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    Cet écrit pour que

    Le petit commissaire

    Puisse enfin connaitre

    Le fin mot de l’histoire.

     

     

     

     

     

     

     

     

       Amours, vengeance et … mort violente.

     

     

     

     

     

    Par  R.I. dit

    ARDILLON 


     

    Chapitre 1

     

     

    Moi, Alexandre Maillard, je ne suis rien ! Qui puis-je attendrir? À La Grive .Personne ne s’intéresse à moi. Personne ne s'apercevra de ma disparition demain. Je vais prendre ma mobylette et rouler toute la nuit jusqu'à ce que le réservoir soit vide et après je ne sais pas, j'irai me perdre dans une grande ville, j'irai m'éblouir aux néons des magasins comme les insectes vont se brûler au lampadaire de la place de l'église.

    A La Grive, je n'ai pas d’avenir. Au fait, ai-je une place dans ce village vieillissant,  cancanier, envieux et pingre ?

     

    Demain je serai moi. Moi tout seul, car jusqu'à aujourd'hui, j'ai été le petit frère, j'étais le frère de "Princesse", j'étais le joufflu. Puis quand j'ai compris que je n'étais là que pour me trouver dans les pattes de quelqu'un, je devins « le Bourru ». Je me suis caparaçonné dans ma crasse par opposition à la Princesse qui changeait quatre fois de robe par jour et deux fois de culotte pour ne pas « sentir ».

     

    En fait, tout a commencé bien avant moi, le 1eroctobre 1954. Mon futur père était soldat en Algérie, fiancé à la Marie-Madeleine  Prunier. Ils se connaissaient depuis toujours mais ils se sont rencontré à Teilleu pour la foire agricole. Le Roger traînait avec quelques lourdauds du bourg. Marie-Madeleine était là aussi.

      Tiens donc la Marie, ce que tu as grandi depuis la communale et blablabla,blablabla.

      Je te paye un verre de Coca-cola ?

      Pouah c'est dégoûtant, ça fait crever les cochons qu'on dit !

      Hé ! Faut être moderne, à la ville ils ne boivent plus que ça...

     

    Pour rentrer à La Grive le soir, ils se sont assis au fond du car et le Roger, il lui tenait la main. Ce qui fait qu'ils se sont fiancés avant que le Roger parte faire son service. Les Prunier étaient pressés de marier leur fille en blanc avant qu’un polichinelle ne vienne lui encombrer le placard.

     

    Après ses classes à Lunéville, le Roger a été envoyé en Algérie pour voir si les palmiers de là-bas poussaient mieux que les châtaigniers de chez lui.

     

    Mais il n'y avait pas que des palmiers là-bas. Il y avait une certaine rébellion qui, au début, n'était pas bien active. Des attentats de-ci, delà mobilisaient la troupe. Le Roger commençait à se languir sous les palmiers (en fait des dattiers) et comme le bruit courrait que les permissions seraient supprimées pour être prises en fin de séjour, ses parents décidèrent de brusquer les choses. Le Roger vint en permission exceptionnelle pour se Marier

     

    En principe, il aurait la quille en juillet donc autour du 5 avril, Marie-Madeleine et Roger furent unis par le curé et par le maire. Le Roger avait évité de s'habiller en corbeau pour la circonstance. Il avait fière allure dans son uniforme kaki, ses larges épaules remplissaient le haut du blouson qu'il avait repassé comme pour la revue avec les cinq plis réglementaires dans le dos.

     

    Marie-Madeleine avait une robe de chez Antinéa, le magasin chic de Busancy. Pour lui faire plaisir, l’établissement avait offert un magnifique service à liqueur avec des verres et la carafe décorée d'un motif à petits carreaux (la moitié des ménages mariés à cette époque ont ce service dans leur grenier).

     

    Marie-Madeleine avait voulu aller en voyage de noces au Mont Saint-Michel. Pour faire comme dans Nous-deux, le bréviaire des midinettes qui à coup de roman-photo avait forgé une conception de la vie livresque et cinématographiquement sentimentale aux demoiselles dites romantiques. Au retour, ils se sont arrêtés deux jours à Paris pour pouvoir raconter à leurs enfants qu'ils avaient vu la Tour Eiffel, l'Arc de Triomphe et le Sacré-Cœur. Ils avaient vu le Moulin Rouge mais sans y entrer, trop intimidés par le faste du lieu et par le portier en grand uniforme. Ils ne voulurent pas se mêler à la foule grouillante et semble-il avide de plaisirs grivois.

     

    De retour à La Grive, le Roger avait repris son uniforme, le train et son service militaire. Tous les deux jours, il envoyait une lettre à son épouse mais il ne savait plus quoi lui raconter. De son côté, Marie-Madeleine lui contait par le menu tous les événements du canton. Elle était bien placée pour les potins depuis qu'elle travaillait au garage de Teilleu comme caissière et pompiste à l’occasion.

     

    Peu après un soir de mai, elle attendait le car pour La Grive quand une voiture s'arrêta pour lui demander son chemin. C'était simple, pour qui connaissait mais pour un étranger les lacis de chemins vicinaux sont un labyrinthe où il est plus facile de se perdre que de se retrouver.

      Voulez-vous m'accompagner pour me montrer le parcours je vous déposerai chez vous après proposa l'automobiliste.

    Elle accepta. Chemin faisant, il expliquait qu'il était….

    Le ronronnement du moteur le balancement des virages, Marie-Madeleine  n'était plus tout à fait Marie. A un moment leurs regards se croisèrent et ils comprirent que la terre ne s'arrêterait pas de tourner s'ils arrêtaient un moment le véhicule.

    Lui, le petit arménien se retrouvait ému par cette belle jeune fille châtain clair, presque blonde, aux yeux bleus, à la carrure robuste et au sourire simple et gai ce qui décuplait son émotion. Elle était l'opposée des beautés orientales qu'il côtoyait journellement et que ses parents espéraient qu’il conduise à l’église orthodoxe de la capitale. Elle était intimidée par ce jeune homme bien habillé et à l'aise dans son beau costume avec une cravate qu’il portait sans gêne. Ses cheveux aile de corbeaux et les yeux brillants comme deux charbons ardents l'attirait. En plus, il s'exprimait en termes choisis d'une voix douce. Ils se rapprochèrent, elle blottit sa tête au creux de son épaule…Ce qui fait que dix mois après le voyage à Paris, la princesse se présenta à La Grive. Le Roger n'était pas là. En guise de libération, sa classe avait été maintenue sous les drapeaux.

    Le fait de crier « La quille ! Bordel !» à tout bout de champ et d’avoir fêté le Père-Cent ne lui permettait pas d'être libéré. Pour Roger, après la naissance de la Princesse, le temps de faire les papiers et il fut rendu à la vie civile en qualité de soutient de famille .La situation en Algérie ne s'améliorait pas. Il était question de rappeler les libérés. Le Roger s'employa à me mettre en chantier pour doubler ses chances de soutien de famille.

     

    Je fus déclaré à l'état civil sous le nom d'Alexandre en souvenir de l'oncle du même nom qui avait été maire de La Grive après la grande guerre. Mais pour tout le monde j'étais le joufflu, gros blond aux yeux bleus ; je ressemblais aux poupons de celluloïd du bazar de la place de l'Eglise. Je passais mon temps à brailler soit pour bouffer, soit parce que j'avais pissé et que ça me brûlait les fesses. Pendant ce temps, la Princesse faisait des grâces, des a-reu, des pa pa pa pa. Elle occuperait l'attention de tous On s’émerveillait de ses grands yeux sombres, de ses cheveux noir brillants Ces détails n’intriguaient personne car il y avait même des rouquins dans la région sans doute souvenirs des diverses invasions du passé. Moi, dans mon coin, personne ne venait me faire des grâces. Ils s'étaient accoutumés à mes pleurs et n'y faisaient plus cas. Tout cela je ne l'ai su qu'après c'est Antoinette qui me l'a raconté juste avant l’accident de la princesse.

     

    Ma tante Antoinette était depuis toujours amoureuse de Roger, ils faisaient le chemin ensemble pour aller à l'école. Quand le temps était trop mauvais, c'est le père d'Antoinette qui attelait le cheval à la carriole bâchée. Le père en profitait pour aller se saouler au café de la place de l'Eglise. Enfin place de l'Eglise si on était catho.

    Pour les républicains forcément anticléricaux c'était la place de la mairie. Ca ne changeait pas grand-chose à la vie courante car les deux bâtiments se faisaient face avec un grand espace entre les deux qui était appelé par les gens des hameaux périphériques place du Marché vu que c'était là qu'ils venaient vendre leurs oignons, leurs œufs et leurs lapins .Les lapins rapportaient bien à cause des peaux qui se vendaient à des ramasseurs. Les plumes du poulet ne servant qu'à faire des oreillers finissent souvent sur le tas de fumier.

     

    Roger pour faire le faraud devant les autres se permettait de faire danser d’autres filles aux bals des environs. Antoinette en était peinée mais ne le faisait pas voir parce que pour le retour Roger tout en cheminant lui prenait la main et se permettait de l’embrasser dans le cou, un jour même il a essayé de passer sa main sous ses jupes.  Antoinette se débâtit mais il lui dit.

    — Si on se marie tu seras obligé de bien plus.

    Antoinette avait pris cette phrase en l’air comme une promesse faite sur le ton de la rigolade par un Roger qui ne voulait pas dire qu’il s’attachait.

     

    Pour avoir été la meilleure et la plus jeune du département à l’examen du brevet, un journaliste s’était déplacé à La Grive et la photo du petit prodige avait été publiée dans un article sur deux colonnes, Antoinette avait été demandée par le notaire de Saulieu comme dame de compagnie pour s’occuper de madame mère qui ne pouvait plus lire. Elle alla donc habiter chez maitre Sylvestre dans une petite chambre proprette au dernier étage de la bâtisse.

     

     

    Le jour de son retour à La Grive, Antoinette avait été très accablée. Roger s’était fiancé à sa jeune sœur qui n’avait qu’une envie, plaire aux garçons au bal du samedi soir. Les noces devaient avoir lieu rapidement.

    De dépit, Antoinette s'était donné à Flavien. Flavien! Pourquoi ce nom? Son père avait obtenu son certificat d'étude avec la mention bien. Chose rare et mémorable qui lui avait valu un beau livre vert et or « l'Empire romain ». Ces nom d’empereurs, lu au fil des pages l'avait émerveillé et quand il eut son premier fils il l'appela Hadrien comme l'Empereur. Le second fut nommé Flavien pour continuer la série.

    Flavien n'était que brave. S'il avait été intelligent il aurait pu finir maire, député ou sénateur, sa famille ayant des biens. S'il avait été pauvre, il serait devenu l'idiot du village. Etant fortuné, c'était le benêt, « le brelin ». On ne se moquait de lui que sous cape. Monsieur le curé lui prêtait des livres sur la vie des saints mais aussi sur Bayard, Mermoz, Guynemer. Après ces lectures, le pauvre rêvait d'être aviateur ou explorateur.

    Antoinette était une belle fille. Elle avait des cheveux blonds qui lui coulaient dans le dos jusqu’au creux des reins. Elle les cachait dans un énorme chignon torsadé piqué d’épingles ornées de petites roses de porcelaine. Flavien avait vu en elle la beauté inaccessible intelligente et douce .Elle était différente des lourdaudes des environs qui ne pensaient qu’a batifoler dans les bals et qui se moquaient de lui. Ils s’étaient rencontrés à la bibliothèque de Teilleu

    Antoinette rendait des livres et Flavien musardait parmi les rayons à la recherche d’un livre d’aventure. Il la regarda avec des yeux de ravissement. Elle le vit envoûté, conquis. Elle vint à lui

      Flavien ! Quel hasard ?

       Je cherche un livre et je ne le vois pas.

    — Cherchons-le, je vais t’aider.

    Ils repartirent ensemble. Passage des alouettes, l’allée était déserte, Antoinette lui prit la main et s’arrêta. Flavien la regarda étonné .Elle l’attira contre son buste et l’embrassa doucement sur la joue. Flavien lui rendit son baiser sur l’autre joue et lui dit.

      Je t’aime bien.

    — M’aimerais-tu toujours ?

      Si tu le veux, mais je croyais que tu avais un fiancé.

      Je n’ai personne et si tu veux être mon fiancé tu le peux.

    La star du canton l’avait choisi lui. Elle lui avait donné rendez-vous pour le soir. Il se prépara en catimini. Le vieux Saint Gall n’aurait pas permis ce rendez-vous et Hadrien se serait moqué et peut être aurait-il été à sa place.

    Ils se retrouvèrent devant le vieux lavoir. Antoinette l’amena dans sa chambrette de chez le notaire. Elle gardait la maison pendant que maitre Sylvestre et toute la famille prenaient les eaux à Vichy.

    Il était tout intimidé devant cette belle fille. Elle commença à le déshabiller mais Flavien refusa tout d’abord il ne s’était jamais montré nu aux autres encore moins à une femme. Elle alla tirer les rideaux et éteignit la lampe de chevet. Elle se dévêtit lentement .Une bonne odeur de linge propre et de lavande, de sueur fraiche et suggestive flotta dans la pièce.

      Rallume la lampe je veux te voire.

     Il la vit. C’était la première femme qu’il voyait dans cette tenue  Elle s’allongea près de lui

      Viens ! N’ai pas peur je ne vais pas te manger. Viens me faire plaisir !

    Il eut bien du mal pour arriver à lui faire plaisir. Antoinette qui avait lu des livres d’éducation sexuelle dut mettre en pratique la pédagogie de ses lectures et Flavien devint un homme. Les femmes n’avaient plus de secrets pour lui.

    A la deuxième rencontre, flavien s’était évadé de la maison comme un voleur de poules. Il la rencontra au lavoir et discrètement ils se rendirent à la chambrette. Il eut un peu plus d’assurance et prit l’initiative de dénouer le lourd chignon. La cascade de mèches l’éblouit.

      Comme c’est beau ! Comme tu es belle ! Je veux te garder.

    — Prends-moi comme je suis mais si tu veux me garder vas le dire à mes parents. Fait ta demande je ne dirais pas non.

    Flavien caressait ce corps qui était pour lui une nouveauté. Antoinette le serrait doucement et le berçait presque comme un grand bébé. Il enfouissait son visage dans cette superbe poitrine. Elle l’écarta légèrement, pris un de ses seins et lui mit l’extrémité sur ses lèvres il se mit à téter comme un nouveau né  Elle s’allongea sur lui et l’enfonça doucement. Elle fit osciller légèrement son bassin jusqu'à ce que le plaisir l’envahisse et dans un râle murmura  « Roger » Lui, perdu dans son émotion n’entendit rien  Il eut son  plaisir puis la dressa devant lui et en la regardant ardemment lui embrassa les mains .Il voulut recommencer mais Antoinette lui dit.

      Va voir mes parents et tu m’auras autant que tu voudras.

     

     

    Le père Saint Gall écouta son fils lui dire qu’il voulait marier Antoinette.

      La Prunier ?

      Oui elle m’a dit qu’elle ne dirait pas non si je la demandais en mariage.

      Elle t’a dit ça pour se moquer !

    --Non elle ne se moque pas elle m’a embrassé.

      Elle t’a embrassé où ?

      Dans sa chambre on s’est mis tous nus et on s’est serré très fort.

    Hadrien qui écoutait mais ne disait rien s’écria hors de lui.

    —Merde alors !  Cet imbécile a réussi à séduire la plus belle et la plus brillante des filles du canton. Tous les plus farauds se sont faits éconduire et lui ! Mais il à un don caché ! Il faut qu’il nous le montre.

    Le vieux Saint Gall le fit taire. Il réfléchissait. Hadrien n’était bon qu’à rouler des épaules à foncer dans le tas et à indisposer les métayers et les ouvriers. Si Flavien se mariait avec Antoinette c’est elle qui dirigerai le ménage et si il lui donnait les terres ce serait Hadrien qui entrerai en conflit .Le livre d’histoire romaine qu’il avait lu et relu lui avait appris que pour prendre le pouvoir les Césars allaient jusqu’au meurtre  et se faisaient trucider aussi.

      Allez tous vous coucher la nuit porte conseil.

    Il ne pouvait pas céder les terres à une Prunier dont le père était un ivrogne et qui n’avaient qu’une carriole et un cheval cagneux. Il prit son fils en privé et lui fit comprendre qu’il ne pouvait accepter cette union.

      Si tu veux, tu la fréquente en cachette et je te donnerai des sous mais pas de mariage  

     

    Le fait inconcevable d'avoir séduit Antoinette mais de ne pas pouvoir la marier lui donna des ailes et des ambitions. Il voulut comme tous les autres faire son service, avoir un bel uniforme pour parader dans les cérémonies avec les drapeaux et les médailles, Il décida de faire son service militaire, son père refusa.

      Tu as été reformé temporaire et ce n’est pas parce que tu as les pieds plats ! Arrête tes idioties et pense plutôt à trouver un emploi dans un bureau. Tu n’es bon qu’a trier du courrier et encore tu risques de te tromper d’enveloppes !

    Flavien était furieux, partagé entre le désir du paradis entrevu et les moqueries familiales.

     Il partit à Lyon pour s'engager dans la légion, rompre avec sa famille de calotins et revenir bronzé et tatoué, la poitrine couverte de médailles pour montrer à tous, à sa famille, au village et à Antoinette ce qu'il valait.

    A Lyon, la légion ne le voulu pas à la visite médicale. Il partit donc noyer son chagrin dans les bistrots autour de la gare, il prit une cuite monumentale, sa première vrais cuite et s'endormit quelque part entre deux immeubles. A son réveil il tremblait, grelottait, il avait même une forte fièvre. Il était malade. Ne sachant où aller, il prit une chambre dans un hôtel et le lendemain l'hôtelier le voyant si mal en point fit venir un docteur. Flavien se retrouva à l'hôpital. La famille Saint Gall fut prévenue. Flavien avoua toutes ses bêtises, la légion, sa pneumonie et le reste.  Il pleura Antoinette. Vu son état on lui pardonna beaucoup... Hadrien en bon frère le traita de con et pensa que lui l’Antoinette il ne l’aurait pas quittée pour des chimères si elle avait seulement daigné le regarder. Le père promit un peu tout pour apaiser les remords de son fils.

     D'infection, son mal se transforma en surinfection et Flavien après un coma de quelques heures, rendit son dernier soupir entre les bras de son père et de son frère.

    Une semaine après l'enterrement, Antoinette s'aperçut qu'elle était enceinte. La  mère Prunier contacta la famille de Flavien Le vieux Saint Gall refusa le mariage posthume et enjoignit aux Pruniers de ne plus mettre les pieds chez eux .Ils étaient une famille honnête eux. Ce n’était pas tellement pour l'honneur, mais pour ne pas partager les biens par un héritage qui tombait mal. Les Saint Gall se devaient par tradition bonapartiste de léguer à l’ainé mâle le domaine. Les autres enfants devraient se débrouiller pour faire soit un pécule, soit un beau mariage.

     

     

    Il y a des coïncidences, quand deux sœurs accouchent la même semaine d'un beau garçon chacune. Je fus appelé Alexandre Maillard, Antoinette appela son fils Roger Prunier ce qui fit jaser les mauvaises langues et même aujourd'hui certains pensent qu'on est demi-frères. Antoinette avait simplement voulu reprocher à Roger de ne pas être le père de son enfant.

    A cette époque il existait les concours du plus beau bébé et notre princesse fut exhibée à cette foire à bébé. Elle n'eût pas le premier prix mais un lot de consolation. De cet épisode date le soin qu'on apporta à sa mise et à son entretien, ses cheveux étaient brossés longuement et frisés en anglaises, ses vêtements de petite demoiselle taillés dans les patrons de "Mode et travaux" ainsi que "Bonne soirée". Grand-mère Etiennette se faisait un plaisir de montrer le petit monstre tous le dimanche à la grand-messe.

    Princesse parlait et se faisait un plaisir de montrer sa politesse et d'en récolter des compliments. Par contre, je restais à la ferme à jouer avec le chien qui assurait plus ou moins ma garde et quand j'entendais la carriole sur le chemin, j'allais me sauver au fond du jardin ou, je me cachais dans la niche.

    Par la suite j'ai trouvé une espèce de placard dans le grenier de la grange à foin .J'en fis mon domaine secret. Il a renfermé tous mes trésors. Mes bandes dessinées de Tim l’éclair, du Fantôme du Bengale et surtout les aventures de Pim Pam et Pouf. C’était mes « Héros ». Pam et Poum étaient à ma taille et faisaient les bêtises que je n’osais faire. Tante Pim me faisait penser à ma bonne Perrine avec son tablier plein de mystérieuses surprises. Elle avait toujours pour moi une friandise exceptionnelle provenant des confiseries de la ville bien qu’elle n’y mit jamais les pieds. Pour un de mes noëls, elle m’offrit un découpage en carton. C’était une pirogue africaine avec une vingtaine de pagayeurs. Chacun avait un détail qui le distinguait, soit un collier de dents de lion, soit un coutelas à la ceinture ou une machette .Le missionnaire, avec sa soutane blanche, était assis dans une chaise portée par deux colosses. Il fallait tout découper en suivant le contour des pointillés et coller les languettes des pliages J’ai passé des heures avec des ciseaux de brodeuse pour suivre les lignes au plus près et j’ai eu souvent les doigts qui sentaient la colle arabique.

    J’entassais aussi dans ce réduit les découvertes de mes courses dans la campagne et les bois quand j’accompagnais Jules, le cueilleur-braconnier dans ses tournées mycologiques. Mes trésors, pierres bizarres, cranes d’oiseaux ou de petits rongeurs que je montais sur des blasons héraldiques « Baron de corneille » « Chevalier des furets »… J’avais aussi une collection de cartes postales mais la princesse me la ravagea en attaquant plus tard une collection de timbres. Elle découpait les cartes avant de décoller les timbres dans un grand bol d’eau.

    Tante Antoinette nous avait rapporté lors d’une course en ville deux boites en carton qui contenait ! Oh merveille douze soldats de plomb.

     

    Je reçus la boite de spahis. C’était un chef d’œuvre de précision Les burnous avantageux, les coiffures enturbannées, les boléros rouges brodés de jaune, les pantalons bleus bouffants.

    L’officier avec son képi gris bleu sa tunique rouge, son pantalon bleu ciel avec une bande rouge de chaque côté .Il y avait aussi un clairon qui sonnait semble-il la charge.

    Le couvercle de la boite était orné de gravures guerrières : un défilé dans une ville pavoisée avec des enfants qui courraient à côté de la troupe. L’autre image représentait une remise de décorations lors d’une parade dans une caserne et une fanfare rendant les honneurs.

    Je rangeais cette boite dans mon domaine secret et passais mon temps à contempler mes figurines.

     

    Roger reçut des chasseurs alpins. Ils avaient fière allure avec le large béret, les chaussettes blanches, la culotte au raz du jarret, la ceinture blanche. Le porte étendard avec son drapeau déployé et flottant semblait tirer au combat toute la troupe derrière lui, le clairon sonnait une charge héroïque. Par contre les quatre skieurs semblaient empêtrés avec leurs skis aux pieds.

    Tante Antoinette était pacifiste. Elle nous les donna en nous recommandant de ne pas jouer à la guerre ce qui nous laissa que les parades militaires sur le tapis du salon, des bivouacs et des bagarres entr’z’amis qui écorchèrent la peinture des joues et des nez.

    Nous avons fait les défilés du quatorze juillet et les prises d’armes du onze novembre comme sur la place de Teilleu.

     

    Roger m’avoua plus tard qu’il aurait préféré mes spahis .Peu après il eut les oreillons et pour adoucir un peu sa quarantaine je lui fis passer ma boite de soldats. La semaine d’après Roger m’ayant passé la maladie on ne sait comment car il était isolé dans sa chambre, j’étais malade et il m’apporta sa boite de chasseurs alpins.

     

    La vie était simple à La Grive, le calendrier liturgique rythmait les dimanches et l'on voyait le temps passer à la position du signet dans le missel.

    Il y avait aussi les fêtes patriotiques : 14 juillet et 11 novembre mais le 8 mai avait une importance particulière pour moi, je devais avoir sept ans .Au monument aux morts on fit une cérémonie particulière pour l'oncle Alexandre qui dans le maquis fut fusillé par les allemands quelques jours avant la retraite des troupes d’occupation.

    Pour bien présenter devant monsieur le député, on m'avait fait faire un habit et acheté des souliers neufs au magasin de Busancy. J’avais eu droit aussi à un cornet de glace à la vanille, chose extraordinaire. J’ai apprécié le voyage en autocar avec tante Antoinette, ses regards bienveillants, ses explications, sa voix douce. Par galanterie je lui avais laissé la place coté vitre Il faisait chaud en cette fin d’avril et son odeur m’envahit. Par l’échancrure de sa robe j’aperçu un coin de sein qui s’évadait d’un soutien-gorge relâché. J’eu ma première sensation voluptueuse. Je n’en restais pas là et sous prétexte de regarder la route je frôlais sa poitrine avec ma tête. Une sensation de souple mais ferme caressa ma joue. Mon front me brula soudain j’étais rouge cramoisi Tante me regarda et fit comme si de rien n’était.

     

    Sur un coussin de velours rouge je transportais les décorations que l'oncle avait obtenues lors de la grande guerre. Après le discours du préfet, le maire vint solennellement accrocher une médaille et fit un discours qui me fit pleurer parce qu'il était question de fusils d’exécutions sommaires de blessures de martyrs et de mort.

    Après la cérémonie, l'ensemble des participants se retrouva au café de la place (place du café pour les buveurs). Pour la circonstance on buvait "du bon". Princesse et moi eûmes droit à un sirop de grenadine et luxe suprême, il fut arrosé de limonade.

     

    Le coussin était posé sur une table à l'écart et pour m'amuser, j'enlevais une décoration que je piquais sur mon pull pour faire comme tous les messieurs de l'assistance qui en avaient pour la circonstance plusieurs sur la poitrine.

    Princesse s'en aperçu mais ne dit rien sur le coup. Elle alla souffler une bêtise à l'oreille du plus bête de la troupe et celui-ci, lorsque je passais à sa portée, me saisit par la touffe de cheveux qui faisait un buisson au sommet de mon crâne et me présenta à l'assistance.

    — Le Saloupiot ! Port illégal de décorations ! Mais c'est le conseil de guerre ! Il va falloir le refiler aux gendarmes pour le faire fusiller !

    J'étais mort de peur, les genoux flageolants prêts à tomber dans les pommes.

    Bastien qui était clerc de notaire se fit mon avocat :

    — D'abord la croix de guerre quatorze dix-huit ; il peut la porter car le brevet est au nom d'Alexandre Maillard donc à son nom. Par contre, pour pouvoir la porter ici il faut qu'il paie sa tournée.

