de la rue saint Georges. Il va souvent la voir. Mais inspecteur, une faveur, surtout ne lui dites pas que je vous ai rencardé sur ses habitudes !"

                      Pinardier, dont la réputation n'avait pas encore atteint la rue Saint Georges, s'installa incognito au porte-pot du début de la rue et mine de rien observa et discrètement écouta les conversations des mères maquerelles du coin.

                      A onze heures dix il vit passer devant le comptoir un jeune homme élégant qui répondait au signalement établi par les victimes des escroqueries. Pinardier lui emboîta le pas quand le jeune homme entra au douze. Pinardier le saisit au poignet et l'arrêta.

    Marcello reconnut les faits et dans l'hypothèse d'une incarcération, demanda à Pinardier d'aller chercher quelques affaires chez la dame.

                      Discret, Pinardier l'attendit dans l'antichambre.

                      Chers amis, même les non lyonnais savent que le 12 de la rue Saint Georges traboule par le deuxième étage.

                      Pinardier rentra bredouille ce jour-là.

                     

     

    Mais vous pourrez lire dans le Franc-tireur de la semaine prochaine :

    "La revanche de Pinardier"

     

     


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