    Je fus obligé de m'exécuter et dus trinquer avec du vin en même temps que toute la tablée. Comme je n'avais pas d'argent à moi, la patronne vint avec une ardoise d'écolier et une craie elle inscrivit mon nom et marqua dessous « une tournée générale». Ce qui fit rire à gorge déployée toute l’assistance « Il a son ardoise ! » Et l’assistance se remettait à rire grassement.

     

    Je tirais de cet épisode qui me parut sur le coup très accablant, une certaine fierté à l’école. Parmi les garnements de mon âge j’avais déjà une ardoise au bistrot, J’étais le seul à pouvoir me vanter de la chose.

    Je tirais aussi de cet épisode un désir tenace de vengeance et j'eu le sentiment que quel que soient les sévices que je pouvais faire subir à la Princesse, je ne pourrai jamais assouvir cette envie, ce besoin de me venger. Mais cela est une autre histoire.

     

     

    Je ressassais l’épisode de l’autocar en essayant de comprendre cette impulsion soudaine. Subrepticement j’allais fouiller dans la corbeille de linge en attente de lavage. Je humais la lingerie d’Antoinette mais sans ressentir le même choc. C’était des odeurs mortes. J’emmenais cependant un soutien-gorge dans mon repaire pour l’examiner à loisir et je fus étonné et émerveillé d’imaginer le corps de ma désirable tantine. Il avait une petite rose en ruban cousue entre les deux hémisphères. Je la détachais soigneusement à l’aide de mon ciseau à broder et l’embrassais comme si j’embrassais où elle se tenait sur ma tante.  Je faillis me faire prendre en remettant mon larcin provisoire dans la panière ce qui donna plus de piquant à l’aventure. Cette rose je l’ai conservé avec mes biens les plus précieux jusqu’à maintenant.

    Nous habitions un vaste bâtiment orienté est-ouest, Un mur de briques rouges partageait  l’espace. A l’étage de nombreuses chambres avaient été créés pour une abondante tribu. A la naissance de son fils Antoinette était venue habiter chez nous invitée par sa jeune sœur. Le vieux Maillard lui avait donné trois pièces en échange de son aptitude à tenir les papiers d’une maison et de sa bonne humeur. Elle avait amené ses petites affaires et tous ses livres. Son bureau fut installé dans la plus petite mais la plus claire des pièces avec vue sur la plaine. Tantine rêvait souvent le porte-plume entre les dents et le regard perdu plus loin que les montagnes. Les livres s’étalaient sur des étagères de sapin qui pliaient sous le poids des connaissances emprisonnées entre les pages. Antoinette avait repris ses publications dans les revues et journaux. Régulièrement le facteur venait porter des mandats et repartait avec de volumineuses enveloppes de papier kraft. Antoinette consommait beaucoup de papier et nous dessinions au dos des brouillons. De temps en temps un journaliste venait s’entretenir avec Antoinette et semblait lui exprimer beaucoup de respect et de considération. Il lui parlait avec déférence. Avent de repartir il nousoffrait des crayons de couleur et des sucres d’orge en disant.

    — Pour les enfants s’ils ont été sages.

    Il y avait aussi un mystérieux visiteur. Il ne fallait pas dire son nom. Il était très vieux et tout vouté Il amenait des cartons entiers de documents et s’enfermait avec Antoinette toute la journée. Ma mère leurs montait des sandwiches et du vin. Son chauffeur attendait en allant boire des apéritifs au café de Tellieu. Quand ils repartaient dans une grosse voiture, Antoinette était tout sourire et pour faire cesser les moqueries de Roger elle étalait sur la table toute une série de gros billets de banque.

      Voilà ce que ça rapporte les gribouilleurs de feuilles de choux.

    Je sus plus tard qu’il était académicien et qu’Antoinette écrivait les livres qu’il signait comme si c’était lui qui avait tout fait. 

     

    Un passage dans des greniers permettait aux garnements comme moi de circuler parmi les vieilleries du siècle passé pour rejoindre ma tour d’ivoire et accessoirement de ne pas me mouiller par temps de pluie. Les domestiques de la ferme dormaient dans la grange dans des espaces qu’ils aménageaient selon leur convenance. Perrine cependant dormait à notre étage pour surveiller la marmaille. Elle faisait pratiquement partie de la famille.

     

    L'école pour moi fut un havre de paix et un supplice loin de la punaise, supplice de faire le chemin avec elle. Heureusement la présence dans ma classe de Roger, le fils d’Antoinette m’aidait à supporter les tracasseries méchantes de ma sœur. Sur le chemin du retour quand je ne cherchais pas les trésors que j’avais cachés le matin, je jouais à l’aveugle et il me guidait par la main. Il me parlait de sa mère. Je fermais les yeux en essayant de revoir cette poitrine qui frémissait quand elle tournait le moulin à café dans la cuisine. Je regardais à la dérobée et j’avais envie de lui prêter mes mains pour la retenir.

     

     

     L’été donnait un charme particulier aux femmes et je trainais au village en regardant les dames que je croisais. Je comparais leur charmes à ceux d’Antoinette et peut être avais-je du parti-pris mais elle avait toujours le meilleur résultat.

    Mon père Roger lui, se contentait quelque fois en venant en catimini de lui passer la main sur la croupe en ricanant bêtement « Ha ! C’est pour qui ce beau tafanar » Antoinette le poursuivait à coup de torchons ou de balais et il s’enfuyait en riant à gorge déployée. Pendant ce temps ma mère ne disait rien faisant semblant de ne rien voir.

    J’arrivais péniblement au certif. Je dus être repêché par la commission du concours car j’étais nul ou presque. Il était clair que je n’allais pas encombrer polytechnique de ma présence. Les bancs que je n’userai pas dans ce vénérable établissement seraient bien plus profitables pour un cerveau mieux rempli me dit mon père et il décida de me mettre en apprentissage.

     

     

    A cette époque la terre avait encore besoin de bras. L’agriculture et moi n’avions pas les mêmes centres d’intérêt. D’un commun accord je fus dirigé vers la mécanique et le garage de Teilleu m’accepta comme apprenti. On me réserva un placard dans le vestiaire et un établi où je pus enduire mes mains à loisir dans des cambouis agricoles et automobiles.

    Pour faire mes déplacements jusqu’à la ferme j’avais reçu une vieille mobylette qui avait trainé le facteur lors de ses tournées journalières.

    Pour ne pas rougir de cet engin que tout le monde connaissait je la passais à la peinture rouge C’était un fond de pot qui avait servi à réparer le véhicule des pompiers de Teilleu

     

    Je devais quelque fois porter chez le patron le panier des commissions que son épouse avait laissées dans sa voiture. Ils avaient une bonne à leur service. Petite, brune, maigre, avec des yeux noirs et malins. Elle n’était pas belle mais mignonne. Elle devait avoir environ seize ans mais en paraissait beaucoup plus. Son seul charme au premier abord c’était de magnifiques cheveux noirs tirés en queue de cheval et dont les extrémités s’enroulaient comme des anglaises. Elle réceptionna les denrées en me regardant comme si j’en avais mis dans ma poche.

      Tiens le nouveau ! Qu’est-ce que tu caches là ?

    Elle avait posé sa main sur ma braguette et la palpait pour je ne sais quoi.

      Viens un peu me montrer.

    J’étais très gêné mais j’avais compris où elle voulait en venir.

      Passe devant et attends-moi en haut de l’escalier.

    Elle rangea tout en un instant et déboula sur le palier légèrement essoufflée. Elle me poussa dans sa chambre et m’indiqua la descente de lit.

       Allonge-toi là ! Le lit grince et madame a l’oreille fine.

    J’essayais de l’embrasser mais elle me repoussa.

      Laisse toi aller !

    Elle dégrafa son corsage et mis à l’air une poitrine dont les pointes regardaient le ciel. Elle ne mettait pas de soutien-gorge et avait les tétons tout excités par le frottement du tissu. Elle prit son temps pour me défaire. A chaque phase de ma mise à l’air elle me regardait et je ne savais pas si elle se moquait ou si c’était un sourire de complicité. Elle me laissa caresser ses seins pour encore plus m’exciter mais ne me permit pas de les sucer comme j’en avais envie. Je lui demandais de se déshabiller.

      Non pas cette fois moi je travaille en ce moment mais on verra une prochaine fois si tu sais tenir ta langue. Moi je te trouve trop mignon et… ! Mais pour l’instant tais-toi et laisse-toi faire.  

     Elle enroula ses cheveux pour ne pas être gênée et commença un ballet de langue et de labiales. Par moment ses  lèvres se refermaient et elle aspirait juste mon extrémité pour subitement s’enfoncer jusqu’à la luette. Une mousse blanchâtre se formait aux commissures et elle retroussait ses babines pour n’en rien perdre d’un coup de langue. Elle avait une expression de satisfaction gourmande. Sa langue parcourait les plis jusqu’aux replis. J’allais exploser. Elle avait un regard de tueuse et soudain j’eu peur d’une agression ou d’une mutilation. Je n’avais jamais subit ce genre de pratique. Elle but la coupe jusqu’à la lie et en imprégna la pointe de ses cheveux en les passant sur mon sexe humide.

      Pour savourer plus tard !

    Je me rhabillais et elle descendit avant moi pour voir si la voie était libre .Elle me fit sortir par le jardin en me donnant rendez-vous pour le dimanche avec un regard engageant. Elle me dit qu’on pousserait plus loin l’exploration si je me munissais de préservatifs en pharmacie mais pas à Teilleu je devais les acheter à la pharmacie de Busancy et pour ne pas que je me trompe elle me donna un emballage vide. Elle s’appelait Flore et m’avoua plus tard qu’elle ne se souvenait pas de celui qui l’avait déflorée ! C’était tellement loin.

    Je repris ma mobylette et zigzaguais sur le chemin en rentrant à La Grive.

    Pour pénétrer dans la pharmacie j’attendis qu’elle soit vide des bigotes du cru. Je m’approchais un peu hésitant, relus les caractéristiques bien précisées sur l’emballage et formulais ma demande. Le pharmacien se retourna ouvrit un tiroir et me présenta un étui de six préservatifs lubrifiés non irritants et …

      Vous n’étiez pas satisfait de vos  précédents achats ?

    J’eus rougi jusqu’au sommet du plumet de mon képi de saint-cyrien si j’avais fait Saint-Cyr et si j’avais eu mon couvre-chef sur le crane.

      Je ne comprends pas !

      Tiens donc tous les garnements de Teilleu viennent ici pour un ami qui a une mobylette rouge et qui leur a demandé ce service.

    Après un instant de stupeur je regardais le pharmacien bien dans les yeux.

      Ce n’est pas pour moi cette fois ci c’est pour le club des garnements de Teilleu.

      Trop drôle je vous en fais cadeau pour cette fois ! Et passez le bonjour aux membres de votre club de ma part.

    Il doit encore rigoler en imaginant ma prochaine rencontre avec mes « amis ».

     

    Je passais mes loisirs à illustrer les loisirs de Flore et à foncer avec les copains en mob sur les routes du canton quand Flore travaillait.

    C’était une coquine ! Elle aimait son corps qui était maigre et osseux. Elle avait des muscles entretenus par les gros travaux de la maison qui saillaient quand elle se crispait. Elle aimait me chevaucher toute nue mais elle gardait ses escarpins parce qu’elle ne voulait pas montrer ses orteils qui, d’après elle, n’étaient pas beaux. Elle m’enseigna ce que l’école publique avait omis de m’apprendre et qui m’aurait été plus utile que les problèmes de robinets et de baignoires à une époque où les salles de bains étaient presque inconnues dans les campagnes.

     Madame ayant à se plaindre des services de Flore, madame la remerciât. Mon garagiste s’était trompé de chambre un soir.

    En lui rendant son tablier Flore ne put s’empêcher de dire à Madame.

      Monsieur a beaucoup apprécié la façon dont je lui ai fait le ménage. Il m’a dit que si madame avait été présente, elle aurait pu…

      Flore ! C’est le bouquet !  Je ne vous permets pas …

      Mais je n’ai pas eu besoin de la permission de Madame.   

     Elle fut remplacée par une vieille auvergnate qui sentait la chèvre et qui n’inspirerait pas monsieur.

     

     

    A coup de pieds ou de taloches j’appris plus ou moins la mécanique. Démonter, remonter nettoyer, balayer. J’usais mes paumes sur les rugosités de manches à balais crasseux. J’avais les mains soit dans la graisse soit dans les cambouis. L’agricole était mon plus détesté à cause de ses odeurs d’herbe fermentée et de gas-oil

    Après la disparition de Flore, décrassé à la pâte « Arma », je filais au village pour retrouver les garnements de mon âge et essayer de passer le temps dans un bled où rien ne se passe.

    Bastien, l’ouvrier du garage m’avait appris à débrider les moteurs de Mobs et nous faisions de temps en temps certaines « courses de la mort » avec les chenapans des alentours. Tout était permis sauf de freiner et de pousser les adversaires.

    Au cours d’une de ces compétition « A fond de ballon » nous vîmes la princesse arriver sur la route. Elle pédalait sur son vélo en direction de Teilleu. Nous étions trois de front chacun luttant pour avoir la corde avant le virage des Sources dans un bruit étourdissant nous la croisâmes.

    Elle perdit le contrôle de sa machine. Le vélo alla dans les fourrés et la pédaleuse dans les bruyères. La course ne s’arrêta pas pour si peu en faits nous ne vîmes pas l’accident.

    En entrant le soir Roger me demanda si j’avais vu la princesse je répondis que je l’avais entraperçu sur la route de Teilleu

    Roger se leva et pris les clefs de la camionnette.

    — Viens avec moi ! 

    Il roulait à petite vitesse scrutant les fossés. Soudain dans le rayon des phares une roue de bicyclette brilla un instant.

    Nous trouvâmes le vélo et quelques pas plus loin le corps de la princesse.

    Elle ne bougeait pas et une faible plainte faisait penser qu’elle était mourante. Du sang mêlé à des larmes barbouillait son visage et ses yeux étaient blancs et riboulaient de-ci de-là. Roger m’envoya chercher une lampe électrique dans la camionnette .Quand je revins avec la lumière, Roger avait passé son bras sous sa tête et Elle murmurait à son oreille :

      Ils l’on fait exprès !

    On transporta l’accidentée sur la banquette avant. Roger l’installa du mieux qu’il le put .Malgré toute son attention des gémissements de douleurs ponctuaient chaque mouvement.

      Charge-toi du vélo ! Mets le derrière et grimpe !

    La voiture démarra et Roger conduisait doucement. A Teilleu, il s’arrêta chez le docteur et entrepris de transporter la blessée, Moi je sonnais à la porte.

    Pendant l’examen de la victime nous patientions dans la salle d’attente. L’horloge du hall au bruit de son balancier de laiton égrenait les secondes accablantes, énervantes, lancinantes, à vous mettre les nerfs en cordes d’acier.

    Roger me regarda  durement et me dit :

    — Tu faisais partie de la bande d’imbéciles qui l’a envoyé au fossé !

    — On est passé par là cet après-midi mais on a rien vu.

    — Vous ne vous êtes même pas arrêtes ! … Bande d’assassins ! Comme ça dans le fossé ! Tu l’as laissée mourir ! 

    — On faisait la course en mobylette ! On a rien vu trop occupés à ne pas se viander sur le macadam.

    — Qui y avait ? 

    — Je ne sais pas moi !… On était plusieurs.

    — Ça va se payer à la maison ! 

    Le docteur ouvrit la porte et nous rassura.

    — Rien de cassé ! Des égratignures superficielles ! Mais elle a dû avoir peur et être étourdie pendant un certain temps…

    __Quelques aspirines pour les douleurs et du mercurochrome sur les bobos. Dans huit jours il n’y paraitra plus. S’il y a du nouveau ramenez-la ! Mais j’en doute. 

    Le retour à la grive fut silencieux du moins pour moi car je voyageais sur le plateau avec le vélo. Je voyais la princesse parler de temps en temps au Roger qui prenait des airs médusé.

     

     

    Ce qui m’étonne maintenant c’est l’entente entre la princesse et le benêt de Roger .Bien longtemps après cette soirée et mon retour au village Le vieux renard de Jules me fit certaines confidences au cours d’une partie de pêche qui nous laissait bredouille.

    C’était peu après Mon installation à Beauvallon chez Antoinette. Je me lamentais sur je ne sais quelle disposition du testament qui me laissait que des miettes de terres les plus stériles de la dote de ma mère. Ma meilleure parcelle étant un bois de noisetiers

    Le père Jules se mit à rire

    — Le bois de la combe ? 

    — Tout juste !il n’y a qu’éboulis et noisetiers pour faire des fagots …

    — Les Anciens attribuaient aux noisetiers de nombreux pouvoirs magiques, dont celui de conférer la fertilité aux filles qui venaient y trainer avec un amoureux… Je me souviens d’un soir. J’étais  « embuscadé » dans ce bois, J’attendais près du grand chêne le passage d’une famille de sangliers. Je braconnais à l’arc ! À l’ancienne pour ne pas faire de bruit et réveiller les gendarmes. Le crépuscule amorçait la nuit et la brume commençait d’envahir la combe. Une grosse voiture s’engagea dans le chemin. Elle vint s’arrêter presqu’a ma hauteur. Je ne pouvais dévoiler ma présence. À l’époque j’avais les pandores sur les talons et la prudence s’imposait .J’ai tout vu bien malgré moi ».

    — Et tu as vu quoi ? 

    — Tout ! J’ai vu un étranger pas d’ici un petit brun bien habillé je l’ai bien vu quand après il est sorti de la voiture et qu’il a pissé contre une vieille souche. Peu après Marie-Madeleine est sortie à son tour .Elle est venue pisser presque sur mes brodequins et elle a failli me voir. Elle s’est arrangé les vêtements et elle est remontée dans la voiture .Ils ont tout de suite démarré et plus personne.

    — Et alors ? 

    — Alors ! Je te disais que les noisetiers confèrent la fertilité ! Moins d’une année après tu as eu une sœur. 

    Je gardais l’information pour moi mais compris bien des choses et en fouillant dans divers papiers je pu confronter les dates et corroborer les révélations du vieux renard.

     

    Chapitre 2

     

     

    Pendant qu’on installait la pauvre éclopée dans sa chambre je réunis tous mes trésors dans un sac que je passais par la fenêtre de ma chambre .Je descendis discrètement, sortis par la porte de la cuisine et récupérais ma sacoche. Je poussais la mobylette le plus loin possible jusqu’au carrefour des marronniers.

    Le paysage défilait de chaque côté du rayon de lumière de mon phare. J’allais je ne sais où, vite, loin, hors de portée de ces tracassiers qui ne m’aimaient pas et pour qui j’étais un fardeau.

    La panne d’essence me surpris à l’aube dans un petit village propre et inconnu. Je laissais ma machine et partis à pied vers ce que je crus être une auberge. C’était un relais routier. J’entrais et pris un café en attendant l’ouverture de l’épicerie qui avait une pompe à essence devant

    Les clients parlaient fort buvaient sec pour faire descendre les monceaux d’aliments qu’ils engouffraient dans des bouches voraces comme des foyers de locomotives (cf. La bête humaine) .

    D’après ce que j’entendais l’un des convives parlait de faire un dépannage de camion mais son aide n’était pas en état. Il était saoulé depuis la veille et Le Paul cherchait un client pour lui donner un coup de main .Dans l’assistance chacun avait des oignons à s’occuper et mettaient Le Paul en boite pour avoir pris comme bras droit un soiffeur.

    Je m’avançais et dit

    — Moi je veux bien vous donner la main pour votre travail. Je connais la mécanique. Je suis en panne d’essence à l’entrée du village et un peu plus tôt un peu plus tard ça ne me gêne pas de vous aider.

    Le Paul me regarda des pieds à la tête d’un air peu engagé  .Pour rompre le silence je lui montrais les paumes de mes mains striées de cambouis et de coupures.

    Après un coup d’œil il dit :

    — C’est bon 

    Une fois la mobylette rouge sur la dépanneuse nous partîmes voir ce camion.

    Le soir Le Paul me proposa de me trouver une chambre et de faire équipe avec lui.

     

    Le dimanche était sacré, Marcelle faisait son rôti de porc aux fusillis. Les tomates pour la sauce venaient du jardin de son frère, les herbes expédiées par sa tante de Palerme et les pâtes, Marcelle se réservait l’après-midi du samedi pour les confectionner, avec une machine introuvable par ici. Après le café le Paul me poussait vers la sortie en me disant : 

    —Allez petit va t’amuser.

    Marcelle aurait bien voulu me garder encore, elle me souriait gentiment et me refilait en douce une gamelle pour le soir. J’y découvrais le meilleur morceau du rôti et des pâtes givrées de parmesan. Ma mobylette me servait pour aller au cinéma.

     Je ne fréquentais que les camionneurs et ils m’appréciaient pour ma bonne humeur et ma disponibilité.

     

    Je passais les après-midi au cinéma pour voir des films d’aventure, quand ma mobylette ne m’amenait pas au stade pour applaudir les équipes des environs.

     Ce dimanche la kermesse battait son plein et tout le monde se retrouvait là. Je l’abordais sur le stand des glaces et lui proposais un cornet. Je l’avais déjà remarqué chez un fournisseur. Elle tenait l’accueil et m’orienta vers la comptabilité. Dans ses yeux un voile de mélancolie rendait son visage triste attachant et vous donnait envie de la consoler.

    —On ne se connaît pas.

    —Je vous ai déjà rencontré Chez Perrin, je venais régler une facture

    —Vous aviez une mobylette.

    — Rouge et rapide. C’est mon bolide, avec je pourrais faire le tour du monde. Cette glace ?

    —Fraise et qu’une boule le froid me fait mal aux dents.

    —Si vous préférez le stand d’à côté propose des tartes qui damneraient un moine.

    Son petit sourire avait mis des petites fossettes aux commissures de ses yeux et dans son regard une parcelle de joie fut un mirage passager. A cet instant elle sauta dans mon cœur et j’eu une peur immense de ne pas pouvoir là captiver, là charmer, là conquérir.

    —Je préféré la pâtisserie je risquerai moins de tacher ma robe. Je suis assez maladroite

    —Vos désirs…

    Nous avons passé l’après-midi dans la kermesse. Nous essayâmes presque tous les stands. Je lui gagnais un petit ours en peluche .Il faisait porte-clefs et elle l’accrocha de suite à son sac

    —Ce sera mon porte bonheur.

    —Vous n’aviez pas de porte-bonheur ?

    —Ceux que j’ai ne m’ont rien apporté. Je crois que je ne suis pas faite pour lui. Et vous quel est votre porte-bonheur.

    —C’est dans une petite robe noire avec un col orné d’une surpiqure blanche. Il a une paillette de tarte collé au coin de sa lèvre et j’aimerai bien l’enlever avec un baiser.

    —Vous voulez déjà m’embrasser ?

    —Enfin vous embrasser ce n’est plus une envie c’est un besoin.

    Je la raccompagnais avec mon engin. Elle était assise en amazone sur le porte bagage et se cramponnait fort. Je sentais ses mains sous mon blouson et ses doigts crispés sur mes côtes.

    Le lundi matin je ne savais pas comment aborder le sujet avec Paul. Il me fallait un véhicule si je voulais passer prendre Solange à la sortie de Perrin. Le Paul voyait mon embarras et en allant dépanner un semi enlisé dans la cour d’une ferme

    —Tu pourrais prendre la dépanneuse pour sortir en semaine si tu voulais.

    —Pourquoi j’ai ma mobylette.

    —Oui mais la petite a dû avoir mal aux fesses sur ton porte bagage. Moi quand je fréquentais Marcelle je pliais mon blouson pour la faire assoir.

    J’avais les joues en feu, les mains moites et le cœur à l’arrêt. Paul riait sous cape et me regardait un sourire ironique au coin des lèvres. 

    —Si tu prends la dépanneuse ça va faire jaser. Les mauvaises langues vont se faire un plaisir…Prends plutôt la dauphine de Marcelle vous aurez moins de courant d’air. Pendant une quinzaine j’allais la prendre à la sortie de chez Perrin Je la ramenais près de chez elle et en se quittant je l’embrassais d’abord sur les joues puis je prenais sa tête et elle me tendait ses lèvres en fermant les yeux. Puis un jour elle n’a pas été à la sortie des bureaux et j’appris qu’un de ses frères paranoïaques ou schizophrènes dans une crise de démence l’avait tué ainsi que sa mère et son petit frère. Tout le pays en a parlé et en parle encore. Après cet épisode tragique je n’avais plus trop envie de rester au village.

    Au volant de la dépanneuse j’ai sillonné la région tirant des bahuts enlisés, réparant des essieux avachis, nettoyant des filtres à gas-oil et bricolant des durites pour arriver jusqu’au garage.

    Le Paul me permettait de temps en temps de faire un tour avec un gus qui amenait un chargement sur Lyon ou sur Paris.

    A Lyon je passais deux ou trois jours. J’avais arpenté les endroits où mon oncle Flavien avait trainé ses godillots. Le centre-ville était superbe avec des immeubles hauts comme des cathédrales, beaux comme des palais et des gens pressés qui se croisaient sans se saluer. Des usines tout autour et une quantité de voitures qui stationnaient tout le long des trottoirs. Je trouvais cette ville bruyante et brouillonne, les gens couraient, se croisaient sans se dire bonjour et au bistrot ils buvaient triste.

    Je me mis à la recherche d’un camion au marché-gare pour m’approcher de mon nouveau chez moi.

    Le deuxième à qui je posais la question me répondit :

    — Pourquoi vas-tu te perdre dans ce bled ici il y a du travail pour dix pour cent pour tous … Viens avec moi faire la route, l’international. 

    — Je suis bien avec mon boulot pas de patron ou si peu c’est le travail qui commande. J’ai du temps libre et je peux me balader de ci de-là.

    — Si tu veux te balader viens avec moi j’attaque la semaine prochaine au transport international L’Arménie, l’Iran, l’Arabie… Tu vas en voire du pays, des villes des mille et une nuits et des danseuses avec des voiles transparents et des perles dans le nombril….Si tu viens amène ton passeport. Tu vas au bout du monde.

    — J’aviserai ! Pour l’instant je rentre au bercail trouve moi un taxi ! ».

    Le lendemain j’en parlais au Paul. Il hocha la tête longuement avant de me dire :

    — Plus tu roules ta bosse plus tu apprends à vivre et à la fin tu trouveras un coin où tu poseras tes valises.

    Le lendemain je pensais à mon passeport. Je passais aussi mon permis pour l’international. En attendant mes papiers je travaillais au garage avec entrain. Le Paul me tuyautait pour me préparer à ma nouvelle condition. J’appris à dépanner avec les moyens du bord. Il me montra des trucs infaillibles comme filtrer du gas-oil qui paraffine ou réparer un pneu éclaté avec les nouvelles rustines à froid.

    Pendant ce temps son épouse me constituait un « paquetage » pour le très froid et le très chaud. Elle avait été à bonne école Le Paul ayant fait les convois du mont Cenis.

    Le Paul avait été dans sa cambuse à souvenirs Après m’avoir montré quelques photos de camions plus ou moins engagés sur des routes à ne pas laisser passer une carriole, Des camions sur des routes verglacées. Parfois en travers ou couchés dans un fossé. A cette époque le graisseur passait son temps armé d’une pelle à sabler la route devant le camion. Des clichés montrant des auberges tyroliennes. Des postes de douane et des panneaux de bienvenue en plusieurs langues étrangères  Ses yeux brillaient quand il me parlait de son Bernard DC6 avec ses cent dix chevaux, son gros nez, ses rétroviseurs le pare choc avant caractéristique, la cabine haut perché le volant en bois clair, les milles cliquetis qui faisaient le ronron de la cabine, et l’odeur chaude et capiteuse d’huile à la bonne température.

    Le Paul me montra le bouchon de radiateur qu’il avait gardé en souvenir. Il fit signe de me le donner .Je refusais en arguant :

    — J’espère gagner le mien sur les pistes sablonneuses. J’en ferai plus tard un presse-papier. 

     

    Pour obtenir mes permis et passe port  je dus aller à la préfecture.

    Le Paul avait acquis la semaine précédente un pick-up Ford rutilant. Il avait fait peindre en jaune sur la carrosserie rouge en plus de sa raison sociale « Dépannage toutes distances » Il me confia le véhicule en me demandant de le garer dans des endroits avec beaucoup de passage pour faire de la réclame.

    Je profitais de l’occasion pour passer à Teilleu

    Que dire de Teilleu? Il n’y a rien à part la mairie encadré par l’école des filles et celle des garçons. Devant, une place informe parsemée de flaques boueuses où les moineaux viennent se baigner. Au centre le monument aux morts avec un coq en bronze déployant ses ailes en faisant de l’équilibre sur une boule censée représenter peut être le monde ! Qui sait ?

    A un bout du village la caserne des pompiers. Hangar plein de courants d’air, il abrite un antique Berliet-incendie reformé par une grande agglomération.

    A l’autre bout le garage où j’ai appris le balayage En trente-six leçons et autant de coup de pieds dans le train.

    Je ne fumais pas mais m’arrêtais devant « l’épicerie- tabac- bazar-café ».

    Je pris mon temps pour descendre et entrer dans le magasin. Tous les regards dévisagèrent l’étranger puis, après un certain temps mon visage leur rappela le garnement qui terrorisait le monde sur sa pétrolette.

    —  Ben ça alors ! L’Alexandre de La Grive par hasard ?

    — Mais il revient d’Amérique !  Avec c’te voiture.

    — On le voyait plus bien par ici ces temps. 

    On vint me serrer la main, me regarder devant et derrière pour voir que j’avais grandi, que j’étais un beau jeune homme, que je trouverai facilement un bon parti…Une petite vieille m’entraîna à part.

    — Tu vas passer à la Grive ? 

    Non pourquoi ?

    — Antoinette est bien malade. Passe la voir ! Elle t’aimait bien !

    Je suis tout retourné.

    — A ce point ?

    — Vas-y ! Vas la voir. Elle me parlait de toi il y a peu ! 

    Je salue tout le monde et sort du magasin en oubliant de faire mon achat.

    Mon véhicule a provoqué un attroupement. Les gamins passent un doigt fureteur sur les chromes de la calandre et sur le brillant de la peinture cellulosique. Le Paul m’avait  chargé à l’arrière un gros rouleau de câble et un énorme cric qui pourrait soulever un wagon de chemin de fer. Sur le tableau de bord il a laissé un casque de chantier en aluminium brillant comme un diamant ce qui complète la touche pour soigner la « Réclame ».

    Les chevaliers du moyen âge n’étaient pas mieux armés que moi, moderne hussard et champion du changement.

    Je démarre. Le moteur ronronne de suite d’un ronflement feutré comme une machine bien huilée.

    Bastien, mon ex camarade de souffrance était là. Il poussa un « Wwhoua !

     Quelle mécanique ! Du velours.

    — Du velours mais un taureau rageur sous le capot ! Viens faire un tour ! 

    Bastien monta et de toute la virée ne dit rien. Il caressait le cuir des sièges, le cendrier et l’allume-cigare. Il me fit essayer le clackson, et combles de perfectionnement, les essuie-glaces électriques

    Il était ébloui.

    — Tu peux la conduire si tu veux tous les jours ! Je laisse ma place bientôt. Si tu viens t’embaucher, je parlerai de toi au patron. Il est sympa et l’ambiance est super.

     

    Content et anxieux, je filais sur la route. Je ne savais pas ce qui m’attendrait à la ferme. Et Antoinette avec sa petite vie triste, ternie par le sort qui s’était acharné sur la plus méritante de la famille et sur mes premiers troubles.

    Mon véhicule perturba la basse-cour, fit aboyer le chien et mit tout le monde aux fenêtres .Je descendis du pick-up et attendis le comité de réception.

    Apres un moment qui dut être occupé à tenir un conseil de guerre, Le Roger en maître des lieux s’avança sur le pas de la porte. Je marchais lentement en regardant de-ci-de-là à la recherche de visages collés aux carreaux.

    Roger m’interpella.

    — Qu’est-ce que tu nous veux ? 

    — Juste le bonjour.

    La réplique ne vint pas .Il regardait le véhicule en estimait le prix et en fonction évaluait ma réussite.

    — J’aimerai embrasser tante Antoinette ! Cette demande contrariait ses plans .Si je demandais à la voire c’est que j’étais au courant. Un silence pesant pris place et personne ne pouvait le rompre sans baisser pavillon. J’allais remonter dans mon bolide quand Roger, le fils d’Antoinette poussa mon père et me dit d’entrer.

    Dans la grande salle je profitais d’un large passage vers l’escalier menant aux chambres. Le jeune Roger m’ouvrait le chemin. Nous montâmes lentement pour ménager nos effets.

    Dans la chambre Antoinette reposait les bras sur la courtepointe .Les oreillers relevaient son buste et sa tête était légèrement inclinée sur la droite .Elle me fit signe d’approcher et me demanda.

    — Tu viens pour me voir une dernière fois ? 

    Je protestais fermement j’affirmais que j’avais besoin de papiers pour partir à l’étranger. Qu’après la préfecture j’avais simplement poussé jusqu’à la ferme pour dire bonjour et, expliquer mon départ.

    Antoinette avec un faible sourire me dit que j’étais brave. Que j’étais un bon garçon et que j’avais toujours gardé son estime. Elle me fit un petit clin d’œil et demanda à son fils de nous laisser seuls.

    — Comme tu as pu le voir ta mère et ta sœur ne sont pas là. Elles sont montées à Paris car ta sœur après avoir gagné un radio crochet à Busancy, s’est mis en tête de faire chanteuse dans la capitale.  Elle prend des cours de chant dans un conservatoire et des cours de comédie.

     Pour la comédie elle n’a pas besoin de cours, sa dernière tragédie, elle me l’a jouée dans un buisson sur la route de Teilleu.

    — Il n’y a eu que ton père pour tomber dans le panneau. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit mais toute la maison en a eu pour son grade. Et la grosse nouvelle c’est qu’elle a convaincu ton père de vendre la ferme pour les installer à Paris.

    — Ce qui fait de la peine c’est que le blé des Maillard n’ira plus faire le bonheur des meuniers de la région .On avait les meilleures terres de la vallée.

     Le premier Maillard qui les a cultivées c’est Maillard Stanislas au début de la révolution. Il avait racheté les biens confisqués au clergé avec la dote de son épouse. Il les avait payés avec une poignée d’assignats, juste avant la dévaluation de  1792.

    — C’est pour cela que les calotins nous ont toujours méprisés. Quand je pense que le curé voulait me faire redoubler le catéchisme.

      Il y a des rancunes tenaces, pires que vendettas de corse. Pendant la guerre si ton oncle Alexandre a été fusillé, et pas sûr que ce soit par les allemands, il se peut qu’il ait été dénoncé par des envieux de longue date.

    — Enfin nous serons débarrassés de ces terres maudites qui nous ont enchainés dans cette brousse.

    — Il n’y aura plus que les terres de ta mère qui ne peuvent être vendues car je suis avec elle en indivision. C’était la volonté de notre père qui savait que ta mère avait comme il disait les mains percées. J’ai fait aménager ma ferme de Beauvallon et à ma sortie d’hôpital, j’irais m’installer avec mon fils, bien que cette idée ne lui plaise pas. Si tu veux tu auras ta chambre. Ici tout va être dispersé, vendu à l’encan, donné aux nécessiteux.

    — Je veux bien une chambre chez vous pour garder mes affaires mais pour l’instant je vais faire du transport international et je ne serai pas souvent en France.

    — Je vais être opérée à Lyon. Le docteur d’ici ne peut plus me soigner. Le chirurgien de Lyon, un grand professeur, m’a proposé une intervention qui ne s’est pas encore faite en France. 

    — Mais qu’est ce qui ne va pas ?

    — Mon cœur est asphyxié par des artères qui ne marchent plus. Il me propose de les remplacer par des petites artères de la jambe qui ne me servent pas trop. Le professeur me garantit une meilleure vie après. J’ai fait mon testament et tout est en ordre.

    — Pourquoi un testament tu vas vivre encore mille ans.

    — Faire un testament est une précaution pas une action morbide. A mon retour j’espère démarrer une activité a Beauvallon. Je pense faire un élevage de poneys pour un manège qui va démarrer à Busancy.

    — Pourquoi des poneys ?

    — Pour entraîner les enfants dès leur plus jeune âge. Je vais les importer d’Irlande. J’ai pris contact avec un éleveur Irlandais. Il va faire suivre les bêtes ici par son meilleur lad pendant six mois. J’espère fournir tous les manèges de France et de Navarre.

    — Pourquoi pas ! Tout peut se faire et la terre comme on a connu comme avant c’est presque fini. Tous les paysans quittent les villages pour faire manœuvre dans les usines en ville.

    — Rapproche-toi ! Je vais te dire mon secret…

     


     

    Chapitre 3

     

     

    J’ai regagné mon garage, pris mon paquetage, ma mobylette rouge, que j’avais remis à neuf pour me servir de coursier pendant les haltes, et tout chargé dans le pick-up.

    Le Paul s’est mis au volant .Son épouse, sur le pas de la porte, se retenait pour ne pas pleurer comme si le fils prodigue prenait le chemin de l’aventure.

    Paul s’appliquait à conduire comme s’il passait le permis. Je ne disais rien. Je n’avais rien à dire. Le moteur Ford de Général-Motor ronronnait sur des tons différents comme un monstre dompté. A chaque vitesse passée le rugissement se terminait par une mélopée chantée par les engrenages bien huilés. Le bruit se faisait incantation. Que dire comme réflexion digne de troubler cette mélodie ?

     

     

    — Mais c’est Pollux ! Cet étonnement exprimé par le chef de l’atelier fit retourner l’assistance. Un instant de silence et quelques cris de bienvenue fusèrent çà et là  .Un groupe de trois ou quatre anciens vinrent serrer la main de Pollux. Mon patron était très ému par la rencontre d’anciens compagnons.

    — Tu viens reprendre le trimard ! Il y a de l’embauche en ce moment pour les vieux routards.

    — J’amène la relève ! Des jeunes coqs aux ergots coupant comme des sabres qui vont vous montrer que les vieilles tiges savent passer le flambeau en formant des « Experts ».

    — Le meilleur ne pouvait faire moins, mais, je t’aurais pris malgré ta moustache grise !

    — A mon âge ! Mes charentaises tous les soirs, et puis j’ai une épouse trop jolie pour que je la laisse seule trop longtemps.

    — Alors !ton débutant est-il prêt à partir de suite ?

    Je m’avançais d’un pas en disant :

       J’ai mon sac, ma gamelle et une mob pour les loisirs !

    Un éclat de rire général accueillit cette repartie et je crois qu’à l’instant j’avais gagné ma place dans l’équipe.

      Il faut quand même le montrer au patron ! Monsieur Philippe sera content de le recevoir. Allez Pollux viens aussi tu vas lui rappeler les temps héroïques.

     

    Je fis bonne impression à monsieur Philippe et je me retrouvais deux heures plus tard au volant d’un Berliet flambant neuf. J’avais pour un tronçon du parcours « le Catcheur » comme compagnon. Un bonhomme trapus comme un buffet de campagne en marcel bleu marine et salopette plus ou moins en ruine du côté des bretelles .Les attaches métalliques étant retenues par de la ficelle. Je m’abstins de tout commentaire vestimentaire mais j’allais de surprises en surprises tout au long de notre collaboration.

    Le principal sujet de discussion du Catcheur c’était la nourriture. Il était intarissable sur la question et connaissait les menus de pratiquement tous les relais routiers de France et d’ailleurs. Au bout de deux heures il s’était fait une opinons sur ma conduite. Il roula en boule une sorte de couverture bariolée et s’en servant d’oreiller s’endormit.

    A un moment il se réveilla et dit :

    — On s’arrête au prochain virage !

    Au détour suivant, une auberge avec un vaste parking et quelques camions arrêtés nous remis le cœur en appétit.

    — Comment as-tu su que l’auberge était  là .Tu dormait je crois ?

    — L’odeur du bon frichti ! Et le virage d’avant qui est particulier ! Un bon graisseur ne dort que d’un œil.

    Nous garâmes le bahut à côté des autres et entrâmes dans l’auberge. Nous nous installâmes à la table commune .Deux camionneurs italiens finissait leur repas. Ils nous avisèrent de l’état de la route. Un éboulement barrait la nationale il nous faudrait passer par la montagne.

    Le Catcheur palabra un moment et me dit :

    — Il ne va pas falloir traîner ! Un sandwich et c’est tout. Je prends le manche si tu ne vois pas d’inconvenant.

    Je n’en voyais pas. Pendant qu’il enfilait virages sur virages sur une route très mal entretenue je suivais l’itinéraire sur la carte. Je sortis ma boussole et essayais d’orienter la carte.

    — C’est faux mon bonhomme il faut compter avec la masse du camion. Si tu veux t’orienter éloigne toi du véhicule.

    — Si je suis dans le désert je pourrais toujours m’orienter à la boussole !

    — Sauf qu’il y a des endroits bourrés de minerai de fer et alors la boussole ! Il vaut mieux se fier aussi aux étoiles et si tu as un bédouin du coin demande lui aussi vers où il se tourne pour la prière.

    — J’en apprends beaucoup sur la relativité des choses. Au fait pourquoi avez-vous appelé Paul « Pollux ».

    — A cause d’une énorme peluche du personnage du « Manège enchanté ».Il l’avait gagné à la loterie dans une foire et l’avait installée sur le siège passager. Quand on le croisait on avait l’impression que ce chien était vivant et remuait avec le balancement du camion. Sacré Pollux ! Un jour on lui a remplacé par une peluche plus petite et ça a fait toute une histoire Il a récupéré son bien en Autriche dans une auberge et il a du aller la chercher dans la chambre de la serveuse. On en rigole encore entre anciens.

    — Je vois que vous n’étiez pas très sérieux pendant les repos.

    — On roulait sur des routes souvent enneigées et nous ne rigolions pas au volant. Il était rare que nous nous retrouvions à plus de trois dans la même auberge. En principe on dormait dans la cabine et rien n’était aménagé. On s’arrêtait dans les auberges pour se décrasser sous la douche et dormir dans un lit au chaud. Combien j’ai pu balancer par la portière de boites de sardines et de pâté. On mangeait en roulant et on buvait un café fort et sucré dans le gobelet du thermos rempli au comptoir d’une buvette sur la route.

    — C’était la belle vie ! Vous étiez les seigneurs de la route !

    — Les forçats ! Enchaînés au volant jusqu’à conduire les yeux rouges de sommeil.

     Bon j’ai fait le meilleur de la route tu vas prendre le bois pour le reste.

    J’étais étonné il venait de se farcir un parcours qui m’avait semblé périlleux. Il prit ma place et roula sa couverture en oreiller, posa sa tête dessus et ferma les yeux. Je lui demandais :

    — Tu vas dormir ?

    — Je peux ! Je te fais confiance .A l’embranchement prends seulement à droite !

    Au bout de trois minutes il ronflait presque aussi fort que le moteur.

    Plein phares, je roulais en redoublant d’attention. Les lacets montaient sec et les arbres semblaient se coucher sur mon passage. De temps en temps je surveillais les cadrans de pression d’huile et de température. Après une série de virages serrés je trouvais un coin où m’arrêter.

    — Tu es fatigué ?

    — Non je fais souffler la machine .Ce n’est pas la peine de faire bouillir le radiateur.

    — Bonne résolution ! J’aurais fait pareil seulement laisse tes phares. Si il y a un camion devant il ne sera pas surpris il pourra anticiper. Dans un quart d’heure je reprends le volant. Fais le tour des pneumatiques voir si ils ont chauffés !

     

    Turin, Milan, Vérone, Padoue, Trieste, et environ quinze cent kilomètres sans presque s’arrêter Bonjour la Croatie avec un arrêt à Gradac .C’est là que je prends livraison dans une caserne de gendarmerie de mon camion. Le chauffeur ayant été hospitalisé les gendarmes se sont empressés de mettre le véhicule en sûreté. Ils escomptaient une récompense qui arrive sous la forme d’une enveloppe bourrée de dollars en petites coupures. J’offre aussi au capitaine en cadeau pour « Madame » un flacon de parfum. Sur l’étiquette une tour Eiffel confère au présent une aura de grand luxe. Nous serons toujours les bienvenus dans la région.

    A l’étape le soir je retrouve le Catcheur. Nous mangeons du « local » dans un restaurant qui en France serait fermé illico par les pouvoirs publics. Dans la conversation je lui dis que le capitaine des gendarmes a fortement été touché par le parfum destiné à son épouse.

    Il éclate alors de rire « Il va y en avoir des donzelles qui vont sentir le chic parisien pendant longtemps ».

    — Tu crois qu’il ne va pas le donner à son épouse ?

    — Il a dû déjà le céder a une mère maquerelle des environs pour avoir toutes les filles à sa disposition ! Son épouse ! Il l’a dans son lit tous les jours et surement qu’il s’en passerait bien quelquefois. Sur la boite y avait-il une tour Eiffel ?

    — Oui ! Pourquoi ?

    — Le patron ne s’est pas ruiné ! C’est une pâle imitation, une babiole de prisunic.

     

    Sarajevo, Sofia. Retour avec un chargement de peaux de chèvres. Avec la chaleur sous la bâche l’odeur est intenable. Je dois livrer une tannerie en Italie et rentrer pour un nouveau chargement de tubes métalliques.

    Nouveau transport pour le moyen orient. Des turbines pour centrales thermiques et c’est très urgent Pour éviter de perdre du temps dans les sables et éviter la casse de matériels malgré le cout supérieur nous allons prendre le ferry de Burgas à Batumi. Cinq jours de mer dans un confort relatif.

     

    L’iroquois et le Catcheur sont du voyage. Un turc conduit le quatrième camion. Nous embarquons parmi une foule bigarrée qui se presse à l’appontement des passagers. Ils poussent ou trainent des bagages hétéroclites pour un voyage vers des destinations aux noms enchanteurs mais au climat ingrat. Nous en avons pour cinq jours avec deux escales pour faire le courrier de bleds impossibles.

    Le ferry est un trois étoiles pour la région. Déclassé pour les trajets de la Manche il a été racheté par une société libanaise. Dans la cabine que je partage avec le turc, Il reste encore la décoration britannique. Des gravures de chevaux sautant des obstacles. Mon turc, c’est un gazier très frugal. Quand il ne sort pas pour les repas, il fait des provisions de sommeil pour les jours où …

    Le capitaine est marié avec une belle chinoise qui a pris en charge les menus services du bâtiment. Son frère fait les chambres, son cousin assure la blanchisserie des passagers, quant au reste je crois que son père tiens une table clandestine quelque part dans la salle des machines. Mais je n’ai pas de temps d’aller vérifier. Je préfère rectifier l’arrimage de mon fret pour assurer plus de sureté.

      Coup de main monsieur ?

    C’est le cousin blanchisseur.

      Non merci j’ai fini.

      Jolie moto ! Vouloir vendre ?

      Non elle me sert pour aller voir les filles.

      Rigolade monsieur ! Toi vendre vingt dollars ?

      Mais non moi besoin elle.

      Toi vendre moteur seul vingt dollars.

    Pourquoi veux-tu juste le moteur ?

    Il se lance dans une longue explication moitié en turc moitié en chinois et moitié en anglais avec quelques mots en français, ce qui fait beaucoup de moitiés.

      Non pas vendre !

      Monsieur, pas faire bonne affaire ! Bay bay.

    Après avoir débarqué je m’aperçois qu’il m’a refilé des dollars libanais accrochés avec une pince à linge et qu’il a embarqué la machine. Adieu ma mobylette rouge pour le prix de deux paquets de cigarettes.

    Nous rentrons à moitié vide le turc nous lâche a Istanbul relayé au volant par un bulgare roux comme un anglais et ronchon comme Grincheux, le nain de blanche-neige. L’iroquois lui offre une bouteille de vrai whisky polonais et nous nous en faisons un ami pour la vie.  

    Retour sur Lyon. Un voyage sur Dunkerque avec des transformateurs électriques pour le Brésil. Lyon est bien partie pour mettre au courant toute la planète !

     

    Repos trois jours à Six-four plage pour essayer de bronzer le reste. Nous n’avons que le visage et les avant-bras pain brulé. Le catcheur, pour être plus à l’aise a coupé les jambes d’un pantalon noir à mi-hauteur. Il laisse flotter une chemise hawaïenne criarde. Des mi-bas Kaki dans des chaussures marron foncé et nous voilà salués par un groupe de touristes allemands. Le catcheur répond de la main. Nous en faisons autant sans rien comprendre.

    — Tu les connais ?

    — Non, je ne vois pas pourquoi ils m’ont dit bonjour.

    Je m’écarte de deux pas sur le côté et

    — Indubitablement ils ont reconnu l’élégance d’outre-Rhin. Ton tailleur est prussien ?

    — Mon tailleur is rich Et il vous en-lace… L’iroquois nous fait une démonstration de son savoir nautique et nous sommes obligés de plonger pour le sauver de la noyade. Le soir dans les restos du port, on se venge de l’abstinence au volant. Le Bandol coule comme la Seine sous le pont Mirabeau. Nous rentrons en marchant lentement pour éviter les chutes. La moisson de souvenirs pas encore toute engrangée nous remontons en train sur Lyon. Après cela les sables de l’Arabie pour livrer des émirats avides de matériel électroménager. C’est la ronde infernale jonchée de crevaisons, de casse de ressors ou de fuites de précieux liquides immobilisant tout un convoi pour s’entraider à réparer rapidement.

    De passage à Trévise, je laisse le camion dans un garage pour un changement de radiateur.

     

    Je profite des trois jours d’immobilisation pour faire un saut à Venise.

     J’ai bu mon café place Saint-Marc, visité le palais des Doges et après le pont Rialto, je musarde dans les ruelles et le long des quais. Au détour d’une rue une placette occupée par un minuscule marché. Je circule parmi les bancs écoutant la musique des dialogues entre commerçants et acheteurs. On a l’impression qu’ils vont se mettre à chanter. Une bonne vieille m’interpelle en me montrant son panier. Je ne comprends rien parce qu’elle parle vite.

    — Désolé signorina no perler italien ! Moi français.

    — Quel plaisir de rencontrer un français. Pouvez-vous prendre mon cabas un instant et si vous avez un minute me faire un bout de chemin ?

    — Avec plaisir mais vous parlez français à la perfection.

    — C’est que j’ai longtemps travaillé au consulat de France. Dans le temps, je m’occupais de l’approvisionnement de la table du consul et des réceptions. J’ai assisté à de belles soirées. A Venise tout est somptueux.

    — Vous devez avoir de bons souvenirs.

     Montez-moi mes courses et je vous en parlerai devant un verre de limon pour vous remercier de votre amabilité.

    — Je n’ai que ça à faire pendant trois jours.

    Devant un verre de limonade aromatisée à la menthe elle me parle de son Venise. De l’époque où elle brillait dans le monde. Elle est contente de s’exprimer en français et, émerveillé par son accent mélodieux, je l’écoute me révéler les secrets d’une faune vénitienne que je ne connais pas et que je n’aurais jamais imaginé.

    — Mais vous me tournez la tête j’en oublie mon repas. Voulez-vous le partager avec moi ?

    — Très volontiers.

    — J’appelle Angélina elle va s’occuper de vous pendant que je suis devant les Fournaux.

    Angélina ! Il n’y a rien à en dire sauf qu’elle est brune, souriante, des joues à attirer les bises, Un buste mis en vitrine par un pull Carmen décolleté à l’extrême et des dents pareille à un collier de nacres. Des dents qui vous incitent à croquer la pomme. Elle parle un français rudimentaire. Elle s’excuse de l’entrecouper de mots italiens. On pardonnera tout à une si belle bouche.

    Mon hôtesse Martina nous sert une sauce tomate onctueuse. Des rondelles de petites saucisses prennent leur bain de saveurs avant d’aller parfumer une casserole de spaghettis qui arrive sur la table. Martina s’excuse mais les pâtes c’est vite préparé et il est déjà trois heures.

    — Les toutes petites saucisses, je les achète au mètre chez Giovanni.

    Angélina approuve de la tête. Ce doit être la meilleure référence de Venise. Sa poitrine entame un balancement qui me fait rougir de convoitise.

    — Comment arrivent les denrées ?

    Je parle d’autre chose pour ne pas honnêtement courtiser Angélina.

    Des dents cristallines sort une mélodie qui parle de vaporetto, de barques, de chalands.

    — Et les Gondoles ?

    — C’est pour l’amour.

    Elle me répond avec un petit sourire enjôleur qui dévoile un zest de langue rose.  

    Après deux coupes d’un « Asti-Spumante » frais j’ai la tête qui tourne un peu.

    — Angélina, monte le se reposer un instant sur ta terrasse. Il pourra admirer la vue de Venise de plus haut que les quais.

    Angélina m’arrive à l’épaule. Elle a pris ma main et m’entraine dans un escalier en colimaçon qui finit de me tourner la tête. Je me délasse sur un large banc garni de coussins et ferme mes yeux. Les lèvres d’Angélina me les font rouvrir sur son visage souriant.

    — Tu as bu de la liqueur des cinq écorces ? C’est un super remontant !

    — C’est Martina qui a insistée.

    Elle rit d’une façon enjouée en posant sa main sur mon sexe turgescent.

    — La coquine ! Elle s’est bien amusée de toi. Elle voulait que tu sois très en forme.

    — En forme pour quoi ?

    — Pour me faire l’amour à la française !

    — Qu’est-ce qu’ils ont de si spécial les français ?

    — Ils ont laissé à Martina un souvenir inoubliable. Elle a rendu amoureux fou l’ambassadeur et ils ont eu des moments qui meublent plusieurs vies de souvenirs suaves et parfumés. Mais un jour l’ambassadeur fut rappelé… Donne-moi considérablement de souvenirs. Considérablement ! C’est français ?

    — C’est très considérablement français.

     

     

    Je regagne Trévise le cœur triste et ma mémoire emplie de souvenirs. Martina et son amour de la langue française, Angélina et son accueil considérable… Il n’est pas obligatoire de venir à deux à Venise pour trouver l’amour.

    Ma nouvelle mobylette rouge nous sert pour aller rechercher soit une pièce soit un ravitaillement pour changer l’ordinaire des conserves. Un matin je trouve de la graisse sur la selle et sérieux le chauffeur de chez Chapuis m’explique que c’est bon pour éviter les échauffements. On rigole un grand moment et un bon coup de chiffon mets fin a l’incident. Le convoi repart les uns vers la France les autres pour des endroits imprononçables.

    L’iroquois dois son surnom à son crâne entièrement dégarni .On présume qu’il à été scalpé dans une vie antérieure et que le créateur n’a pas eu le temps de réparer la mutilation. Je fais équipe avec lui pour un trajet vers le moyen orient. Toujours du matériel à ramener d’urgence à une centrale électrique .Des transformateurs emballés dans d’énormes caisses .Ils sont protégés par de la paille .J’arrive à la frontière de Jordanie. L’iroquois viens de passer sans problèmes .Les douaniers m’arrêtent. Ils examinent les documents de douane et ne sont pas satisfaits .Ils veulent voir. C’est tout un problème pour ouvrir les caisses. Elles ont été boulonnées en vue d’un transport maritime .Mais celui-ci a été jugé trop long par le client .qui ne veut pas voir sa commande attendre des mois le déchargement du bateau .En cette période ce n’est pas rare de voir un navire immobilisé plus d’un trimestre pour attendre son tour d’accès aux quais. Pour être livré dans les plus brefs délais la route assure au moins une attente raisonnable.

    Avec des clefs à desserrer les boulons de roues on arrive à démonter un côté. La paille se déverse sur les pieds des douaniers qui se sont approchés vivement intéressés. En même temps trois souries s’échappent du flot de paille et courent à la recherche d’un abri. De surprise les gabelous reculent en piaillant et le malheureux sergent trébuche à la renverse et tombe sur son fondement.

    L’iroquois se tord de rire. Certains douaniers ne peuvent s’empêcher de s’esclaffer.

    La fouille est minutieuse et dure un bon moment L’iroquois m’aide à refermer la caisse quand le sergent surgit du poste armé d’une petite balayette à poussière et d’une pelle minuscule qu’il me met dans les mains.

    — « La paille ! »dit-il dans un français convenable et il rajoute l’air sévère : « Toute ».

    C’est à l’étape du soir que nous avons bien rigolé mais sur le coup je ne me voyais pas sorti des tracasseries douanières.

     

    Les camions nous jouaient des tours mais, avec les ficelles des uns et des autres et du fil de fer en dernier ressort, nous arrivions à rentrer à bon port. Les escales aux ports ne sont pas longues. Je n’arrête pas de faire des rotations. Jusqu’au jour où je suis convoqué par mon banquier pour le motif que mon livret d’épargne déborde il ne peut plus en accepter il faut que j’avise pour le devenir de mes économies.

     

    Pour réfléchir plus posément je prends une semaine de congés et vais me reposer chez Le Paul. Je me suis fait accompagner du catcheur qui est en arrêt maladie pour une grosse entorse qui l’oblige à boiter très bas. Il occupe ses matinées avec le frère du Paul à taquiner le gardon dans la rivière qui passe derrière le garage. Moi les poissons je les laisse aux retraités ou aux braconniers comme Jules qui est un virtuose de l’escamote. J’en profite pour passer à la ferme de Beauvallon.

    Je suis accueilli par Antoinette. Elle est bien remise de son opération et a troquée sa figure sans couleurs pour un visage gai, vif et resplendissant. Elle a complètement transformé la vieille ferme du siècle passé en une bâtisse claire, fonctionnelle et pimpante.

    — C’est le fils Tardy qui m’a fait les plans. Il s’est installé comme architecte après ses études à l’école de Lyon. Sa première réalisation est devenue sa carte de visite. Nous avons eu de nombreux curieux et pas mal de critiques, mais je suis bien ici.

    Je reste un peu surpris par cette transformation. Je me rappelle d’un édifice aux petites fenêtres, à la toiture basse, aux dépendances trapues. Je devine des écuries aux larges baies vitrées avec des box pour des chevaux ou des poneys comme elle me l’avait dit.

    Arrive deux jeunes gens débordant de gaité. Roger et une jeune fille rousse comme une pub anglaise entrent dans le salon.

    — C’est notre spécialiste des poneys. Je te présente Kelly O’Brien. C’est la fille de notre fournisseur de poneys. Elle séjourne avec nous encore un temps pour nous faire connaître toutes les subtilités de l’élevage et les soins fondamentaux.

    — Hello ! Vous êtes Alexandre ! Roger a reconnu votre véhicule ! Vous ne passez pas inaperçu.

    — Alexandre le vagabond ! Je fais du transport international. Surtout au Moyen-Orient.

    Antoinette nous entraîne au salon .Je retrouve Perrine, notre domestique de la Grive en train de servir des rafraîchissements.

    Je la prends dans mes bras et l’embrasse fort .J’avais quatre ans c’est elle qui me montait dans ma chambre quand je me faisais gronder. En me mettant au lit, avec son  gentil sourire, elle tirait de la poche de son tablier une sucette au caramel et, me l’enfournait dans la bouche tout en me traitant de sacripant assez fort pour qu’on entende d’en bas.

    — Perrine tu n’as pas abandonné la famille !

    — C’est plutôt madame Antoinette qui a bien voulu nous garder, quand Monsieur Roger a vendu La Grive, nous ne savions pas où aller. Madame Antoinette a repris tout le personnel.

    — Je vais revoir tout le monde !

    — Je n’ai pas voulu que tous nos gens partent se louer dans des fermes au loin. Et puis nous formions une grande famille nous avons partagé, et l’ouvrage, et les joies, et aussi les peines. Nous avons fabriqué de notre sueur et de nos larmes un ciment qui va bien plus loin que l’affectif. Aussi toi, même, quand tu étais au loin, nous étions auprès de toi par la pensée. Nous t’imaginions dans les sables du désert ou, sur des routes de montagne boueuses, avec un gros camion, à chercher ton chemin dans la nuit.

    — Mais c’est « le salaire de la peur » que vous vous êtes imaginé.

    La vie était difficile, les gens ne parlent pas comme nous, les routes sont mal entretenues. Les villages sont comme chez nous et dans les villes il y a des autobus avec seulement des couleurs différentes.

    — Roger parle-moi de ta nouvelle occupation ! J’ai hâte de voir vos poulains et vos écuries.

    — Kelly pourra mieux que moi te faire faire le tour des installations.

    Kelly fait : Non ! Non ! Non ! De la tête.

    — Pas du tout c’est Roger qui va faire le guide je verrai si il a bien retenu mes leçons.

     

    Seul avec Antoinette je lui fais part de son fils qui est transformé par sa nouvelle vie.

    — Oui mais Roger s’est fait un peu des idées .Kelly repart bientôt et il faut savoir qu’elle est fiancée dans son pays, prête à se marier. Roger n’a pas beaucoup de possibilités dans les environs. Chez nous les filles s’en vont vivre en ville, éblouies par les néons, le formica et le cinéma permanant au coin de la rue.

    — Tu sais pour ma part bien que logeant en ville je n’ai pas beaucoup d’opportunités .Mes relations se bornent à ma vieille logeuse et la boulangère du coin de la rue. Pour le reste il faut la voiture, le restaurant, le cinéma et le costume avec la cravate et le gilet.

    — Et ta boulangère ?

    — Je ne suis pas assez chez moi pour flirter, elle doit avoir des prétendants qui la courtisent avec assiduité.

    — Tu sais mon secret ! Pour moi c’est essentiel .J’ai formé un projet pour toi depuis toujours. J’attends que tu rentres t’installer au pays. J’espère que tu seras toujours célibataire. J’ai des vues pour toi. Profite de la vie et reviens-moi pour m’aider dans mes projets. Reviens-moi solide en bonne forme et célibataire.

     


     

    Chapitre 4

     

    Il est dix heure du soir .Autour de la table Le Paul, son beau-frère, Catcheur et moi décortiquons des châtaignes tout en sirotant une liqueur de poire William. Marceline tricote près du feu .Elle nous apporte des fruits secs quand le téléphone sonne.

    — Tu es debout ! Réponds demande le Paul. Si c’est pour le boulot je suis en dépannage !

    C’est l’iroquois qui m’appelle.

    — La Société est en liquidation ! Dépôt de bilan ! On est tous sans emploi et sans salaire Il faut aller aux bureaux le plus rapidement pour essayer de toucher nos traitements.

    Fini les liqueurs et les fruits secs.

     

    Nous nous retrouvons sur le carreau. Je fais l’estafette avec ma nouvelle mobylette rouge entre le bistrot de Gerland où nous avons nos chambres et les locaux des différant services qui nous trimballent de bureau en bureau. Lassé de tout ces tracas, je donne pleins pouvoirs à un avocat et remballe mes frusques dans le grand sac qui s’est usé dans mes camions. Je trouve un camionneur qui prend ma mobylette et mon sac pour Beauvallon. Moi je prends le train pour Paris.

     

    Paris ! Je suis attendu à la gare de Lyon par le deuxième fils Tardy. Il était mon partenaire pour courir dans les bois pendant nos escapades d’école buissonnière. Il voulait toujours faire la lutte avec moi. Je le laissais souvent gagner parce qu’il était un peu chétif. Il fait maintenant le garçon de café dans une brasserie et m’a trouvé une chambre de bonne dans le quartier des Batignolles à deux pas du boulevard. Dès mon baluchon posé je prends rendez-vous avec un député de notre région pour lui exposer la situation des transporteurs, étranglés par les ukases des technocrates de l’Europe. En attendant son rendez-vous je passe mon temps à soigner mon aspect .Coiffeur, tailleur, chemisier pour des cravates et des chemises mode .Je flâne autour du boulevard Haussmann dans les grands magasins et je visite le plus de monuments possibles. J’allais aux Invalides. Sur le tombeau de Napoléon, j’ai une pensée pour cet homme qui avait beaucoup fait pour étoffer les livres d’histoire et qu’Antoinette admirait tant.

    Teilleu se divisait entre calotins conservateurs et républicains anticléricaux. Nous étions bonapartistes et contre les deux qui se disputaient dans l’Hémicycle et se tapaient sur le ventre à la sortie. Roger se déclarait indépendant et pour cela faisait partie de tous les conseils municipaux quel que soit le bord qui gagnait. Il approuvait tous les projets du conseil en attendant avec patience le pot qui clôturait les débats. Un jour pour une insignifiante affaire de sanctions au cantonnier qui gardait l’herbe des fossés pour ses lapins au lieu d’aller la jeter à la décharge publique, Roger s’exclama en plein Conseil.

      Je suis contre les sanctions ! Vous allez  embêter un pauvre bougre pour une brouette de foin ! Moi demain je fais éplucher les comptes de la municipalité par Antoinette et vous allez voir si on en trouve des brouettes de foin ! Je demande la démission du maire et la dissolution du conseil .J’écris au préfet.

    Le lendemain à la première heure le maire vint le solliciter à La Grive pour qu’il revienne sur ses propos. Roger resta ferme puis se ravisant.

      Bon eh bien ! Je passe l’éponge si vous embauchez un deuxième cantonnier pour soulager le travail pénible du préposé actuel.

    Le maire tout content de s’en tirer à si bon compte accepta sur le champ la proposition. Il devait y en avoir des brouettes de foin dans la mairie.  Depuis le chemin du carrefour des marronniers à La Grive est le mieux entretenu de la commune.

     

    Paris est le centre du monde si on vient d’une bourgade comme La Grive. Moi j’admirais tout et j’imaginais le député de notre circonscription en train de se perdre dans un Paris si différent de chez nous. Comment nos importants problèmes pouvaient être perçus par le petit bout de la lorgnette de la capitale. Comment notre député perdu parmi tant d’autres pourrait-il faire entendre sa voix dans la cohue de la chambre des députés ?

    Mon élu, je l’ai observé avec soin. C’est un brave homme qui a eu son mandat parce que papa laissait la place. Perdu au milieu de l’hémicycle il ne fait d’ombre à personne. Il pantoufle à l’assemblée en attendant la prochaine…

    Au bout de cinq minutes il ne m’écoute plus .Je viens de lui offrir sur un plateau un enrôlement dans un combat sinon une croisade. Il va pouvoir enfin poser une question dans l’hémicycle. Je reprends son attention.

      Il vous faut absolument assister à une manifestation des petits transporteurs. Je suis à Paris justement pour cela. Je laisse sur son bureau une liasse de documents et de coupures de journaux et en le quittant je lui suggère de ne pas oublier son écharpe car il y aura la presse.

    Je rameute le banc et l’arrière-ban du transport et le jour de la manif, la Place de la Bastille est assez bien occupée pour un problème qui n’intéresse pas les foules. J’ai prévenu les collègues et quand mon député s’avance vers nous une claque bon enfant l’applaudit longuement. Les flashs crépitent et des micros se tendent. Mon gentil député vient de faire son Austerlitz. En tant qu’artisan de la chose je viens moi aussi de me faire un allié.

     

    La question fut posée à l’assemblée. Le ministre des transports au cours de sa réponse fit un lapsus qui sema l’hilarité dans les rangs de l’opposition. Le rire étant communicatif, le calme ne revint qu’un long moment après. Dans les couloirs l’humeur était à la plaisanterie. Mon député fut entouré d’une bande de journalistes en quête de papiers. En sortant du bâtiment, en hochant la tête un vieux journaliste se récria : « Voilà notre prochain ministre des transports si le cabinet tombe ».

     

    Le cabinet tomba la semaine suivante pour toute autre raison et notre député devint naturellement ministre car les rumeurs son faites pour fabriquer aussi incidemment les puissants.

    La situation des transports ne s’améliora pas. Les énarques de l’Europe y veillaient avec des projets pharaoniques de canaux fluviaux, de tunnels sous les alpes et d’autoroutes sabrant le paysage.

    Pour ma part je laissais passer huit jours pour permettre à mon ministre de s’installer et lui demandais un rendez-vous.

    La chef de bureau qui me reçut me fit comprendre que monsieur le ministre était très pris et me proposa de rencontrer un adjoint au sous-secrétaire du cabinet du ministre. Je lui laissais une carte de visite en lui demandant de la présenter à Monsieur le ministre. La demoiselle la prit à tout hasard en me promettant un rendez-vous sous quinze jours.

    Je n’étais pas rentré depuis une petite heure qu’un motard de la garde républicaine me remettait une invitation du ministre pour le lendemain quatorze heures ou tout autre moment qui me serait commode.

    Le lendemain, la chef de bureau, me fit passer dans une antichambre gardée par un huissier en grande tenue. Le ministre vint me recevoir la main tendue et le sourire engageant.

    — Ou donc étiez-vous passé j’attendais votre visite !

    — Je viens vous saluer avant mon départ pour Busancy

    — Comment ! Vous me laissez en pleine action ! J’ai besoin de vous ! Sans vous je ne serai pas dans ce pétrin. Pourriez-vous m’épauler en ce moment je suis très sur la brèche et je dois répondre à tous. Et c’est un peu de votre fait.

    — Sans moi vous n’auriez jamais eu vent des problèmes du transport. Pour tous maintenant vous faites figure de spécialiste. Il ne vous reste qu’à réunir les principaux intervenants et faire un genre « d’états généraux »de la profession vous ne réglerez pas grand-chose mais peut-être qu’il en sortira une loi portant votre nom et vous accéderez à la postérité. La profession vous fait confiance .vous êtes très populaire dans le milieu du fret mais il vous faudra rencontrer les syndicats.

    Le mot « syndicat »lui fit perdre son sourire et je le vis très mal à l’aise.

    — Les syndicats patronaux dans un premier temps. Je pourrais vous accompagner si ça peut vous aider. Pour l’instant les anglais sont en train de monter un circuit qui va nous rafler tous les marchés qui nous restent.

      Ah ! Non ! Nous devons réagir pour protéger nos entreprises ! Mon prédécesseur voulait l’Intérieur ou l’éducation. Les transports n’étaient pas en adéquation avec ses ambitions de carrière, de plus il n’a pas su s’entourer de collaborateurs au fait des évolutions sociétales. Pourriez-vous m’épauler. En ce moment je suis très sur la brèche et je dois répondre à tout. Et c’est un peu de votre fait. Le ministère du commerce a demandé à mon prédécesseur un topo sur les possibilités d’implantation au Moyen-Orient pour nos entreprises qu’en pensez-vous ?

    — Les différents états sont des entités bien particulières selon qu’elles ont des devises ou qu’elles sont dirigées plus ou moins par des religieux. Un élément vient tout fausser c’est la corruption. Le bakchich est l’argument final de toutes transactions. C’est le joker de la partie.

    — Et bien marchons au bakchich

    — Oui mais il y a bakchich et bakchich !

    — Comment ! Il y a plusieurs bakchichs

    — Il y a le bakchich simple et le retro bakchich. Vous versez un bakchich mais le receveur vous reverse une partie du bakchich ce qui vous permet de disposer de sommes occultes pour des bakchichs futurs ou des actions que vous ne pourriez pas financer officiellement.

     C’est confondant ! Je n’imaginais pas ces pratiques .Pour en parler plus sereinement, je vous invite dans un petit restaurant dans le cinquième. Le chef est divin.

    — Eh bien moi je vous invite à la cantine des routiers de Rungis, vous allez vous frotter à vos futurs électeurs, quand vous briguerez la présidence.

    — Vous n’arrêterez donc jamais ! Heureusement que je ne suis pas dans les ordres vous me pousseriez vers la mitre.

    — Non la tiare ! Vers le Vatican !…

     

    Notre arrivée discrète nous permis de nous installer dans un coin tranquille de la cafeteria.

    Les gaziers fourbus et pressés ne s’intéressaient qu’à leur assiette. A la fin nos costumes nous firent remarquer.

    La serveuse était en train de prendre notre commande quand un chauffeur me reconnut et vint me saluer.

    — Alexandre ! Quel hasard ?

    — Je suis là avec un ami !

    — Mais c’est notre ministre !

    Un brouhaha s’en suivit, quelque uns nous entourèrent et serrèrent la main de mon ministre On lui posait maintes questions et je devais répondre que Monsieur le ministre s’en occupait déjà. Lui approuvait complètement submergé par l’émotion et l’affluence de sujets évoqués. Puis un flash crépitât et un journaliste qui trainait par-là sortit son stylo. En quelques semaines j’étais un personnage.

     

    Mon but n’était pas à Paris. Antoinette m’attendait. J’arrivais à convaincre mon ministre de me trouver un point de chute à Busancy. Il fit se démener son ex secrétaire de l’assemblée nationale qui était passée aux ordres provisoires de son suppléant. Cette brave demoiselle me trouva, après une dizaine de coups de téléphone, une affectation. Je dus me présenter au directeur général des services du conseil général. Elle me recommande au passage de soigner mon curriculum.


     

    Chapitre 5

     

    Sur la porte de mon bureau j’ai une plaque gravée « Développement économique » et dessous deux plus modestes« Agriculture » et « Tourisme ». Je n’ai pas de secrétaire pour m’empêcher de pondre une pléthore de rapports et pas de véhicule pour m’empêcher d’aller fourrer mon nez partout.

    Je ne suis pas dans mon bureau depuis deux heures qu’on m’invite à participer à une réunion. Je suis présenté et fait l’objet de toutes les attentions. Les sujets se succèdent : gestion du patrimoine, un château à consolider. Santé deux points sont évoqués. Industrie, une zone baladeuse à implanter mais deux élus la veulent chez eux. L’ordre du jour s’épuise et le directeur des services se tourne vers moi et sur le ton de la plaisanterie me demande :

    — Quels sont les sujets brulants de vos divisions.

    La section tourisme envisage de demander à la section agricole de veiller à faire supprimer des pâturages ces vieilles baignoires qui servent d’abreuvoirs. Des campeurs étrangers pouvant croire à des bains champêtres et dérangeraient les bovins au moment crucial du ruminement.

    Un éclat de rire général salue ma réplique. Quand le calme revient le directeur le sourire aux lèvres m’interpelle :

    — Je crois que nous n’allons pas sombrer dans la morosité pendant votre séjour parmi nous .Mais votre remarque est judicieuse ces vieux sanitaires sont disgracieux.

     

     

    Je passe à Beauvallon pour embrasser tout le monde. La maison est moins gaie avec le départ de Kelly. Roger se console en soignant les poulains.

    Antoinette me lance un regard entendu quand j’annonce que je suis en fonction à la région.

    Te voilà dans la place ! Tu vas pouvoir passer à l’action. Elle m’entraine dans une pièce aménagée en bureau. Elle prend place dans un grand fauteuil de cuir qui semble avoir supporté trois générations d’administrateurs. Le tiroir d’un secrétaire grince légèrement. D’une main fine elle saisit une solide enveloppe de papier kraft renforcé par un treillage de fils de lin.

    — C’est pour toi il y a les instructions qui te serons nécessaires pour notre affaire. J’espère que tu pourras te débrouiller avec et actualiser les données qui ont pu évoluer ces derniers temps.

    — Je souhaite pouvoir m’en tirer rapidement mais l’homme propose …

    — Et le destin décide. Mais moi je veux forcer la destinée je ne vit que pour cela. C’est la force qui m’a fait vaincre les gens, la maladie, le sort. Je mets ma destinée entre tes mains. Tu trouveras une somme d’argent pour réaliser mon vœu. Ton crédit doit te permettre de tenir ton rang. Prends une voiture en conséquence et fonce !   

     

    Rentré à Busancy j’examine tous les documents de l’enveloppe. Il y a de quoi faire. Je dois procéder par ordre. D’abord j’affiche un arbre généalogique très détaillé des Saint Gall. J’ai devant moi toute la famille du brave Flavien. Trois figures ne portent pas de croix avec la date du décès. D’abord le frère de Flavien. L’ainé, Hadrien, propriétaire des fermes, des prairies, des forêts et des actions de la laiterie. La pratique du boyard papier maïs lui autorise une immortalité de moins de deux ans au mieux.

    Deuxième fiche Léopold Saint Gall Le fils presque le portrait de son oncle Flavien en moins niais. Les finances du père lui ont permis de devenir le sous-directeur des laiteries paternelles pour son seul mérite. Il fait plutôt acte de présence et n’a qu’un hobby, la grande musique. Il court les concerts dans la France entière.

    Je passe un coup de fil à la brave ex secrétaire de mon ministre à l’assemblée nationale et lui demande la liste des prochaines manifestations musicales.

    Le fax que je reçois presque immédiatement m’indique deux concerts. Strasbourg et Moulin. J’opte pour Moulin. Un billet en poche j’étudie le programme. Don Giovanni de Mozart, metteur en scène, Donna, Elvira, Don, Le Commandeur, Ottavio, Zerlina, Masetto, Don Giovanni.

    En trois jours je suis presque au fait de toute la pièce. Je ferai passer mes hésitations pour des trous de mémoire.

    Je fonce à Moulin au volant d’un coupé sport Saab noir de toute beauté. C’est Le Paul qui m’a dégoté ce bolide dans une vente aux enchères après saisie. L’ancien propriétaire a dû perdre beaucoup de son image de marque en renonçant à cette merveille.

    Le repérage de Léopold est facile. Il est devant les grilles avec une bonne heure d’avance dans un groupe d’une dizaine de passionnés. Je m’avance et adresse la parole à un hurluberlu qui tient à la main une poignée de partitions.

    — Nous allons être à la fête !

    — Je doute que Donna Elvira soit au meilleur de sa forme …

    Léopold intervient « Elle est bien remise et sa prestation sera à la hauteur ! »

    — Messieurs ! En attendant un rafraîchissement s’impose .Les partitions me suivent  dans un café.

    — Je vous tiendrai bien compagnie !

    — Venez ! Je n’aime pas la solitude dans le plaisir

     

    A l’entracte dans la cohue du promenoir j’aborde Léopold.

    — Alors !comblé ?

    — Non monsieur, Masseto s’économise. Il est loin de sa prestation de Lyon. S’il agit de même dans quinze jours à Vichy, je crois que je vais me tourner vers Verschueren

    — Je ne pourrais vous suivre à Vichy. Dans quinze jours je serai à Busancy j’ai une réunion à préparer et je ne m’accorde que cette incartade. Pour Mozart que ne sacrifierions nous pas.

    — Vous êtes de Busancy ?

    — Non je viens de prendre un poste à la région. Quand on fait une carrière on doit sacrifier ses plaisirs. Mais Il me reste les plaisirs annexes. La bonne cuisine et les voitures Voulez-vous me tenir compagnie ce soir à souper ?

    — S’eut été avec plaisir mais j’ai mon train à vingt heure.

    — Vous rentrez à Busancy ?

    — Oui j’ai un petit pied-à- terre près de la rivière.

    — Voulez-vous que nous dinons ensemble, je vous déposerai avant que le train entre en gare de Busancy et vous pourrez apprécier le confort de mon bolide nordique.

      Rapprochons nous l’entracte se termine. Je vais réfléchir à votre proposition.

      Prenez votre temps pour y réfléchir on se retrouve tout à l’heure.

    Je me barbe pendant la deuxième partie du spectacle autant que pendant la première. Je ne suis pas fait pour ce genre de manifestation. Je réfléchis au programme de la semaine. Je vais devoir visiter un chantier de restauration d’une vieille chapelle du quinzième siècle et prévoir un circuit pour inciter les touristes à la visiter.

    Après une série de rappels provoqués par une claque de vieux barbons et de vieilles douairières fardées et à la perruque crêpée, la salle se vide progressivement. Je rejoins le groupe des intégristes de l’art lyrique. 

       La langue italienne est sublime !

       La musique de Mozart est quand même difficile pour le chant.

      C’est l’opéra qui annonce le romantisme.

       Avec les Noces de Figaro et La Flûte enchantée je crois que nous avons les meilleurs livrets de tous les temps.

       Cette ouverture aurait écrite en un tour de main dans la foulée de répétition.

    Toutes ces remarques sont dans mes notes glanées dans les revues d’art lyriques de la biblio de n’importe quelle mairie. Ces aficionados se répètent. Je musarde un instant autour du groupe puis, d’un signe j’interpelle mon quidam. Il me fait un grand geste et se mets à serrer les mains du groupe. Il abrège les adieux et viens me retrouver.

      J’ai pu me libérer de mes amis et je crois que je vais laisser partir le train tout seul.

       Venez ! Ma voiture n’est pas loin.

       C’est une belle voiture !

       Oui mais elle fait plus d’effet qu’elle a de capacités mécaniques. J’ai en vue d’autres véhicules avec plus de mordant.

    Nous roulons depuis un moment. Nous ne sommes plus loin de notre restaurant quand soudain un gendarme nous fait de grands signes .j’arrête le véhicule. Le brigadier me dit

       Vous ne pouvez pas passer la route est coupée par un accident.

       Nous allons au restaurant des sapins !

       Vous ne pourrez pas passer. Un camion s’est renversé et il y a un mort.

      Je sors ma carte de fonctionnaire. Le gendarme devient plus coopératif.

      Un camion chargé de grumes s’est retourné. Le chauffeur est mort sur le coup.

     Pouvez-vous me faire parvenir demain à la première heure le rapport de gendarmerie .Voici mes coordonnées administratives.

      Il faut le dire au chef moi je ne suis que brigadier.

      Où est votre chef ?

       A la brigade.

       Comment ! Il ne s’est pas rendu sur les lieux !

       Prenez ma carte et dites-lui de me rappeler.

    Le gendarme est tout chancelant, Il ne s’attendait pas à un incident où une huile lui tomberait dessus. L’incident a brisé l’ambiance. Je prends une autre voie et passe au plus court à présent.

      Nous allons trouver un autre endroit qui n’aura pas le même charme.

    Je l’écoute parler pendant le repas et au moment de l’addition nous sortons ensemble nos portefeuilles. Il veut payer. Après les protestations d’usage je m’incline et lui laisse l’addition mais à condition qu’il vienne diner chez moi cette semaine .Dans sa conversation il a évoqué une sœur qui est directrice d’un service au syndicat des eaux. Je lui demande de l’amener aussi, une présence féminine donnera une touche moins virile dans la conversation.

      Je doute que ma sœur consente à ce repas elle me trouve raseur avec mes conversations sur l’art lyrique.

      Hé bien nous parlerons d’autre chose. Donnez-moi ses coordonnées je ferai l’invitation.

    Le lendemain je fonce au bureau dès mon réveil. Je croise une cohorte de personnels de nettoyage qui reflue en désordre vers les sous-sols en piaillant comme une nuée d’hirondelles avant l’orage. Je suis trop matinal pour une administration décentralisée.

    Evidemment pas de fax pas de rapport .Je demande au standard de me passer la gendarmerie.

    Le brigadier qui me répond s’excuse mais la gendarmerie n’est pas dotée de fax. Je lui demande son rapport verbalement. Il en ressort que le camion a loupé un virage et s’est retourné .Le chauffeur est décédé sur le coup .Je demande au gendarme de me réunir certains renseignements sur la famille et le défunt et de les tenir à ma disposition.

    J’appelle mon ministre et lui parle de l’accident .Il en a rien à battre selon le ton de sa réponse.

    — Un : L’accident a eu lieu sur votre circonscription. Deux : C’est un de vos administrés qui est mort. Trois : Il est mort au boulot donc accident du travail. Quatre : Qui  est le ministre de la profession ! Conclusion : Il se doit d’assister à l’enterrement au cimetière.

    — Mais cela ne s’est jamais fait.

       He bien vous allez innover ! Lancez la mode en quelque sorte.

      On n’a jamais vu par exemple le ministre de la santé assister aux obsèques des malades décédés à l’hôpital.

      C’est un tort il devrait ! Pensez que vous ne serez pas toujours ministre et que les législatives approchent.

    — J’ai déjà tout mon groupe sur le dos ! Ils me reprochent mon arrivisme, mon ambition. Ils m’ont fait caricaturer avec des dents de Dracula dans le canard enchainé.

    — Sortez de ce panier de crabes. Vous vous présenterez  « sans étiquette ».

                  Et là je vais me retrouver abandonné à l’assemblée.

      Pas du tout ! Vous serez sollicité par tous les groupes. C’est vous qui ferez pencher le plateau de la balance. Vous serez caressé par tout le monde. Vous ferez le bon-poids des votes.

    — J’n’irais pas !

    Dommage ! Moi j’irais et je parlerais au nom de votre suppléant.

      Il est d’accord ?

      Nom mais il a de grandes dents. Je l’ai croisé le dimanche à serrer des mains et à embrasser les marmots sur les marchés. Après coup il endossera ma prestation en prétendant qu’il en est l’instigateur et adieu votre réélection.

      Non !j’arrive mais vous ne perdez rien pour attendre.

      Trouvez un journaliste parisien qui puisse faire un papier honnête sur l’événement. Prétextez n’importe quoi.

    Vous me mettez dans une fichue situation ! J’avais un planning chargé.

      Et moi donc je devais organiser mon mariage.

      vous étiez donc fiancé ?

      Nom mais de nos jours tout va si vite.

      Qui est l’heureuse élue ?

      Je ne sais pas encore mais je vais trouver rapidement.

      Vous me surprendrez toujours !

    Je suis un homme surprenant ! Au fait après l’enterrement donnez une interviewe sur le désenclavement du massif central.

      Mais il n’en est question nulle part.

      Tous les instituteurs de France et de Navarre apprennent à leurs élèves que le massif central est enclavé entre la Loire et…Je n’étais pas attentif à la leçon ce jour-là. Les bambins qui usaient leurs fonds de pantalon sur les bancs de la communale sont vos électeurs à présent et eux se souviennent de la leçon. Je vous promets que vous n’étonnerez personne. Faite un test sur votre aimable chef de bureau, la charmante demoiselle qui fait barrage aux importuns devant votre porte.

     

    Le mort faisait partie des pompiers volontaires. Le  cercueil était porté par quatre pompiers de ses compagnons en uniforme. Les casques brillaient au pâle soleil. A la dernière minute j’avais mobilisé toute la brigade de gendarmerie en service d’ordre. C’était un petit onze novembre. Il ne manquait que le conseil municipal.

    Dans le petit village c’était l’effervescence. Le maire arriva en tenue de travail. Il était maçon. Mon député-ministre alla le saluer Le maire s’excusa de sa tenue. Mon Ministre-député le rassura en lui disant qu’il préférait voir des bleus de travail que des complets vestons et lui glissa, pour le rassurer complètement, que son grand-père était dans le bâtiment. Il négligea simplement de mentionner  que le monsieur, dans son bureau fumait des cigares en surveillant l’avancement des travaux de ses chantiers.

    Un enterrement sobre. Mon ministre se tenait près de la veuve .Il la soutint par les épaules un instant. Je lui passais un simple bouquet d’œillets enveloppés dans du film transparent, il alla le poser devant la fosse pas encore refermée. Sa présence donnait un ton de solennelle gravitée. A la porte du cimetière il parla de la profession, de l’indispensable dévouement des hommes qui ne sont que des hommes et qui vont parfois jusqu’au sacrifice surhumain.

    Les pompiers allaient partir, je les rassemblais pour attendre le ministre. C’est le député qui leur parla les remerciant au nom des populations qu’il avait administré et représenté à l’assemblée. Il souligna leur dévouement bénévole et efficace. Le journaliste prenait des notes. Il demanda à mon ministre s’il avait une déclaration à faire .Mon ministre se défila en disant « Non  je n’ai rien à rajouter » .Alors prenant la parole j’affirmais d’un ton péremptoire « Monsieur le ministre s’intéresse fortement au désenclavement du massif central ».Ce fut la une du principal journal de la capitale. Pendant deux mois et bien plus  mon ministre député reçut un abondant courrier d’élus, de chefs d’entreprise, et des monsieur-tout-le-monde le félicitant de son initiative et lui assurant leur soutien dans son combat pour le massif central. Les auvergnats de Paris l’invitèrent à leur fête annuelle. Et il fut intronisé compagnon de la Fourme. Sur le coup il m’en voulut beaucoup. Son ministère présenta cependant un budget en forte augmentation qui passa sans problème. Personne ne voulant paraitre brimer le massif central. Réactionnaires mais pas suicidaires les députés.

    Mais le ministère tomba un peu plus tard pour permettre une redistribution des places à des amis méritants.

    Mon ministre repartit dans sa petite circonscription trainant la nostalgie des portefeuilles ministériels, des soirées mondaines à l’Elysée, et regrettant fort la perte de sa petite chef de bureau qui avait de la conversation.

    J’allais passer le weekend à Beauvallon pour me ressourcer et prendre un peu de bon temps.

    Sur la route je croise Jules portant une énorme gibecière.

      Du braconnage ?

      Non de vieilles frusques c’est un piège à gendarme. Ils se sont fait prendre le mois passé, j’essaye de renouveler le traquenard.

      Et pourquoi ?

      Pour circuler tranquillement après ! Passer deux fois pour des ballots ! J’espère qu’ils vont se calmer. La saison de sevrage des petits marcassins approche et je vais avoir des livraisons.

    Sacré farceur !

      Si tu veux je vais demain matin  aux ablettes à l’étang des dames, passe me prendre comme jadis.

      Très bien j’apporte le liquide !

    Antoinette me reçut avec beaucoup de chaleur. Son fils Roger étant parti livrer des poneys vers Carcassonne nous pûmes parler tranquillement à la veillée.

      Alors mes fiches ?

      Dans la famille Saint Gall, j’écarte le père. Je pense qu’il doit assister au début du dernier acte.

      Judicieux tu peux me le laisser mais j’aurais besoin d’aide. Nous ferons un plan d’intervention après la première phase.

      Fiche n° 2, Léopold n’a pas de caractère. Je pense pouvoir le manipuler facilement. Fiche N° 3, La sœur, Arlette, fille forte, domine le groupe. Elle est directrice d’un service au syndicat des eaux. J’ai invité le frère et la sœur pour un repas chez moi. Léopold viendra, sa sœur ce n’est pas joué.

      Pour ce repas, il te faut tenir ton rang je te propose Perrine. Elle va s’occuper de ta maison faire tes courses et tenir ton linge. Si tu n’as pas de place pour la loger elle peut aller chez sa sœur de Busancy. Nous allons lui demander son avis.

     Perrine fut d’accord. Elle était triste de quitter Beauvallon mais retrouver Busancy et s’occuper de ma petite personne comme jadis lui donna des ailes. Son baluchon fut prêt en un tour de main. Antoinette lui remit deux enveloppes l’une pour ses frais et plaisirs et l’autre pour « ma maison ».Je rentrais bredouille d’ablette mais très songeur après les révélations de mon Renard de braconnier.

    Je roulais vers Busancy Perrine ne disait rien .Elle regardais la paysage en murmurant de temps en temps « Mon dieu ! Ce que ça a changé ».

      Hé oui !ma bonne Perrine tout évolue, mais j’aimerai te demander comment sans aller à la ville tu avais toujours des friandises à distribuer, du tabac pour le garçon de ferme et des fils de couleur pour tes canevas.

      Tu ne le répéteras à personne ! J’ai un amoureux.

      Un amoureux, toi ! Je ne l’ai jamais soupçonné. Pour moi ma Perrine était comme la sainte vierge ! Immaculée, nimbée de solitude. Je me demande quel est le soupirant qui venait gratter à ta fenêtre quand tout le monde était assoupi.

      Gros bêta tu étais aux ablettes avec lui tantôt.

      Le jules ! Ha le sacripant et il ne m’a jamais mis dans la confidence. Il aurait pu ! C’est le meilleur ami de toute ma jeunesse. Je l’aime plus que mon père ! C’est lui qui me confectionnait mes premiers lance-pierres. Il m’a appris à faire des arcs avec les branches d’ifs qu’il cultivait sur les terres des Saint Gall.

      Je le sais bien c’est toi qui nous a rapprochés. Tu n’avais pas trois ans, un après-midi nous croyons que tu faisais la sieste et toi tu es passé par on ne sait où et tu as filé dans la campagne. Jules t’a ramené avant que nous nous apercevions de ta disparition.

      Je suis bien heureux d’avoir provoqué votre rencontre car vous êtes les deux êtres que j’aime le plus. Vous avez agrémenté ma jeunesse. Tous mes meilleurs souvenirs je vous les dois.

      En parlant de souvenirs, Je ne crois pas qu’Antoinette soit bien inspirée de vouloir ressasser le passé. Je me doute qu’elle prépare quelque astuce et que tu as un rôle à jouer dans l’histoire. Sache que le passé se repose dans les cimetières et qu’il est mauvais d’aller tirer les pieds des vivants avec des histoires de famille. Tous les foyers ont des secrets au plus profond des cœurs.

      Perrine ! Perrine tu ne vas pas faire la morale aux Prunier. Ils n’en ont tous fait qu’à leur tête. Regarde ma mère elle a épousé le premier imbécile qui passait à sa portée. Antoinette elle a été prendre le seul Saint Gall brelin et souffreteux qui est mort avant de l’épouser. Le vieux Saint Gall, celui qui a fait ses sous pendant la grande guerre, crois-tu qu’il aurait laissé le Flavien se marier avec une Prunier qui n’avait pas trois draps dans son trousseau ? Et quand à ma sœur pour aller faire la beuglante à Paris elle a fait vendre au père les meilleures terres de la région. Ce n’est pas tous des têtes de linottes ?

      Tu sais à la dernière guerre, il y a eu beaucoup d’hommes dans les campagnes qui ne sont pas revenus. Les domaines ont étés bouleversés. Les mésalliances importaient moins.

      Quand même avec un ramassis d’imbéciles pareil dans un village elles auraient pu aller choisir ailleurs.

      Mon fiancé, je l’ai perdu en Indochine. Nous devions nous marier à son retour d’engagement. Il est quelque part dans la plaine des jarres. Il a une tombe vide au village et sa mère est morte de chagrin.

      Désolé de raviver des souvenirs pénibles.

      C’est si loin ! J’aurais eu une autre vie, peut-être des enfants, surement des enfants. Mais je t’ai eu, toi mon petit joufflu et tu es devenu ma famille. Aussi je ne voudrais pas qu’Antoinette te fasse faire une mauvaise action. Promets-moi de ne pas faire quelque chose qui chagrine mon cœur.

      Nous en reparlerons je te promets de tout te dire mais au fur et à mesure.

    Nous arrivions à Busancy et je déposais Perrine chez sa sœur. Elle devait me rejoindre dans la semaine pour ce fameux repas.

     

     

    J’accompagnais mon invitation pour Léopold d’un coffret de cognac Courvoisier. On m’avait dit que c’était le meilleur. Je le gouterai surement lors d’une de ses soirées. L’invitation pour Arlette se composait d’une petite lampe magique en laiton glissée dans un coffret de santal marqueté. J’avais acheté tout un tas de bricoles lors d’un périple à Constantinople J’avais mis une carte disant a peu près « Si vous frottez la lampe et que le génie n’apparait, pas votre doléance sera prise en compte mercredi à vingt heures. Pour vous dédommager un frugal repas sera servi. Venez ! Léopold a promis de ne pas évoquer l’art lyrique.

    Perrine s’est surpassée .Le repas sans être cérémonieux donnait le ton du bon gout au parfait. Le thème était « La caille ». En entrée pâtée de caille en médaillons de gelée parsemée de disques diaphanes de cornichons. Cailles aux raisins de Corinthe macérés dans du whisky et flambées sur table. Salade d’œufs de cailles dissimulés dans une scarole juvénile, fromages et un sublime sorbet servi dans des biscuits en forme de paniers. Les liqueurs attendaient au salon.

    Je n’étais pas mécontent de moi Léopold ne put s’empêcher d’évoquer mon intervention auprès de la maréchaussée lors de l’accident. Je dus faire état de mes fonctions à la région. Arlette prit subitement de l’intérêt pour ma personne. Je lui précisais que j’avais un petit poste.

      Oui mais en photo dans le journal avec un ministre !

      Je n’ai pas le temps de lire la presse.

      Le désenclavement du massif central ! Un beau programme !

      J’ai des projets pour favoriser le tourisme par exemple des aires de repos aux points de vue panoramiques.

      Pensez-vous en installer un au sommet du Mont d’or ?

      Si vous me promettez d’en être la marraine et de venir à l’inauguration je mets le site en chantier ! 

    Ma réplique la calma un peu et je n’eus plus droit aux vannes. Je proposais de raccompagner tout le monde mais mademoiselle avait « sa coccinelle ». Il était loin le temps des citrouilles ! Nous nous séparâmes avec fort politesses et bons souhaits.

    Perrine avant d’aller se coucher dans la chambre que je lui avais réservée me dit « C’est une punaise elle tient de sa mère c’était une Vezin « Qui dit Vezin dit venin »Ils n’étaient pas aimés à Teilleu. Elle va te tourner en bourrique.

    Mais non Perrine elle va se tempérer. Elle n’aura pas ce ton tout le temps.

      Non elle va t’emberlificoter que tu ne reconnaîtras pas ta main de ton pied. C’est une Vezin.

      Et qui dit Vezin…

    Je reçus deux jours plus tard une invitation chez elle en retour. Je lui proposais si elle le voulait bien de préparer un piquenique pour trois le dimanche suivant. J’aurais un nouveau véhicule.

    Un message à mon bureau me dit « d’accord ».

    Je passais un coup de fil à mon Paul et lui demandant si le 4x4  Doodge n’était toujours pas vendu.

      Invendable ! Il suce soixante aux cent.

    Pour une quinzaine tu pourrais me l’avoir.

    Sans problème si tu le fais tourner le propriétaire devra te remercier, c’est pour quoi ?

    Pour un pique-nique.

      Tu trimballe un mammouth ?

      Non une emmerdeuse.

      Bon courage ! Je te fais livrer le monstre par Bastien ton remplaçant. Au fait !il est brave mais il ne te vaut pas.

      Nous ce n’est pas pareil vous êtes ma famille d’adoption.

     

     

    Je passais prendre Léopold et la frangine avec ma Saab, puis j’allais à l’entrepôt. Le command car fit son effet.

      Vous savez conduire ces engins ! me demanda Léopold un peu inquiet.

      J’ai fait le Moyen-Orient avec des camions de trente tonnes !

    Je pris Léopold devant près de moi. Arlette occupa le siège arrière. Très impressionnés par le bruit du moteur, le pont arrière qui chantait, le vent qui faisait virevolter ses mèches de cheveux. Elle était pelotonnée dans le coin droit, je la regardais de temps en temps à la dérobée dans le rétroviseur. Je bifurquais dans un chemin forestier et là le véhicule pris toute son ampleur.

    Je roulais lentement, les roues épousaient les ornières et semblaient effacer les obstacles sous elles. Nous devions traverser une clairière j’arrêtais le véhicule. Une barre derrière les sièges avant servait pendant les parades militaires aux généraux pour se tenir debout quand ils passaient les troupes en revue. Je demandais à Arlette de se mettre debout et lui indiquais la position elle hésita une seconde et releva le défi. Je roulais lentement, très lentement. Au bout d’un moment elle me cria « C’est génial » je répondis sur le même ton « Je savais que ça vous plairait ».Léopold me demanda timidement si il pouvait essayer. Je le laissais passer derrière et s’arcbouter puis démarrais lentement. Nous n’avions pas fait un kilomètre que Léopold criait à tue-tête « Plus vite ! Plus vite ! »Je me garais et dit à Arlette  « A vous !prenez le volant »

      Vous croyez !

      Si je vous le propose !

    Elle roulait en tirant la langue tellement elle s’appliquait, cramponnée au volant et là elle était elle-même, sans maniérisme. Elle se dévoilait dans l’action. Je lui demandais de garer le véhicule au bord du chemin.

      Passons aux agapes. J’ai prévu une bâche imperméable aux fourmis.

      Bonne idée je crains les insectes.

      Moi aussi quand j’étais petit une araignée m’a piquée et j’ai failli mourir affirma Léopold.

      C’était où ? Dans la jungle birmane ?

    Non !ici en plein bois. Je cherchais les œufs de pâques et une vilaine araignée m’a piquée.

      Nous aurions perdu « Coco la doudouille » Quelle malheur pour le lyrique.

      Papa t’a interdit de m’appeler comme cela, ça fait au moins quinze ans qu’on ne me l’avait pas sortie celle-là. Voyez Alexandre vous comprenez pourquoi je ne voulais pas venir avec elle.

    Je calmais l’atmosphère en demandant à Arlette de mettre la table. Nous les hommes avions à voir pour la conservation de la machine. Je pris Léopold par la manche et l’entrainait à l’écart jusqu’à ce que sa sœur nous crie « C’est prêt la table est mise ».

     

    En secouant la bâche nous servîmes les miettes en récompense aux fourmis qui eurent la sagesse de nous épargner.

    Nous sommes rentrés sans trop de phrases Arlette ne savait plus quoi dire. Léopold était un peu pompette. Moi je n’avais pas bu ne tenant pas à faire des embardées.

     

    Je repris le collier. La Région avait besoin de relancer le tourisme. Je sillonnais les routes recensant le moindre abreuvoir qui datait d’avant la révolution industrielle. J’avais l’ambition de transformer un vieux château qui était en cours de restauration en musée. Je voyais tous les antiquaires possibles afin de sélectionner du mobilier et des objets. Un journaliste m’avait parlé de toute une collection de fossiles et de pierres qui étaient à vendre et ne trouvaient pas preneur. Le chargé de la culture m’a attribué un faible budget et je devais jongler pour réussir à tout réunir. Dans le lot je remarquais une grosse pierre noire. J’interrogeais mon vendeur.

       Cette pierre je l’avais proposée à un marchand qui cherchait des curiosités il avait passé une annonce dans le Chasseur Français. C’était un petit parisien, basané, prétentieux, les cheveux noirs et gominés. Et il puait le parfum bon marché au muguet. Je lui ai demandé s’il ne fréquentait pas une donzelle du pays ! Elles en mettaient toutes à l’époque. Voilà y pas qu’il se met en colère et qu’il me dit de m’occuper de mes oignons .Moi je n’aime pas qu’on m’ennuie chez moi. Je lui réponds qu’il pue la cocotte. Il se fâche encore plus, alors je lui dis que la pierre je ne la vends plus.

      Alors !

      Alors il est rentré dans sa Citroën et il a foutu le camp en écrasant presque mon chien. —  Alors la pierre !

      Elle est toujours là ! C’est celle là

    J’achetais la collection et la fis installer dans une salle du château. Ce qui attira les professeurs des écoles. Ils avaient un but de visite hors de leurs bahuts. Je gardais la pierre et la fit examiner par un connaisseur. Il me dit que c’était surement une météorite. Cette pierre est dans mon salon près de la cheminée. Je la regarde souvent en pensant que sans cette masse tombée du ciel, je n’aurais pas eu la vie que j’ai menée. Elle a changé le cours de l’histoire de notre famille.

    Sur-ce Antoinette m’annonça que ma mère était bien malade Roger avait téléphoné et il la chargeait de me prévenir. J’avertis de ma venue le fils Tardy le cadet, toujours cafetier à Paris. Il me réserva une chambre dans un hôtel qui !…Mais c’était le salon de l’auto et l’hôtellerie parisienne était au complet.  

    Les Maillard s’étaient installés rue Parmentier au dernier étage d’un immeuble du début du siècle. Ils avaient acquis un appartement simple. Un long couloir, une cuisine petite et passant son odeur de graillon à un salon banal meublé de meubles qui avaient fait leur temps à La Grive, des chambres en désordre. Le tout donnait sur une cour qui semblait réunir les rumeurs de tous des immeubles du pâté de maisons.

    La princesse vint m’ouvrir. Nous nous embrassâmes du bout des lèvres. Roger était effondré sur une chaise au salon. Il sanglotait dans un mouchoir douteux à carreaux rouges qui faisait partie du trousseau de ma mère. J’allais l’embrasser. Il me prit dans ses bras et balbutia « Elle est morte ! » J’essayais de le consoler avec des banalités. L’atmosphère était pesante. Je demandais à la princesse « Comment c’est arrivé ! ».

      Elle avait pris il y a quelques temps un furoncle au coude, elle s’est soignée mais un staphylocoque avait envahi le mal. Il s’est porté sur le cœur et les médecins n’ont rien pu faire. Déjà la tante Adrienne a eu des problèmes avec son cœur, mais elle avait un bon docteur .Ici ils sont tous à penser se tirer en congé aux Bahamas.

       Elle a fait un malaise dans la rue. Les pompiers l’ont amenée à l’hôpital. On a été prévenus que tard elle était déjà dans le coma.

     Roger entrecoupait ses dires de sanglots. Pour se donner du courage il se servit un verre d’alcool sous le regard réprobateur de la princesse.

      C’est le dernier !le docteur te l’a dit. Et vers moi « Il passe son temps au bistrot à jouer aux cartes avec des ivrognes » « Il n’a pas trouvé de travail et c’est moi qui suis obligée d’amener les sous à la maison.

      Et que fais-tu ? Dans la chanson ! Du théâtre !

      Je fais ce que je peux .Sans piston tu ne peux pas percer ou il faut coucher et ce n’est pas garanti

      Tout n’est pas rose. Moi sur les routes je n’étais pas tous les jours à la fête.

      Tu aurais pu reprendre la ferme ! Mais monsieur a voulu voir du pays !

      Cessez de vous disputer ce n’est pas le jour ! L’enterrement est pour après-demain si tu veux t’installer ici ?

      Non merci je suis chez des amis.

      Chez le ministre ! Monsieur fréquente la haute !

     Je suis chez qui je veux ! Où peut-on la voire demain.

    Roger s’était levé pour me raccompagner .En nous dirigeant vers la porte il me dit « Je vais demain à l’hôpital ils ont une chapelle. Passe me prendre vers neuf heure » Et à voix basse sur le ton de la confidence « Elles n’ont pas arrêté de me faire des tracasseries ».

     

    Après la cérémonie je revins à l’appartement. Nous formions un petit groupe avec deux ou trois voisins. Sur le boulevard le groupe s’étira. Une voisine, petite blonde sémillante, vint à ma hauteur « Passez me voir, je suis au sixième. Maryse ! N’oubliez pas, venez ! »

    Je passais la voir. Elle m’attendait. La radio égrenait des chansonnettes entrecoupées de réclames clinquantes. L’appartement était petit. Meublé d’objets et de meubles composites. Plusieurs époques se côtoyaient sans choquer l’harmonie de la pièce. Sa petite lingerie séchait sur un fil tendu le long d’un couloir qui devait mener à sa chambre. J’eu soudain envie d’aller caresser de la dentelle.

    Elle me préparait un café et vaquait de la cuisine à la salle qui servait de pièce à vivre en chantonnant les airs de la radio.

      Vous ne travaillez pas ?

      Je suis vendeuse dans un grand magasin. Je tiens le rayon parfumerie.

      Vous vous plaisez à Paris.

      J’y suis depuis trois ans et je n’arrive plus à vivre. Le quartier devient invivable.

      Vous ne m’avez pas fait venir pour me parler du quartier, de l’air du temps ou du changement du climat aux iles sous le vent !

      Je ne veux pas débiner votre famille mais je dois vous informer. Tout ne va pas rond chez les Maillard. Madeleine et votre sœur se droguaient

      Vous en êtes sur ?

      Plus que sûr. Elles ont réussi à m’entrainer. Les week-ends. Elles fréquentaient des boites pas très comme il faut. Votre sœur allait chanter, sa mère l’accompagnait. Madeleine s’est mise à fumer de l’herbe. Elle est passée à plus raide et votre sœur a suivi. Moi elles m’amenaient avec elles et elles m’ont passé des cigarettes sans me dire ce qu’elles contenaient.

    En me versant le café Maryse se pencha et mon attention, par l’échancrure de son chandail, s’agrippa à un sein blanc marbré de rose. Il était soutenu par un nid de dentelles identique à celles qui faisaient du funambulisme dans le couloir.

    Je bus mon café en silence partagé entre l’envie de descendre et de faire un scandale, de secouer tout le monde, de filer des baffes à l’alcoolique et à la mijaurée et l’envie de libérer ce sein qui cherchait à s’évader de ses contraintes.

    Je me mis à tourner autour de la table comme un poisson rouge dans son bocal. Mes idées allaient se heurter au verre de mon crâne. Le cerveau travaillait à la vitesse d’un supersonique.

      Vous allez user la moquette ! Votre sœur en est déjà à sniffer de la poudre. Elles ont mis votre père sur la paille.

      Je m’en doutais. Elles ont fait vendre la ferme au pire moment. Il ne nous reste plus que des jachères stériles et des ruines envahies par les noisetiers. 

      La vie à Paris est déjà chère et votre mère n’arrêtait pas d’acheter des frusques qu’elles ne mettaient pas et de sortir au restaurant et en boite.

      Vous en fumez beaucoup ?

      J’essaye d’arrêter ma paye ne me permets pas de gros excès.

      Voulez-vous venir avec moi ?

      Vous êtes sérieux ?

      Très sérieux. Je rentre après-demain vous aurez le temps de faire votre valise 

      Pourquoi ma valise ? C’est pour combien de temps ?

      Pour toujours je vous offre une vie simple à la campagne au bon air et avec des gens sympathiques Vous aurez des poneys à vous occuper. Je vous laisserez chez la sœur de Madeleine.

      Vous ne cherchez pas à me séduire.

      Ca m’a effleuré un instant mais vous valez mieux qu’un petit flirt et puis au revoir.

      Dommage vous m’auriez bien plu.

      Si vous venez! Pas un mot ! À personne ! Vous commencez une nouvelle vie. Téléphonez moi demain matin pour que j’organise votre voyage !

     

    Entre temps je passais saluer mon ex ministre. Il était maintenant député européen. Il n’avait pas pu se résoudre à laisser à son successeur une chef de bureau avec « une si plaisante conversation ». Je la félicitais pour sa promotion. Elle rougit à peine et me demanda en contrepartie des nouvelles du massif central !

     Un partout.    

    Mon député européen vint me chercher sur ce. Il était jovial, rayonnant d’énergie, bronzé juste ce qu’il fallait pour afficher une bonne santé. Au fait la chef de bureau était également bronzée.

      Cher ami ! Votre massif central ! Une idée géniale ! Où allez-vous toutes les chercher ? J’ai fait un  effet considérable avec le désenclavement du massif central !

      Quand je vous en ai parlé vous ne m’aviez pas cru.

      Savez-vous que les technocrates de Bruxelles sont très intéressés par un projet de train à grande vitesse reliant Strasbourg à Bordeaux et plus tard, Lisbonne.

       Vos technocrates prévoient-ils d’aller passer les fins de semaine au soleil lusitanien !

      Les fonds sont débloqués. Les études préliminaires sont lancées !

      He bien qu’ils prévoient la distribution de barbe-à-papa pendant les montagnes russes du Puy de dôme je ferais le voyage.

      Nous venons de voter un projet d’autoroute pour les mêmes destinations C’est vos petits copains camionneurs qui vont être contents !

      Et la présidence ? C’est dans deux ans ! Vous vous préparez ?

      Je n’ai aucune chance les places sont très convoitées.

      Trouvez une nouvelle idée par exemple une croisade contre l’alcool au volant ou la drogue dans les milieux de la jeunesse.

     

    Je passais chez mes amis camionneurs.

      Alors ton ministre ! qu’est-ce qu’il nous prépare ?

      Il a comme projet de vous faire tous dormir chez vous le soir !

      Mais il est génial ce mec ! On va voter pour lui.

      Hé non il s’est mis en tête de faire des autoroutes. Ce n’est pas encore demain que vous dormirez chez vous. Vous dormirez seulement plus loin ! Voilà ! Ecrivez lui vos doléances, il est assez foutraque pour en trouver une qui lui plaise et monter au créneau ! Invitez-le aux meetings et aux manifs en tant qu’ancien ministre du transport il fait partie de la confrérie maintenant.

      Un jour à Rungis il aura une place à son nom c’est sûr !

      Mes amis Quand les classes du haut s’intéressent aux classes du bas hé bien un grand pas est accompli pour se serrer la main !

    Sur cette phrase qui ne voulait rien dire, pur produit de la langue de bois, mais qui semblait faite pour un discours de combat social je quittais mes amis. Ils m’avaient demandé entre temps si je voulais descendre un camion sur Aurillac plutôt que de prendre le train.

    Je passais voir le patron. Il m’avait connu à mes débuts et fut très content de m’avoir comme conducteur pour cette course C’était une livraison pour une entreprise de forages. Le camion était un super 6x6 avec un groupe électrogène derrière la cabine et une fraise qui pouvait traverser de la roche comme si c’était de la guimauve.

      Je serais peut être accompagné d’une personne.

      Pas de problème j’avise l’assurance et tout est en règle ! Maintenant il te faut un graisseur pour t’accompagner ?

      Non ! Une dame pour faire chauffer mon café ! Au fait elle s’appelle Maryse pour l’assurance.

     

    Tout alla bien jusqu’à Orléans. Le camion chauffait anormalement. Je m’arrêtais dans une concession pour résoudre le problème. Rien ne semblait anormal pour le chef d’atelier. En désespoir de cause je fis enlever le Calorstat qui n’est utile qu’en hiver. On remplaça le liquide de refroidissement pour faire bonne mesure. Les ouvriers reluquaient Maryse en pensant qu’avec une nana pareille dans le bahut ce n’était pas étonnant que ça chauffe.

     

    Nous attaquâmes les cols en longeant la chaine des Puys.

    Maryse regardait le paysage et déclara qu’elle était en vacances devant un panorama aussi grandiose.

      Tu seras tous les jours en vacances ! Antoinette est super sympa nous allons lui faire la surprise.

    Le Saviem roulait bien mieux. Il faudrait penser à remettre la pièce avant l’hiver le moteur serait rodé et ne chauffera plus.

      On va se revoir ?  demanda Maryse.

      Pas souvent je suis très pris.

      Dommage j’étais pas mal avec vous ! On ne s’ennuie pas.

    Moi je suis la feuille que le vent emporte au loin, je suis la pierre qui roule. L’oiseau entrainé par la tempête.

      La feuille ne va-elle pas un jour s’accrocher à l’épine d’une rose, la pierre arrivera elle au fond de la vallée, l’oiseau se poserait il et ferra il son nid. ?    

      J’aimerai mais le vent souffle, la pierre est à mi pente et l’oiseau !... L’oiseau !...

     

    Le Paul m’attendait à Aurillac avec le magnifique Ford qui semblait avoir fait une saison en enfer. Peinture griffée, rayée, salie par des frottements de tôles, chiffonné.

      Que lui est-il arrivé ?

      Ton ami Bastien n’a pas encore intégré la conduite des véhicules, il les mène comme sa mobylette. Ça passe ou ça ne passe pas ! Des fois !…Souvent ! En fait nous faisons travailler ce pauvre pickup comme une grosse dépanneuse. On a bossé sur un accident avec du monde dedans et on n’a pas trop regardé au matériel.

    Il fut sidéré par la belle Maryse et me félicita pour mon choix. Je le détrompais lui disant que c'était un cadeau pour un ami.

      Ça vaut le coup d’être ton ami !

      On y gagne et ça vaut mieux que d’être mon ennemi ! Encore que la vengeance est au-dessus de mes moyens en ce moment.

     

    Antoinette nous reçut avec un étonnement mâtiné de désapprobation

      Qui est ce ?

      Un cadeau pour un ami qui est désolé qu’une irlandaise se soit fiancée sans qu’il puisse dire son mot.

      Tu te fais marieuse maintenant ?

      C’est le pécher-mignon de la famille en ce moment.

    Antoinette resta muette à ma réplique. Elle s’occupa pour installer la nouvelle venue dans une chambre à l’opposé de la mienne et de celle de Roger.

    Le fiston n’était pas là en installation d’un manège près de Bordeaux.

    Le lendemain avant que le soleil ne boive toute la rosée du matin, je décampais comme un contrebandier devant la caserne des douanes.  

    Je m’étais enfuis de Beauvallon, avec ma Mobylette rouge, comme jadis de La Grive.

    Je fonçais vers Busancy en regrettant déjà Maryse comme autrefois ma boite de spahis. Je pensais que je passais à côté d’un bonheur que je méritais mais qui à chaque fois reculait hors de ma portée. J’en voulais à Antoinette qui m’avait embarqué dans ses histoires et ses rancœurs. J’avais autre chose à faire pour vivre ma vie. Avec mes bonnes relations je pourrais trouver une occupation bien rémunérée soit à Bruxelles soit à Paris. Maryse me cèderai son appartement parisien si elle se plaisait à la campagne. C’était mieux que les chambres d’hôtels obscurs et sinistres. Tout en roulant j’essayais d’envisager l’avenir et je ne voyais pas d’issue.

     

    — Alexandre ?

    — Oui ! Vous me connaissez ?

    — Regarde-moi bien,

    — Je ne vois pas ou peut-être, Mais oui avec des longs cheveux noirs.

    — Je suis blonde maintenant. C’est moi Flore.

     Que fais-tu maintenant ?

    — Je me suis marié, je ne fais plus rien et devine ! J’ai une bonne.

    — Pense si on avait su à l’époque.

    — Moi j’ai toujours voulu faire un beau mariage. J’ai réussi au-delà de mes espoirs les plus fous.

    — C’est formidable. J’ai gardé un bon souvenir de toi mais tu ne m’a pas dit au-revoir et je l’ai regretté.

    — Je suis partie si vite, la grosse du garagiste m’a renvoyé, je ne t’ai pas embrassé une dernière fois mais si tu veux…

    — Je ne dis pas non mais tu as un époux maintenant.

    — Il me laisse une paix royale. Sa vie c’est son usine. Il fabrique des moulures pour cadres. Il en vend dans l’Europe entière. Et en ce moment il court les musées de hollande pour placer sa camelote. Je peux te consacrer la nuit si tu es libre.

    — Je ne peux refuser à la déesse de mes rêves nocturnes d’adolescent. Disons que tu me fais passer un examen de contrôle de connaissances.

    — Je vais être pour toi une maitresse sévère.

    Elle m’a amené dans une petite auberge au carrefour de trois départements. La salle du restaurant était discrète. Les plats classiques mais raffinés. Elle avait commandé un Gayac qui m’a tinté aux oreilles.

    — Parle-moi de toi. Tu n’es pas resté tout ce temps arpette dans le garage de Teillieu ?

    — J’ai roulé ma bosse au volant d’un quarante-tonne au Moyen-Orient. Et toi comment en est tu arrivé à porter chapeau et avoir une bonne chez toi.

    — Après mon renvoi j’ai eu des difficultés à retrouver une place surtout sans certificat. Ma tante m’a recueilli et un jour que je faisais mes courses à Aurich, j’avais vu des chaussures merveilleuses, J’ai trainé plus que de raison devant les vitrines et je me suis perdu. Je suis entré dans une boutique pour demander mon chemin. Deux messieurs discutaient devant un verre de moussette.

    — C’est quoi la moussette ?

    — C’est le champagne du Forez. Mon mari est natif de Montbrison. Donc ils m’ont offert une coupe puis deux.et quand le monsieur m’a ramené chez ma tante et bien j’ai oublié mes chaussures dans sa voiture. On s’est revu et on est marié depuis.

    — C’est une belle histoire à la cendrillon ! Les chaussures ont une place importante dans ta vie. Tu baigne dans le bonheur.

    — Pas tout à fait, je m’ennuie. Il passe son temps sur les routes ou dans son usine.

     Décide-le à voyager avec toi aux caraïbes, en Yougoslavie, Venise ! J’en ai des souvenirs immenses. Fais le voyager ce sera mieux que de pécher dans des relais de chasse. En fin de repas elle a fouillé  dans son sac.  

    — Fais semblant de ramasser ta serviette et regarde bien sous la table.

    Je m’exécutais intriqué par le saugrenu de la demande. Elle écartait largement ses cuisses et avec une minuscule lampe électrique elle éclairait sous ses jupes. Elle m’a regardée très amusée.

    — Avant je ne mettais pas de soutien-gorge maintenant je ne mets plus de culotte.

    — Garde au moins tes boucles d’oreilles pour sortir.

    La chambre était délicieuse, l’atmosphère feutrée, les lumières plus que tamisées. Le lit était presqu’aussi vaste qu’un stade de basket. Elle farfouilla dans sa valise et me dit d’occuper la salle de bain « monsieur ». En voyant la plaque sur la porte j’ai eu une envie de rajouter un S à monsieur pour une éventuelle leçon de groupe. Elle réapparut de l’autre, serrée dans une guêpière de satin écarlate, des bas rouges et des bottines noires avec des talons pointus comme des épées.

     

    A la Région on me pressait pour ce fameux développement touristique. Les hôteliers rêvaient à des cohortes de touristes étrangers se presser à leur porte, des devises plein les poches et l’appareil photo en bandoulière. En Réunion je fus interpelé par le président de l’hôtellerie. Ce monsieur voulait le beurre et l’argent du beurre tout de suite. Instinctivement je lui repliquais:

       Traders who do not speak several languages that gets poor benefits in comparison to those who will be adapted !

    Les commerçants qui ne parleront pas plusieurs langues n’obtiendront que des bénéfices médiocres en comparaison de ceux qui se seront adaptés

    Devant son air effaré je scandais « Les touristes parlent anglais ou le comprennent. Nous essuierons un échec si les restaurateurs et les hôteliers jusqu’aux femmes de ménage ne Speake English and  Deutsch » « C’est essentiel. Que diriez-vous d’une hôtesse de l’air qui ne parlerait pas plusieurs langues ? »

    Devant leur air de poisson hors de l’élément liquide, je leur dit :

      Mettez-vous y maintenant retournez à l’école ou suivez des cours par correspondance

    Le président l’air contrarié me répliqua :

      On ne peut pas mettre un tel programme en route cela demande un effort important.

      Hé bien recrutez des hôtesses de l’air.

    Et avant de claquer la porte j’ajoutais à la cantonade :

      Sachez que vous ne serez pas jugés sur votre bonne mine mais sur la qualité de votre plomberie dans les salles de bain.

    Le président de l’assemblée régionale me fit appeler pour me passer un savon.

    J’écoutais stoïquement ses reproches attendant mon heure pour le moucher. Il me tendit une perche énorme.

      Quand à votre remarque sur les installations sanitaire je trouve que vous abusez…

      Je n’abuse nullement au plus profond de la Turquie j’ai trouvé des salles de bain équipées de mitigeurs !

      Excusez-moi mais à quoi sert un mitigeur. A mitiger mais quoi ?

      Simplement à obtenir une température constante pour une douche ou pour un bidet…

       Merci bien ! Je vois.

     

    Suite à cette semonce  je rapatriais discrètement mes petites bricoles personnelles. J’emballais mes bibelots et roulais mes cartes.

      Mais vous partez me demanda la dame de ménage à qui je déployais une montagne de amabilités.

      Non pas encore ! Mais je prends des mesures propres à faciliter le nettoyage dans le but de simplifier les tâches dévolues aux individus n’ayant pas de fonctions dirigeantes.

    Elle mit un temps à comprendre et, à la fin me remercia de prendre en considérations le travail ingrat et répétitif du petit personnel….Du moins c’est ce qu’elle voulut exprimer.

     

    J’avais toujours les clefs du Doodge . J’appelais Arlette et lui demandais si elle voulait me servir de navigateur dans un périple forestier. La réponse ne se fit pas attendre et je passais avec ma Saab la prendre, pendant ses heures de présence au bureau loin des regards jaloux et soupçonneux, prés de son bureau.

     

    Pendant que je manœuvrais le portail du garage elle prit le volant pour sortir du hangar et ne le quitta plus jusqu’une clairière peuplée de hautes herbes.

    J’installais la bâche anti fourmi au beau milieu et m’allongeais face au ciel. Je perdis mon regard dans la contemplation d’un nuage boursouflé qui changeait lentement de forme. Je restais un très long moment en pensant à mon avenir professionnel. La Région c’était fini pour moi je n’en voulais plus avant qu’ils ne veuillent plus de moi. Arlette se pencha sur moi et posa lentement ses lèvres sur les miennes. Je revins sur terre mis mes yeux dans les siens et balbutiais « Pourquoi ? ».

      Pour rien ! Pour faire comme tout le monde !

      Nous ne sommes pas tout le monde.

      Alors pour meubler l’instant. Vous ne vous occupez pas de moi.

      Alors permettez !

    Je lui pris les épaules et amenait ses lèvres contre les miennes. S’en suivi un long baiser sans fougue, presque chaste.  « Voilà le temps passe-t-il à votre convenance ? ».

      On ne peut demander à un âne de courir comme un étalon ! Si je devais noter j’inscrirai : « suffisant mais pourrais mieux faire »

      Pour mieux faire il faudrait que vous descendiez du piédestal où vous croyez être installée.

      Je ne suis sur aucun piédestal, sauf sur celui où vous m’avez placée.

      Alors tout est pour le mieux dans ce bas monde.

    Elle avait défait le premier bouton de son corsage espérant réveiller l’instinctif. Je déboutonner le deuxième. Pas de protestation ! Je dégrafais les autres, lentement. Elle fermait les yeux. J’aperçu un soutien-gorge de gouvernante de curé, triste, banal, seulement fonctionnel. Il protégeait du regard une poitrine menue. Cette vision n’eut rien pour attiser mes instincts. J’allais lutiner une Vezin ! Gare au venin ! Pour gagner le temps de la réflexion je l’embrassais doucement. Elle répondit à mon baiser en entrouvrant légèrement les lèvres. Je passais le bout de ma langue alternativement et provoquais un certain effet. Elle planta dans ma prunelle un regard interrogateur.

    « C’est ce que vous vouliez ? » lui demandais-je.

      Contentez-vous de conduire !

    Je conduisis donc. Tout en l’embrassant je dégrafais le cache-misère  et le déposais sur l’herbe. Sa poitrine était encore plus menue que ses dessous le laissaient penser. Sa peau n’avait pas d’onctuosité. Ses seins étaient surmontés d’aréoles rouge-brun. Je passais la paume sur ces protubérances et fus surpris de l’effet soudain. Son souffle s’accéléra et elle saisit mes poignets pour diriger mes mains vers l’objet de ses désirs. Ses narines se mirent à palpiter. Elle serrait de plus en plus fort mes poignets et me dit dans un râle « Pince-moi ! » Au bout d’un moment elle m’implora « Plus fort ! Pince-moi plus fort ! Fais-moi mal ».

    Je déferrai à sa demande en gardant toutefois de la mesure dans la démesure. Elle était maintenant complètement en transe, elle s’arracha à moi pour se jeter à terre et je crus un moment à un début d’épilepsie. Puis ses tremblements se tempérèrent elle se calma. Je restais silencieux et repris la contemplation des nuages qui devenaient menaçants. Lentement elle se rhabilla, avec soin elle organisa le défroissé de sa robe. Et à brule-pourpoint me dit « Déçu ? ! Frustré ? ».

      Non pas du tout.

      Vous n’avez pas assouvi vos instincts de primate !

      Ni déçu ni frustré ! Pour moi c’était une première.

    Cette remarque la laissa sans réplique caustique.

      Vous avez aimé ?me demanda-t-elle mi troublée mi soucieuse.

      J’avoue que sur le moment le problème ne s’est pas posé. Réflexion faite j’ai trouvé un certain plaisir dans le plaisir partagé. Notez qu’à l’ avenir je me tiens à votre disposition. En ce moment je fais provision de bonnes actions en vue de mauvaises que j’envisage !

    Je rangeais la bâche de nos ébats et repris le volant pour rentrer. Le retour se fit en silence. A un moment, je mis ma main sur sa cuisse en infraction totale avec le code de la route et tous les articles réprimant ce genre de transgression. Elle ne me repoussa pas.

    En remisant le Doodge nous fîmes un tour main dans la main dans l’entrepôt. C’était un énorme atelier qui avait abrité une tannerie jusqu’à ce que les directives européennes interdisent le tannage au chrome. Les machines étaient parties en Inde où les eaux polluées déversées dans le Gange se trouvaient immédiatement neutralisées par le caractère purificateur du fleuve. L’environnement était préservé ! Du moins ici.

    Nous avons parcouru le bâtiment principal jonché de quelques restes de l’activité. Ici un bidon rouillé, là une charrette aux roues cagneuses. Je me lamentais sur la casse de nos entreprises par des techniciens à la bonne conscience des lois européennes.

      Vous en voulez à l’Europe !

      Non j’en veux aux décrets pris par des énarques qui n’ont jamais mis les mains dans le cambouis.

      Et vous ?

      Moi sans me vanter j’ai trimé les jours et souvent les nuits. J’ai conduit des camions sur des routes où un char à bœufs peinait pour se faire un chemin. Quand le transport s’est effondré, à causes de directives farfelues d’une administration incompétente, j’ai foncé dans le tas. D’un député ramolli sur son banc de l’assemblée j’en ai fait un destrier de compétition. Je lui ai déblayé le chemin et il est arrivé ministre des transports ! Un homme qui n’avait pas approché un camion de sa vie. Bien plus il siège à Bruxelles et je ne le lâcherai pas tant qu’il aura un souffle de vie.

      Jules César « Je suis venu…j’ai fait un pont…J’ai fait si, j’ai fait là… Monsieur je fais tout en somme. »

    Je sentais la fureur monter et envahir mes muscles. J’aurais voulu la frapper pour lui faire mal mais je me mis à penser qu’elle en éprouverait peut-être du plaisir. Je me contentais de la serrer dans mes bras en lui disant : « Votre piédestal est trop haut pour comprendre ».

    Elle rapprocha son visage du mien et tendis ses lèvres.

     

    En reprenant la Saab elle me demanda «  Qu’allez-vous faire maintenant ? ».

      Si j’avais les fonds j’achèterai cette usine.

      Pour en faire quoi si ce n’est pas indiscret ?

      C’est indiscret.

     

    Rentré à Busancy, je retrouvais Perrine en train de vaquer à ses travaux d’aiguille devant la télévision que j’avais prise pour elle.

    Je m’installais dans l’autre fauteuil. Mes pensées se bousculaient entre l’entrepôt, la Région, Arlette, sa famille et tout le toutim. Je sirotais une liqueur de plantes surement ramassées par Jules.

      Tu es bien silencieux !

      J’ai mille projets ! Je veux ! Mais en fait je voudrais parce que je n’ai pas les fonds.

      Et combien te faut-il ?

      Perrine ! Au moins trois millions de sucettes au caramel.

      Et ça fait combien parce qu’il y a longtemps que je n’en ai pas fait acheter par Jules.

      En réalité je ne sais pas ! Je voudrais acheter la vieille tannerie après le stade !

      C’était une belle terre Avant il y avait des bois de chênes. En trente-trois elle s’était vendue un bon prix !

      Tu vois je ne pourrais pas.

     Moi j’ai des sous !

      Perrine je ne vais pas te prendre tes économies.

      J’ai peut-être un peu plus que mes économies.  Jules ne me ramenait pas de la ville que des sucettes et des cotons à broder.

      Et que te ramenait-il ?

      Des louis d’or, des napoléons et des bons du trésor.

      Mais Perrine si tu es riche ! Pourquoi fais-tu la servante chez Antoinette ?

      Et où veut tu que j’aille ! A l’hospice ? Ma famille c’est vous. Tu as grandi dans mes jupes et tous les jours je te regardais et c’était mon bonheur.

      Je suis abasourdi ! Je ne vais plus oser te demander un service.

      Gros bêta maintenant que tu es orphelin ! Tu veux donc que je parte,

      Mais non !reste profite de tes sous et de ton temps.

      La télévision c’est peut-être le seul appareil que je me serai acheté si j’avais su que c’était si bien et c’est toi qui me l’as offert.

      Je ne regrette pas au contraire j’ai eu de la satisfaction à te faire plaisir.

      Revenons aux sous ! Tu vas passer chez le notaire où Antoinette avait accompagné la mère Tu te porteras acquéreur anonyme éventuel et quand tu sauras le prix on fera les comptes. Je garde aussi les économies de Jules. Il ne veut pas les garder dans sa cabane et le sacripant, il en a fait des sous avec ses braconnes.

      Tu crois qu’il voudra !

      Je sais qu’il a fait son testament et qu’il te donne tout. Moi je ne peux pas le faire vis-à-vis de ma famille qui ne serait pas contente mais je peux te passer discrètement mon pécule .Tu sais ils ne le méritent pas. Quand j’ai perdu mon fiancé ils n’ont rien fait pour me consoler. J’aime bien ma sœur mais son mari c’est un vrai adjudant.

      Moi j’ai quelques argents en banque. Je les gardais pour aider Antoinette si le besoin s’en était fait sentir.

      Antoinette est riche à millions. Son notaire Sylvestre le père lui a fait faire des placements au bon moment et si elle n’est pas milliardaire elle est millionnaire .Son commerce de poneys lui rapporte bien.

      Je suis content pour Roger. Il n’aura pas à quitter le pays pour trimer en ville.

      Et parait-il qu’on lui amène les demoiselles à domicile.

      C’est une bonne action que j’ai fait Maryse allait se perdre à Paris. La princesse et ma mère l’entrainaient sur une pente savonneuse.

      Je sais plus de choses ici que si j’allais courir la campagne.

      Jules te fait sa gazette. J’aimerai bien lui dire deux mots s’il vient par hasard livrer quelque marcassin à un notable.

     

    J’allais officiellement déposer ma lettre, de démission à la Région. Le préfet du plus loin qu’il me vit me fit signe.

      Alors on dit des vérités aux notables ! On leur rabaisse leur caquet ! On les fait barboter dans leur médiocrité ! Et on va partir je présume en disant « Bon appétit ! Messieurs ! ».

      Monsieur le préfet je pense donner ma démission.

      Je vous l’accorde avec regrets. J’ai su tout de suite que vous donneriez le ton ! Vos collègues administratifs sont heureux que vous ayez remis ces orgueilleux personnages à la place que leur assignait leur indigente médiocrité mercantile. Partez vers un horizon loin des tracasseries administratives. Votre cuir n’est pas fait pour les repousser.

     

     

    Maitre Sylvestre me reçut dans le bureau troisième république datant de son grand père.  Le cuir sentait l’encaustique, le portrait de Pie dix avait été remplacé par un Modigliani surement une acquisition du père. Quant au fils il n’avait trouvé à accrocher que son diplôme.

    Il comprit très bien où je voulais en venir. Chargé de la vente il connaissait déjà le prix.

      Le prix est élevé ! Le site n’a pas été dépollué ! Il doit être gorgé de chrome ! Le cout de la démolition doit normalement venir en déduction.

      Vous avez fait faire une étude ?

    Je me gardais bien de répondre.

    Il doit y avoir des bassins de rétention plein d’effluents toxiques !

    Le notaire très embarrassé brassait des papiers semblant rechercher un document.

      Je ne peux en offrir que : « J’annonçais le huitième de la somme ».

      Vous n’y pensez pas ! C’est un bâtiment qui vaut au bas mot ….

      Deux cent usines dans la région valant le double ou le triple ne trouveront pas preneurs au dixième de la somme.  Mon offre tiens jusqu’à ce soir vingt heure. Demain je postule pour un bâtiment près de Toulouse.

      Je contacte le vendeur mais ne vous attendez pas à un miracle.

     

    Perrine était en grande conversation avec mon ami Jules. Ils s’interrompirent à mon arrivée.

      Bonjour ! Tiens mon ami Jules ! Y aurait-il du braconnage dans le quartier ?

      Je passais par hasard.

      Pour une livraison de sucettes au caramel ?

      Tu as passé l’âge ! Maintenant il te faut du trébuchant.

      Perrine t’as mis au courant ! J’ai proposé le huitième de la somme que le vendeur réclamait. Pour ma part j’en ai la moitié.

      Nous avons parlé, nous te fournirons le reste.

    Perrine était toute tremblante .Ils n’avaient jamais évoqué des sommes pareilles.

      Il me faudra aussi du matériel et un employé. Je pense pouvoir trouver un gendarme retraité et aussi son épouse.

      Mais que va s tu faire dans cette usine ?

    D’abord un entrepôt de produits chimiques, plastiques et cartons d’emballages. Les usines n’ont pas la possibilité de conserver la production surtout si les ventes son saisonnières comme par exemple le sulfate de cuivre après les vendanges.

      je vois c’est une bonne idée mais toi qu’est-ce que tu gagnes ?

      La location de la surface occupée !

      Ce petit ! Il en a des bonnes idées ! C’était Perrine.

      C’est moi qui lui appris les ruses comme un indien sur le sentier de la guerre. S’il avait voulu braconner !

      Tu n’aurais plus rien pris après mon passage.

      Soyons sérieux les sous pour quand ?

      Après la signature du compromis deux mois au plus juste.

      Nous n’aurons que les bons du trésor à négocier !

    Je fus un peu interloqué ! Que les bons du trésor ! Mais alors le reste du magot ! C’est quoi ?

    A dix heures du soir le notaire me téléphona ! « Mon vendeur est d’accord mais il a fallu que je le persuade la discussion a été longue.

      Maitre je vous en suis gré et je penserai à votre étude pour mes prochaines acquisitions. Je passe demain vers quatorze heures ! Voulez-vous un chèque de banque ?

      Je vous fais confiance votre réputation, votre famille…

     

    Je pris dans le réfrigérateur une bouteille de champagne que j’avais réservé pour une autre occasion et nous trinquâmes à la réussite de la transaction et au bonheur de se retrouver ensemble.

    Je proposais au père Jules de lui céder une chambre dans la construction au fond du jardin en lui disant qu’il y avait une petite porte qui donnait sur la rue de derrière. Il serait indépendant, chez lui et il pourrait s’en servir dès qu’on retrouverait la clef.

    Plus tard je compris que jules avait déjà la clef et je m’attendris sur le sort les douaniers qui avaient un adversaire si débrouillard et futé.

     

     

    Je fis restaurer le logement du directeur et celui du concierge. J’y installais une ligne pour le téléphone une pour un fax et fis rentrer un photocopieur dans le hall qui devait servir de bureau.

    Le Paul m’apporta un chariot élévateur à gaz presque neuf. J’étais prêt.

     

    Je faxais une présentation aux divers transporteurs et un courrier à plusieurs usines avec mes tarifs Je n’avais plus qu’à attendre et pour attendre je commençais par nettoyer quelques alvéoles de l’entrepôt  c’était des box qui pouvaient contenir deux voitures et un établi ou une étagère.

    Parallèlement je passais à la gendarmerie qui avait été mise en ébullition avec mon ministre. L’adjudant me reconnut et nous allâmes trinquer à la santé du ministre ! Il ne pouvait pas refuser. Je lui parlais de mon problème. Embaucher un gendarme et son épouse pour des petits travaux.

      Nous avons un adjudant qui prend sa retraite pour la fin du mois.  J’ai servi avec lui en Nouvelle Calédonie et sa femme est comptable. Il fait partie de la circonscription de Clermont.

    — Si il veut j’en serai ravi. Il aura aussi le logement.

    Il voulut après la visite de l’appartement. Son épouse comprit tout de suite le travail que je demandais. Pour une comptable c’était du gâteau.

    Ils s’installèrent et la ronde des camions commença. Je maniais l’élévateur pour décharger les semi-remorques. Au fur et à mesure j’attribuais des zones aux granules de plastique, aux aliments pour animaux, aux palettes de pots de peinture.

    Chaque palette avait son numéro, chaque envoi sa fiche, chaque client sa facture en fonction des mouvements. Je fus vite plein et dus installer des rayonnages pour gerber les palettes. J’en mis dans les alvéoles que je réservais pout un autre usage.

    Je dormais sur place pour recevoir les camions qui se présentaient après l’heure. Ils appréciaient le geste et me faisaient de petits cadeaux. Des choses qui circulent entre camionneurs. Un carton de citrons ou des bananes, des friandises à l’emballage abimé.    

    J’allais en mobylette manger le midi chez moi la cuisine de Perrine. Perrine s’inquiétait pour ma santé. Je lui, promis d’aviser. Je téléphonais au Paul. Le lendemain il me montait l’iroquois avec son barda et une brune espagnole au regard de braise.

      Elle ne veut plus que je fasse la route !

      Et elle a promis de lui « graffigner » la figure si il  regardait une autre femme me confiât Le Paul.

    Je mis tout le monde d’accords en débouchant une bonne Clairette de Die cadeau d’un trente-trois tonnes.

    L’iroquois s’installa en ville et je le mis au transpalette sous les ordres de l’épouse du gendarme qui avait l’habitude de commander des gradés et qui de plus n’avait pas peur des iroquois. L’espagnole s’occupa en confectionnant les repas des présents, chauffeurs compris.

    Je pus souffler un peu et trouvait un moment pour sortir le 4x4

    J’allais chercher Arlette et nous allâmes dans une des clairières que nous aimions visiter. J’amenais le véhicule jusqu’au milieu des hautes herbes en disant  « Si le propriétaire voit les dégâts il ne va pas être content. ».

      Nous sommes le propriétaire ! Les bois sont à mon père.

      Vous lui présenterez mes excuses.

      Je doute qu’il les accepte.

      Pourquoi ?

      Vous déshabillez en pleine nature sa fille la plus chère. Mon père vous en voudra.

      Avec le consentement de la dite fille et pour son plaisir !

      Mon très grand plaisir !

    J’enlevais pièce à pièce ses vêtements. La lingerie avait évoluée. Bien qu’une certaine austérité bourgeoise émane encore de l’ensemble, il y avait plus de féminité dans les choix.

    Elle était le torse dénudé. Je lui emprisonnais les poignets et l’attirais vers moi. Je l’embrassais doucement d’abord dans le cou et ensuite sur l’oreille. Elle avait un sourire amusé. Je butinais ses lèvres sans trop insister comme un bourdon sur une fleur des champs. Elle me concédait une langue pointue que j’évitais par jeux. Je libérais une main qui alla musarder sur sa poitrine elle se cambra et s’offrit à le caresse. Je passais ma main doucement effleurant les pointes qui durcirent Elle s’appuyait sur ma main cherchant le contact j’évitais de trop l’exciter.

       Va ! Pince-moi !

    Je continuais mon petit jeu sans l’écouter. 

      Aller ! Qu’est-ce que tu attends

      Comment est tu arriver à prendre du plaisir de cette façon c’est peu commun.

       Donne-le-moi ce plaisir ne réfléchis pas !

      Qui t’a caressé comme cela ! .Comment as-tu  trouvée ce moyen de satisfaction.

    J’avais arrêté de la caresser elle hésitait, je repris la câlinerie et lui pinçais légèrement le sein  Elle tressaillit. J’arrêtais et l’interrogeais du regard. Elle oscillait entre l’envie de mes mains et la peur de la révélation. Elle se mit à sangloter.

      Tout ce que tu veux mais explique moi. Je veux savoir pour te combler encore plus. Je la pris dans mes bras et la serrait tendrement en lui caressant la nuque.

      Je devais avoir sept ans quand j’ai commencé.

      Comment as-tu découvert ton plaisir ?

      Je me disputais souvent avec Léopold. On est arrivés à se battre. Dans la lutte il m’a pincé et plus que la douleur j’ai ressenti autre chose. Le soir je suis passé dans sa chambre et je l’ai fait me pincer doucement les seins. Ma sensation était exquise et je n’avais jamais ressenti pareil plaisir. Au bout d’un certain temps Léopold d’est mis à me pincer de plus en plus fort, moi je le laissais faire. Il a voulu que j’essaye aussi sur lui. Il a vite renoncé car c’est un douillet, je le pinçais aussi fort que lui. Avec le temps c’est devenu mon plaisir favori et après ma puberté j’avais les orgasmes que tu as pu voir.

      Et Léopold ?

      Lui pour me satisfaire a réclamé que je le caresse puis. Avec le temps il a exigé des fellations. Il en voulait toujours plus.

      Et vous en êtes où maintenant ?

      Je n’ai pas voulu aller plus loin que la fellation.

      Et quand avez-vous arrêté vos ébats ?

      Le soir de ton repas quand nous sommes rentrés avec ma coccinelle. Il a encore exigé des pratiques câlines. Ce salopard après avoir eu son plaisir m’a laissé sur ma faim !

      Je ne me doutais pas que le chantre de l’art lyrique se fasse jouer du pipo et encore par sa grande sœur. Remarque tant que ça ne sort pas de la famille !...

    Je l’allongeais sur le sol. Je la caressais selon ses désirs. Elle se laissa faire jusqu’à l’apothéose puis, le calme revenu me dit « Viens c’est ton tour tu mérites bien un peu de bonheur ».

      Arlette ! J’ai trop d’estime et trop d’affection pour toi. Ce n’est pas mon heure Laisse-moi te contenter et je prendrais du plaisir quand nous serons en harmonie je veux dépasser l’amitié. Elle allait se rhabiller quand je mis son soutien-gorge dans ma poche.

      En souvenir d’aujourd’hui. Sache qu’il sera à ta disposition chez moi.

      Veut tu aussi ma culotte ? Elle est bourrée de phéromones !

     

    Le propriétaire du Doodge finit par trouver un acquéreur en la personne du conservateur d’un musée de Normandie. Mon ex gendarme avait bichonné le véhicule à l’extrême. Il était comme sorti d’usine.

    L’expédition fut confiée à un grand transporteur de la région parisienne. Le jour de l’envoi une dizaine de personnes étaient sur le terrain. Le conservateur du musée était  très stimulé de voir son acquisition. Le patron transporteur était venu avec son épouse pour profiter de la fin de semaine et lui montrer la région.

    Conception, la compagne de l’iroquois, avait confectionné une gigantesque paella. Nous étions tous installés sous une tonnelle. Les abeilles et les guêpes essayaient de profiter de nos assiettes .Le vin des côtes de Blaye nous portaient à une légère mélancolie.

    Le transporteur me demanda à brule-pourpoint « Etes-vous vendeur ? »

      Si c’est vous l’acheteur, je vous ferai ce plaisir, à condition que vous gardiez mon personnel qui mérite mon estime et égards pour la qualité de travail qu’il me fournit.

    Maitre Sylvestre se fît un plaisir de négocier ma vente. Au passage il me conseilla des achats de biens et pour lui être agréable je me laissais faire pour une demeure de maitre en plein centre de Busancy.  

    Perrine fut estomaquée ! La maison de la comtesse!

      Quelle comtesse ?

      C’était une grande dame de Paris. Un de ses amoureux lui a faite construire cette résidence. Après c’est un ancien général qui l’occupait. 

      He oui ! Perrine tu va prendre tes appartements comme une comtesse.

        Mais la maison est trop grande pour moi.

      Tu vas être obligée de prendre du personnel et de diriger ton petit monde. Il te faudra au moins deux domestiques.

      Je n’aurais jamais pensé vivre cet instant.

    Que penses-tu de Jules comme gardien ? Enfin ! Depuis le temps vous pourriez penser au mariage.

     

    Pendant que j’emménageais dans ma nouvelle demeure, une nouvelle inattendue nous assombrit.  Léopold était mort. Il s’était noyé dans son bain. La domestique qui faisait le ménage l’avait trouvé au matin sans vie dans sa baignoire la tête sous l’eau. Une enquête était ouverte.

    Je passais un coup de fil. Arlette me fit répondre qu’elle ne pouvait pas ma parler. Je lui fis présenter mes condoléances par la domestique.

    Je passais mes derniers jours à mon entreprise mettant tout en ordre.

    L’épouse du gendarme me prépara un mot de condoléance. J’étais en train de le recopier quand une voiture s’arrêta devant les bureaux.

    Un jeune homme fagoté comme un voyou en descendit. Il me dit qu’il était policier. L’agent donc me présenta une convocation du commissaire enquêteur pour l’après-midi. Je descendis donc dans le véhicule du policier pour gagner du temps.

     

    Le commissaire enquêteur me posa les questions habituelles puis soudain.

      Vous connaissez Saint Gall Léopold ?

      Oui.

      Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois.

      je ne sais plus !  C’était la quinzaine après Mozart.

      C’est-à-dire !

      Au moins six mois. Je n’avais pas encore mon entreprise.

    Quelles étaient vos relations ?

      On se connaissait. On avait fait un pique-nique dans une clairière. Il avait apprécié mon 4x4. J’avais un command-car  et on a été faire du tout-terrain sur leurs terres.

      Vous connaissez la sœur ?

      Oui on a plusieurs fois sorti le Doodge elle l’a même conduit.

      Vous êtes intimes ?

       Se balader ensemble n’implique pas une grande intimité.

      Quand l’avez-vous vue pour la dernière fois ?

      Je ne peux le dire.  C’était la dernière sortie du tout terrain mais mon gardien l’a bichonné le lendemain pour la dernière fois et il s’en souvient.

      Vous avez une mobylette ?

      Oui elle est démontée au garage. Mon ex gendarme devait s’en occuper mais le départ du 4x4 ne lui a pas permis de la remonter.

      Vous ne pensez pas quitter le territoire ?

      J’ai des obligations. Je dois aller à Paris pour une bonne semaine. Après je suis ici pour un certain temps j’emménage en ville.

      Signalez moi vos déplacements hors de la ville On se reverra bientôt !

      Léopold !c’est un accident ou… ?

      C’est un meurtre et ils étaient au moins deux ! Satisfait ?

     

    En sortant du commissariat je rencontrais Arlette qui était convoquée par le commissaire. Elle me lança presque sans s’immobiliser « Passe chez moi ce soir on dinera ».

    J’eu droit à une omelette, du pain rassis et une pomme ridée. Mais le repas n’était pas le but de la rencontre.

    Arlette me mis au courant des événements. Léopold d’après le petit commissaire devait avoir été agressé par deux individus. Il devait les connaitre parce qu’il n’y avait pas eu d’effraction. Conclusion du commissaire il avait dû être noyé dans sa baignoire. 

    Bêtement je demandais « Par qui ? »

      Si le petit commissaire le savait. !…Il soupçonne toutes ses connaissances .Tous les quidams qui l’ont approché.

      Je dois monter à Paris, j’aurais aimé que tu m’accompagne.

      Je ne pense pas pouvoir me libérer. Et avec l’enquête, les obsèques, mon père, mon travail…

      J’envisageais la chose comme un voyage de fiançailles pour faire plus ample connaissance.

      Tu le pense vraiment ?

      C’est envisageable. Nous sommes célibataires, nous nous connaissons un peu, tu es riche mais je ne suis pas sans revenus et je suis courageux, j’ai des projets et j’aimerai te les faire partager.

      Je ne dis pas que tes arguments ne sont pas valables mais est-ce une raison pour envisager une union.

      Le mot union est judicieux. De cette union j’aimerai voir un héritier courir dans les couloirs de la grande maison que je viens d’acheter.

      Pense-tu que nous pourrons nous supporter par la suite ! J’avais d’autres projets

      Moi aussi mais il faut savoir limiter ses ambitions. Le temps passe et avec lui s’émoussent mes désirs de grands espaces et d’aventure.

    Je la pris dans mes bras et l’embrassais doucement. Elle se laissa aller fermant les yeux et me rendant mon baiser.

      J’avais besoin de faire provision de phéromones !

      J’ai fait des réserves ! Me dit-elle en m’entrainant vers la chambre.

     

    Perrine me prépara ma valise tout en m’installant dans la demeure de la Comtesse. Cette habitation avait été modifiée par le général qui avait aménagé une pièce en bibliothèque. Les livres étaient restés les héritiers s’en étant désintéressés. J’envisageais d’en faire un bureau et pour ce je passais chez un antiquaire.

      Vous avez fait le bon choix en venant ici. C’est moi qui ai racheté le mobilier  de la villa aux héritiers. Ils ont tout bazardé ils voulaient les sous tout de suite.

      Je recherche un bureau !

      Voyez !

    Je fis un tour et choisit quelques meubles dont un lit monumental en bois de roses et merisier   

      Je crois qu’il est signé Guimard.

      Celui des entrées de métro ?

      Tout juste ! J’ai l’ensemble, commode, coiffeuse, chaises et fauteuils mais pas ici c’est dans ma réserve. Vous voulez voir ?

      Non ! Votre prix ?

      Pour vous ce sera  voyons !voyons !

    D’accord mais vous ajouterez le bureau, le Saint-Hubert, ce fauteuil et…

      Arrêtez ! Je suis antiquaire ! Pas votre bienfaiteur !

      Le tout livré et installé chez « La Comtesse » comme on dit dans le pays.  Je prends à ma charge les frais de transports à condition que le travail soit fait « en douceur ».

      C’est la devise de la maison « tout en douceur ».

       Si vous voyez passer un Majorelle ?

      N’y comptez pas aussi couru que Picasso mais encore abordable je penserai à vous promis.

    Je passais rapidement voir Antoinette dans son élevage de poneys. Elle était contente de ma réussite et de mon installation dans le plus grandiose édifice de Busancy.  Elle me parla de ma protégée. Maryse avait eu du mal s’adapter à la vie campagnarde. Le manque « d’excitant » au début la rendait nerveuse et susceptible mais le travail et les animaux avaient fini par lui faire apprécier la situation.

      Elle avait été droguée par Marie-Madeleine  et la princesse qui l’amenait dans des beuglants mal fréquentés.

      Elle me l’avait dit tout de suite.

      J’ai essayé de réparer les idioties de ma sœur.

      Je pense qu’elle t’en est reconnaissante. 

      Et Roger comment prends il la chose ? Je pensais lui faire plaisir.

      Roger la boude complètement. Il s’est entiché de son Irlandaise qui est mariée maintenant à un buveur de bières et ne veut pas en entendre parler.

      Tu sais que des fois je regrette de ne pas avoir croquée cette belle pomme.  Tu m’as poussé dans les bras d’une griotte acide.

      Elle est peut être acide mais juteuse.

      Et encore plus juteuse depuis la mort de son frère. Elle devient héritière unique de la fortune du vieil Hadrien.

      Celui-là ne va plus trainer sa vieille carcasse bien longtemps. On sait comment est mort Léopold?

    D’après le commissaire il y a eu meurtre perpétré comme il dit par deux individus. Mais je ne suis pas là pour parler des faits divers. J’aimerai voir Maryse pour qu’elle me prête son appartement parisien. Je dois passer à Paris une semaine et mon dernier hébergement m’a laissé des traces cuisantes.

       Des moustiques ?

    Non des punaises comme au bon vieux temps. Paris est envahi par les punaises et j’en ai ramené à Busancy.  Maintenant tout Busancy se gratte !

      Toujours à plaisanter je vois que tu n’as pas perdu ta bonne humeur.

    Maryse me passa son trousseau et me demanda à l’occasion de lui ramener quelques affaires. A un moment où nous nous sommes trouvés seul elle me fit part de l’inimitié de Roger.

      Il était tombé amoureux d’une petite irlandaise mais elle s’est mariée dans son pays maintenant.

      Il doit être terriblement malheureux !

      J’espérais en t’amenant ici que tu lui ferais oublier son chagrin.

      Moi je voudrais bien, il est mignon, je me sens un peu délaissé du coté sentiments. J’avais espéré que mon pilote soit un peu plus tendre pendant le trajet.

      La chose ne m’aurait pas déplu mais le destin nous trace la route !

    Au moment de repartir Antoinette me demanda où j’en étais de ses projets.

      J’ai demandé la demoiselle en « fiançailles ».

      Je ne te demandais pas de la marier.

      Oui mais le destin des hommes n’est tracé que par les dieux disait Lao-Tseu.

      C’est facile de faire parler les morts.

      Il n’est pas maure, il est chinois.

      Si on pouvait interroger Léopold !!!

     

    Si les morts pouvaient parler voici ce que Léopold aurait dit !

     

    En allant à ma banque je rencontrais Alexandre. Il me parla de son  anniversaire qui était ce vendredi et en me quittant, l’air farceur et entendu, me murmura « Je te ferai passer un morceau de gâteau vers onze heure prépare toi à le recevoir ».

    Cette proposition me parut assez exceptionnelle et je n’y pensais plus quand le vendredi à onze heure précise on sonna à ma porte. La plaisanterie d’Alexandre me revint d’un coup.

    J’allais ouvrir et me trouvais en présence d’une femme vêtue d’une cape noire doublée de rouge. Elle portait un loup rouge qui lui cachait la moitié du visage ne laissant de visible qu’une bouche carminée et le menton.

      Je suis votre part du gâteau !

    Je la fis entrer. Elle écarta le bas de sa cape et j’entrevis des bas rouges et une jambe chaussée de cuissardes noires vernies.

      Ce soir, pour vous, tout ce que vous voulez, jusqu’à minuit.

    Elle releva un pan de sa pelisse et je vis qu’elle était serrée dans un corset de cuir noir comme ceux des motards.

      Passez devant !montrez-moi le chemin.

    Je l’invitais à ma suivre dans la chambre en pensant « Sacré Alexandre il en a de ces idées ! » Mais son idée me plaisait.

    Son idée fit glisser la cape et me dévoila un corps élégant moulé dans un écrin de dentelles. Un fouet dépassait de sa botte. Un collier de cuir clouté enserrait son cou. Elle prit l’extrémité d’une laisse qui pendait sur son épaule me la mit dans la main en me disant « Maitre ! Commande je suis à toi, mais rappelle-toi, jusqu’à minuit ».

    Je me déshabillais rapidement pour profiter au maximum de mon temps.

       Allonge-toi et détends-toi.

      Je n’ai encore rien demandé.

      Tu veux d’abord ma bouche ou ma main ?

      La bouche d’abord mais ensuite ton sexe !

      Tu as droit à tout !

    Elle enleva le haut de son fourreau et me dévoila une poitrine blanche comme du lait et soutenue par un demi soutien-gorge qui me projetais deux mamelons appétissants sous les yeux en ne découvrant que le haut des seins. Elle se lova près de moi et sortant le sein droit elle le passa sur mon sexe de sa main droite. Elle le frottait doucement. De l’autre elle prit ma main et la posa sur le gauche. J’étais très troublée, elle se pencha et licha doucement mon membre. Elle me regarda intensément.

     

      Comment trouvez-vous votre gâteau ?

      Il est à mourir de plaisir.

      N’anticipez pas ! Ce n’est pas le plaisir qui provoque la mort. L’avez-vous souhaitée un jour ?

      Comme tout le monde, le plus tard possible.

      Vous perdez du temps en paroles.

    Elle enleva son cache sexe et me montra son sexe qui était complétement épilé à l’exception d’un triangle très haut presqu’a mi ventre. Je regardais assez étonné. Elle vit ma surprise.

      C’est pour toi spécialement. Tu vas m’avoir comme le créateur m’a faite.

    Elle reprit en main mon membre qui mollissait quelque peu puis, devant la mollesse de mon attribut entreprit, en l’insérant dans sa bouche, de lui redonner de la vigueur par un mouvement de déglutition. J’avais l’impression d’avoir pour une fois un membre extraordinaire.

     J’essayais d’enlever son masque pour profiter de la vision de l’instant et la graver dans ma mémoire. Elle se dégagea violemment.

      Méchant garnement ! Elle prit son fouet et me lia les mains très lâches presque symboliquement. Elle me retourna sur le ventre. Elle enleva son corset, le posa sur le lit et m’enserra les bras au niveau des coudes. Je me prêtais au jeu pensant à un stratagème pour ajouter du piquant.

      Voilà tu vas te laisser faire maintenant. Elle sortit de sa ceinture une sangle large et m’enserra les chevilles puis m’immobilisant tout à fait me retourna sur le dos et me dit en rabattant sa cape sur ma tête.

      Pour ta peine tu as droit à un quart d’heure de punition. C’est comme cela avec les méchants garnements.

    Elle s’éloigna de la pièce et j’entendais ses talons sur le carrelage.

    Dans la salle de bain, elle fit couler l’eau dans la baignoire. J’étais plutôt inquiet. 

    Son pas résonna dans le hall. La porte grinça comme quand le vent la refermait lentement puis elle claqua. Du hall je crus entendre des chuchotements. Elle revint dans la chambre accompagnée d’un individu. L’homme portait une cagoule ou seulement les yeux étaient visibles, il m’enfila un sac épais sur la tête. Ma part de gâteau revint de la salle de bain et lui dit « C’est bon ». Il me chargea sur son épaule et m’entraina à la salle de bain.

      Tu crains l’eau froide ?

    Il me glissa dans la baignoire jusqu’ace que l’eau m’arrive au cou puis la dame s’approcha de moi et me dit en enlevant le sac de sur ma tête.

      Je suis la veuve posthume de ton oncle Flavien. J’ai décidé de me venger de l’insulte et de la honte provoquée par ta famille. Vous êtes une engeance de vipères.et j’ai décidé de vous radier de la planète.

    Sur ce l’homme me fis basculer. L’eau envahit mes poumons je suffoquais et lentement sombrait dans l’inconscience.

    Je ne vis pas les deux individus faire un nettoyage sommaire de la pièce l’homme récupéra mes entraves et les glissa dans un grand sac couleur de nuit. La porte claqua la dame partit à pied le long de la rivière quant à l’autre, je perçu le bruit d’une mobylette qui s’éloignait.

    Voilà ce que Léopold aurait pu raconter si les morts pouvaient parler.

     

    J’allais prévenir le commissaire enquêteur de mon voyage à Paris. Il nota Le lieu où il pourrait me joindre au cas où !!!

    En sortant de son bureau, je lui dis comme si j’allais oublier un détail.

      Au fait mademoiselle Saint Gall, Arlette m’accompagne !

    Il me fit signe de revenir.

      Vous l’avez caché lors de votre interrogatoire que vous étiez intimes ! Ça change tout.

      Ça ne change rien ! Quand nous en avons parlé il n’y avait rien entre nous mais votre réflexion m’a fait toucher du doigt l’évidence ! Nous avons plusieurs points en communs. Elle n’est pas si désagréable que sa tenue rébarbative ne le laisse penser. Elle n’est pas insensible aux belles voitures. Et moi j’en ai une superbe !

      Vous parlez de la Saab de gigolo qui est dans votre garage ?

      Vous m’espionnez maintenant.

      Non mais quand on passe en ville à une vitesse frôlant l’infraction, ça se remarque.

      Puis je monter à Paris ?

      Montez à Paris ! Ici c’est la succursale. La maison mère est dans la capitale au 36 sur les quais ! Tout le monde connait.

    Ma voiture ! Une charrette de gigolo ! Et pourquoi pas de hareng ! Je vais m’en débarrasser illico.

      Allo Paul ! Trouve un gigolo et fourgue-lui la Saab !!!

     

     

    Nous fîmes la route d’une seule traite, avec un arrêt environ toutes les heures, pour alterner le conducteur. La petite auberge de campagne où nous nous arrêtâmes avait une odeur de plaisirs champêtres. En finissant un sorbet Arlette me susurra « J’ai envie ».

      Envie de quoi ?

      Que tu me caresse !

      -Ici ! ?

      Non en venant j’ai vu un petit bois et un chemin qui s’enfonce sous les ramures !

     

     

    Paris c’est toujours Paris mais à chaque fois je le trouve différent. Il y a un Paris besogneux, un Paris respectable et un « Paris coquin » !!!

    J’amenais Arlette dans le dernier. Le magasin où je la fis entrer indiquait « Au liseron » « Lingerie de charme ». Je fus séduit par les articles exposés sur les rayons. Arlette était rouge de confusion

      Je ne suis jamais entré dans un endroit pareil !

      Je l’ai bien vu en te dénudant.

    La vendeuse avec un sourire commercial, mais complice, mit ma compagne très à l’aise. Elle suggéra d’abord des bas un peu fantaisie. Puis elle passa aux sous-vêtements. Arlette me les présentaient craintive de l’effet produit. J’acquiesçais ou faisait non de la tête. Avec un certain sourire la vendeuse me dit « Mademoiselle a bon gout ».

      Montrez lui pour aller avec des bas résilles une petite guêpière noire !

      Monsieur a tout à fait raison !

      Nous avons dans nos tiroirs de nombreux accessoires, petits jouets ou colifichets coquins.

      Nous verrons cela lors d’une prochaine visite. Par contre auriez-vous aussi des choses moins habillées mais plus rembourrées de ce côté. 

    Demandai-je avec un geste vers ma poitrine. Pour tous les jours en somme.

      Je vois bien votre exigence mais, cher Monsieur, nous ne faisons que du charme ! Désolé pas de factice. Pour les illusions voyez aux Galeries.

     

    Je sortis avec deux gros sacs aux mains. Le volume découlait de l’importance des emballages et je pensais malgré moi qu’il ne devait pas y avoir plus d’un kilo de marchandise. Nous frisions le prix du caviar.

    Nous passâmes aussi chez un chausseur et je lui fis prendre entre autre une paire d’escarpins vernis noirs avec des talons de dix centimètres.

      Je ne vais jamais pouvoir marcher avec ces chaussures !

      Tu t’y feras ! Mais je pensais « Les gagneuses y arrivent bien alors pourquoi pas une bachelière. ».

    Le lit laissé par Maryse faisait moins d’un mètre. Nous dûmes exercer certains enlacements pour ne pas finir sur la moquette. Je laissais trainer un index primesautier sur la chemise de nuit de ma compagne et à travers l’emmanchure je caressais un de ses tétons  elle répondit à la sollicitation de sa nature et en demi délire me demanda  « Prends-moi ! Maintenant prends-moi vite ».

      Nous avions décidé de ne le faire qu’après notre mariage !

      Peut-être mais j’en ai envie ! Alors prends-moi par derrière.

      En levrette ?

      Non sodomise mois vite j’en ai envie.

      C’est nouveau ça !!!

      Que crois-tu ? Léopold ne s’en privait pas.

      Je vais de surprise en surprise ! Belle famille.

      Tu crois que Léopold était un ange. Il avait pas mal de vices. Il était jouisseur, menteur, fourbe, et dominateur la queue à la main. A part me déflorer il m’a tout fait et encore il a tenté plusieurs fois. Il a essayé de me saouler pour m’avoir.

      Et tu veux que moi aussi je te sodomise comme un vulgaire dévoyé. Si la nature a dévolu à chaque orifice une fonction précise et bien souvent unique c’est pour qu’on les utilise sans dévoiement. Je ne mange pas avec mon œil, je n’urine pas par les oreilles, et je…Hé puis zut !je ne vais pas refaire le monde.

      Il n’y a pas que Léopold qui m’ait fait des choses !

      J’en apprends bientôt  tous les jours!!! Quels sont les sinistres individus ?

       Maitre Sylvestre, notaire, mais avant qu’il soit notaire. C’était le copain de lycée de Léopold. Il venait les après-midi jouer avec mon frère pendant les vacances.

      Ils jouaient à touche pipi ?

      Entre autre, une fois Léopold lui montré ma chambre et mes sou vêtements. Ils ont tout mis dans un sac et quand je suis rentré m’ont proposé de me les rendre en échange d’une branlette chacun.

      On s’amusait comme on pouvait pendant les vacances !

      A cette époque mon frère en échange de mon plaisir se faisait sucer mais aussi il me sodomisait déjà.

    J’ai dû accepter les branlettes mais en échange j’ai exigé de prélever après avec une pince à épiler autant de poils pubiens que je voulais

      Drôle de traitement !

      Je les mettais dans des enveloppes. J’avais celles de mon frère et celles de Gérard pour les intimes.

      Et pourquoi ?

    Pour le plaisir de les attacher nus sur le fauteuil Voltaire de ma chambre. Je leur enfonçais leur slip dans la bouche pour les empêcher de crier Et là, armée de ma pince je comptais : un…deux… trois. Ah celui-là ne compte pas il est tombé sur le tapis ce sera pour la collection de la femme de ménage. !

    Et qu’en as-tu fait ?

      Je te les montrerais !

    Mais comment le Gérard en est-il arrivé pour que tu te laisses prendre.

      Au début je ne voulais pas de lui puis il a commencé par  me promettre des choses, des bricoles des riens. Je déclinais puis j’ai exigé un bijou d’une vitrine en ville mais il n’avait pas d’argent alors il m’a proposé une broche de sa grand-mère.

      Bon début pour un notaire maitre Sylvestre ! Détourner l’héritage du papa. On se fait la main sur la famille et on continue sur les clients.

      J’exigeais qu’ils s’enduisent de crème parfumée. Léopold m’avait prise à sec la première fois. J’ai cru qu’il avait un sexe énorme, trop gros pour mon petit trou-mignon, j’avais eu horriblement mal.

    Je me souviens, ils se passaient mutuellement la pommade en rigolant. Après pendant qu’un m’excitait les seins l’autre s’occupait de mon postérieur. Je ne voulais pas qu’ils restent plus de cinq secondes chacun. Franchement mon plaisir augmentait à chaque changement… La scène durait deux heures. Il est arrivé que Gérard me demande de tenir Léopold et il le prenait. Les deux s’en amusaient beaucoup.  Tout s’arrêtait avant le retour de mon père. En partant Gérard se moquait en disant « ça sent le cul ici ! »

      Qu’as-tu fait de la broche ?

      Je l’ai cachée dans une boite qui avait contenu des cubes. Elle a été rejointe par un bracelet, une chevalière les alliances du couple et tous les bijoux de la maison.

      Et comment l’affaire a pris fin.

      Les domestiques ont été renvoyés.

      Désolé moi je n’ai pas de crème parfumée et mes seuls bijoux je ne veux pas qu’ils finissent dans la boite de cubes.

     

    Je réglais mes affaires en un tout de main. Passait voir mon député européen et le consolait de la perte de sa chef de bureau qui, était partie avec un futur ambassadeur, surement pour savourer dans les réceptions officielles des friandises chocolatées. Mais cela est une autre histoire que je vous servirais lors de votre passage dans ma région. Moralité : Comment faire et défaire hérro.

     

    Nous passâmes le reste du temps à courir la nuit les cabarets, les restaurants et le jour le Louvre. Comme il ne faut pas abuser des bonnes choses, nous fîmes notre baluchon et rentrâmes à Busancy.

     

    Chapitre 5

     

    L’enquête du commissaire piétinait. Des rumeurs circulaient de meurtre d’invertis jaloux. Pourquoi pas cette version !

    J’activais mes affaires et nous nous fiançâmes pour les rois. Arlette avec sa couronne de papier doré avait une mine épanouie.

    Le mariage pour début mai avait été accepté par Hadrien à la seule condition d’un contrat de mariage établis par maitre Sylvestre. Dans ces conditions aux grands regrets de maitre Gérard Sylvestre j’avais changé de notaire.

    Le miracle parisien opérait. Le fait de sentir sur ses fesses une culotte coquine lui donnait de la hardiesse. Même à son travail elle était transfigurée. Chaque fois que je passais la prendre pour un resto ou une simple balade elle prenait des allures de midinette. La sortie finissait dans sa chambre par un strip-tease sur une musique de jazz rapportée de Paris ou sur l’indicatif de la panthère rose. Elle venait déposer sur mes genoux chaque pièce de vêtement en me passant sous le nez celles qui lui semblaient le plus chargées en phéromones. Ce mot lui paressait le moteur de la sensualité. A la fin je la prenais dans mes bras et en la déposant sur le lit, je lutinais ses lèvres qu’elle passait au rouge à lèvres rutilant maintenant.

    Nous avions gardé nos conventions du début : Pas d’intromissions avant le mariage et j’avais ajouté un codicille « Quel que soit l’orifice ». Je la caressais jusqu’à l’apogée de ses désirs. Après elle se permettait quelques fantaisies manuelles pour se faire la main disait-elle. Mais pour son grand plaisir je devais la laisser me sucer et me répandre sur son torse Elle avait pris un certain galbe de sa personne et remplissait beaucoup mieux les divers soutiens-trucs un peu grands lors de l’achat.

    Nous nagions dans le bonheur.

     

    Antoinette dressa la liste de mes invités. J’en rayais la moitié en conservant la princesse et mon père pour éviter les mauvaises langues. Dans chaque rassemblement de famille il y a d’abord les colporteurs de médisances, souvent des calomnies passées dans les coutumes, puis les critiqueurs professionnels mesurant la longueur des cierges aux enterrements. Ils permettent sans preuve de calomnier la maman lors des baptêmes.  « Le papa ne ressemble pas » Na ! Na !na !

    Hadrien voulait faire la noce chez lui. Arlette proposa la maison de la comtesse. Je tranchais ce serait au château des Rouffignac. Je le connaissais bien. C’était une auberge relais de poste qui abritait en semaine les ébats de tout le gratin de la région. Combien de petites secrétaires crédules ou ambitieuses y avaient perdu soit une épingle à cheveux soit autre chose.

    L’évêque avec qui j’avais travaillé sur les chapelles romanes vit l’occasion de mettre en valeur le patrimoine de l’église. Il  proposa la chapelle sainte Ségolène. Elle avait tous les avantages dont celui d’éviter les curieux de Busancy, de plus, elle était près du château de Rouffignac. Les bancs furent publiés.

    Mon préfet de région vint à l’invitation pour se montrer et profiter de la bonne cuisine du château aux frais des Saint Gall.

    Le curé très dans les traditions avait fleuri toute la chapelle de lys blancs grâce à mon chèque. Il pourrait fleurir toute l’église ainsi que le cimetière pendant deux ans. Le sermon fut bref, joyeux et moralisateur. A la sortie de l’église un tracteur routier rutilant et enrubanné de guirlande fit sonner son clackson deux tons plusieurs fois. Le Paul en descendit avec son épouse endimanchée et larmoyante d’émotion. Tout ce beau monde s’engouffra dans plusieurs véhicules enrubannés après le départ des nouveaux époux dans une limousine américaine blanche trouvée par le Paul et « invendable après la dernière hausse de l’essence. »

    Saint Gall avait bien fait les choses. Un quatuor assurait une ambiance feutrée. Une armée de serveuses au garde-à-vous derrière les chaises s’empressait de satisfaire les convives. Quand vint les sorbets un orchestre de jazz remplaça les perruques poudrées. L’ambiance changea, les dames sous l’effet du champagne qui avait dès le début rempli les verres plus vite que les invités pouvaient les vider, les dames donc semblaient enclines à une certaine gaité diffuse. Les messieurs racontaient leurs exploits à des voisines qui devaient penser avec nostalgie aux ébats amoureux de leur nuit de noce.

    La pièce montée, portée par quatre pâtissiers en tenue immaculée, arriva au centre de la pièce. Les nouveaux époux durent sacrifier à la coutume et distribuer les parts du gâteau.

    Quand le bruit des petites cuillères s’affaiblit, Hadrien Saint Gall raide dans son habit tout neuf qu’il portera surement dans quelques mois pour son dernier voyage, Hadrien l’auguste maitre des laiteries, des métairies, des bois, de la scierie et des sujets sur ses terres, Hadrien l’intransigeant, ouvrit le bal en faisant d’Arlette sa fille unique ! Ma femme devant Dieu et demain devant les hommes. Moi je dus faire valser la princesse qui était à moitié biturée.

    Ce bal pour moi fut un calvaire. Antoinette fit avec moi un tour de gambille et me dit « Demain je serai contente ! Enfin à moitié j’avais voulu un autre scénario ».

      J’ai peut-être une finale plus disons… poivrée ».

      Nous verrons !

     Un vieux moustachu me l’enleva pour une valse viennoise menée à la baguette.

    J’étais perdu dans mes pensées en regardant les couples s’amuser sur la piste paraffinée. Roger le fils s’approcha de moi  « Pourquoi m’as-tu amené Maryse.

      Comme pour la boite de spahis pour te faire passer les oreillons ! Que sont devenues ces figurines ?

      A présent elles restent dans leur boite.

    J’espère que tu ne vas pas oublier Maryse dans une boite. Je ne t’ai pas fait un tel cadeau pour que tu lui fasses prendre la poussière. Sache que je pourrais bien le reprendre. Il s’éloigna pour danser avec une fille d’honneur. Antoinette fit un slow avec Hadrien qui était de plus en plus rouge de visage. Elle n’allait pas se farcir le frère ?

     

    Nous dimes « oui !» devant le maire et partîmes en voyage de noce pour les iles grenadines. Nous nous baignions dans une eau à vingt-six degrés. Les natifs nous prévenaient gentiment « Elle est froide ».

      Pour les amoureux l’eau n’est jamais froide. Ils riaient en continuant leur chemin et se retournaient de temps en temps à la dérobée pour nous voir nous embrasser.

     

     

    Chapitre 6

     

     

    A notre retour Perrine était rentrée à la Beauvallon. Nous gardâmes la bonne qui venait tous les matins et réduisîmes la surface occupée. La Saab était partie, remplacée par une berline français-moyen grâce à mon Paul.

    Hadrien pour m’avoir à l’œil, m'avait proposé la place du pauvre Léopold. J’avais décliné la laiterie mais demandé la scierie prétextant que j’étais plus dans mon élément. Hadrien m’affecta au développement des produits. Poste en création. Après une semaine de glandouille dans les ateliers je remarquais qu’il y avait pas mal de chutes de planches qui partaient au rebus. J’établis un tri des chutes en fonction de la longueur En fin de semaine malgré les gants j’avais les mains couvertes d’ampoules j’avais dans un coin du parc un stock d’un peu plus de vingt tonnes de bois. J’abandonnais le tri pour la calculette et la planche à dessin. Le lundi matin je demandais au chef de production de me sortir une vingtaine de demi palettes avec le bois récupéré Le lendemain je passais aux essais. Les chariots élévateurs pouvaient les prendre de face et de profil. Les transpalettes  ne posaient pas de problème pour la manutention au sol.

    Je présentais mon projet au directeur.

    Si mes palettes trouvaient preneur et réduisaient les chutes il était d’accord. Le dernier obstacle était le prix de revient. J’attendais la réponse des services. Le fait de valoriser des chutes qui coutaient pour être vendues aux charbonniers emporta la décision. Mes palettes furent intégrées au catalogue. Elles eurent un certain succès auprès des industries alimentaires pour des expéditions de denrées couteuses.

     

    Le soir je rentrais chez nous. La vie de couple s’organisait. Arlette lisait un moment et venait se blottir contre moi pour une distribution de caresses ou, disparaissant un moment, elle venait subitement gantée, corsetée, perchée sur des hauts talons et effectuait un effeuillage de professionnelle sur des airs parfois lents parfois sur des sambas ou des mambos endiablés.

    Au cours d’une de ces séances elle interrompit la musique et me dit assez remontée

      Sait tu qui j’ai croisé ?

      Je ne vois pas on croise tellement de monde.

      J’ai croisé maitre Sylvestre !

      C’est normal il est toujours fourré dans le centre-ville.

      Il m’a parlé.

      Oui et de quoi ?

      Il m’a présenté à nouveau ses condoléances pour mon frère. Il m’a parlé de la tragédie de sa mort.

      C’est normal ils étaient amis, complices, et même larrons dans leurs mauvais coups.

      Oui eh bien ! Il a évoqué ce qu’il appelle le bon vieux temps!

    — C’n’est pas très délicat d’évoquer vos frasques de jeunesse.

      Devine !?

      Il regrette ?

      Pas du tout ! Il m’a même proposé de nous rencontrer à nouveau pour reprendre !

      Reprendre quoi ? Vos séances de touche-touche !

      Et du reste il m’a dit que maintenant que j’étais mariée, il espérait qu’en fin je n’étais plus vierge. Il pensait que je n’avais plus de scrupules et qu’il aimerait faire connaissance avec la partie de ma personne qui lui restait à découvrir.

      Se doute-il au moins de ce qu’en pense le futur cocu ?

      Il n’a pas évoqué ta personne pour lui tu ne comptes pas. Tu es hors de nos anciens schémas.

      Et que lui as-tu rétorqué ?

       Que je ne joue plus aux petits chevaux de bois ! Il m’a demandé en nous quittant si j’avais encore ma pince à épiler !

      Je vois ! Remets la musique !et passe-moi la crème parfumée.

     

     

    Je rencontrais Antoinette et lui fis part des grosses lignes de mon plan.  Elle approuva l’ensemble et apporta sa touche féminine au projet. Nous décidâmes d’agir pour le salon de l’emballage de Paris ce qui nous laisserait un bon trimestre de préparations. En principe nous avions un stand exposant nos nouveautés et je présenterais ma fameuse mini-palette.

     

    Arlette se déchainait de plus en plus, le soir c’était show, folies-bergères, effeuillage avec musique et lumières d’ambiances. Elle aurait voulu des photos mais il faudrait aller chercher les tirages… Elle renonça. Elle voulut essayer de fumer un joint pour être plus cool mais l’effet fut mitigé.

    Pendant ce temps je préparais mes accessoires pour le grand jour. (Ou plutôt le grand soir).

    Antoinette me fis passer un message discret. Moi, c’est pour demain.

    Le lendemain je prétextais un déplacement chez un client. Arlette me déposa au train de seize heures et j’agitais comme les amoureux mon mouchoir à la fenêtre. Je descendis deux gares plus loin .Antoinette m’attendait devant la mairie dans une voiture de location des plus banale. Je lui montrais le contenu de mon paquet c’était une culotte sexy qu’Arlette avait abondement portée pour la charger de phéromones et des gants de satin noir. Elle me remit un paquet contenant la mémé lingerie mais en propre. J’enfournais ces vêtements dans ma sacoche. Je me mis au volant pour ne pas attirer l’attention des curieux et nous partîmes.

    Le vieux Hadrien vivait seul dans une propriété sur les hauteurs de Busancy. Arlette en était partie pour habiter chez nous.

    Antoinette me montra son accoutrement. Elle était super sexy dans son tailleur noir, son chemisier strict et ses escarpins vernis très Bourgeoisie de sortie. Elle avait des bas noirs et je ne pus m’empêcher de passer une main sous la robe pour en caresser l’origine.

      Après ce sera ta récompense si tout se passe bien !

      Je ne pense qu’à ça !

                            

    Je la déposais devant la propriété et me dissimulais au fond des sièges.

    Hadrien la reçu très seigneur mondain. Il la fit entrer dans une salle à manger rococo. Un repas froid était servi sur une desserte. Il déboucha une bouteille de champagne et remplit deux coupes.

       Voulez-vous trinquer à notre rencontre je ne savais pas que vous étiez à Busancy

      J’y suis incidemment. J’habite plus haut dans la vallée. J’ai une vieille affaire qui traine depuis des lustres. J’espère pouvoir la terminer lors de ce séjour.

      Trinquons au succès de ce projet. Je vous ai remarquée au mariage de ma fille. Il y avait tellement de monde qui vous avait invitée ?

      Votre fille et votre gendre.

      Comme c’est étonnant ils ne m’avaient pas encore parlé de vous.

      Trêve de bavardage nous réservons l’en cas pour après ?

      Si vous voulez nous en profiterons pour faire plus amples  connaissance bien qu’après…

      Montrez-moi le chemin ! Je vous suis.

    Antoinette assit Hadrien sur le lit et se campa devant jambes légèrement écartées. Elle commença à dégrafer sa veste et la posa sur l’accoudoir d’un fauteuil puis, défit son chignon. Ses magnifiques cheveux Blond platinée se rependirent sur ses épaules. Elle enleva son chemisier et fit glisser sa jupe. Hadrien découvrit une belle silhouette de femme à la quarantaine triomphante conservée comme par un élixir de jeunesse.  

       Allonge-toi ! Défait-toi avant !

    Adrienne se retourna pour ne pas gêner son partenaire dans son dévoilement. Elle en profita pour examiner les lieux puis montant debout sur le lit elle montra son sexe a son partenaire. Celui-ci dressa une main vers l’objet convoité pour le caresser.

      Tu vas être le deuxième à en abuser.

      Tu n’as fait l’amour qu’une fois dans ta vie ?

      Et ce n’était pas avec l’homme que j’aimais.

      Tu vas voir, je vais faire tout pour te faire plaisir.

      Tu promets de tout faire pour mon plaisir !

      Tout !

      Ferme les yeux ! 

    Elle s’accroupit entre ses jambes et commença une fellation.

    Hadrien se laissait faire ! Tout au plaisir qu’il sentait monter. Adrienne s’arrêta et le finit à la main Hadrien protesta.

      Tu avais promis de me faire l’amour ! N’importe quelle salope en aurait fait autant.

    Antoinette s’était relevée et la main poisseuse se dirigea vers son sac elle s’essuya dans la culotte et le gant que je lui avais fourni et les lança devant le lit. Puis enfilant à nouveau ses gants elle saisit le tisonnier de la cheminée à deux mains et de rua sur son partenaire. Sous l’assaut celui-ci se retrouva le tisonnier sur la gorge Il grogna « Pourquoi ! Que veux-tu me faire ? ».

      Je suis Antoinette Prunier. Celle que ton frère Flavien a mise enceinte, celle à qui ta famille de parpaillots a refusé de reconnaitre le fils, celle qui a porté la honte et qui aurait mérité au moins l’indulgence. Celle qui va te prendre ta vie comme elle a pris celle de ton fils et bientôt celle de ta fille ! Pour t’envoyer en enfer rejoindre les tiens qui doivent déjà y bruler .Je ne te laisse pas le temps de te repentir, il ne te servirait à rien. Tu voulais tout faire pour mon plaisir ! Alors crève !

    Elle s’arcbouta sur le tisonnier qui enfonça la gorge de l’avant dernier Saint Gall. La violence était telle que la pince se courba Pour plus de sûreté elle alla chercher la bouteille de champagne et l’enfonça dans la bouche ouverte du mort. Un liquide rougeâtre et moussant se rependit sur l’oreiller.

    Toute tremblante elle alla ouvrir la porte. Je m’engouffrais dans la maison. Et aves elle passait en revue tout ce qu’elle aurait pu toucher. J’escamotais les coupes de champagne, certains mets dans les assiettes des serviettes qui me servirent à tout essuyer. Dans la chambre la dépouille d’Hadrien gisait déshabillé, le sexe à l’air, le tisonnier en travers de la gorge. Antoinette se détourna de la vision sauf au moment de quitter la pièce. Elle me demanda

    __ Il est bien mort ?

      Il refroidit déjà !

     

    Nous montâmes dans la voiture. Je démarrais en douceur et roulait sans bruit jusqu’à mon ancien appartement. Il était vide. Antoinette, la propriétaire, m’avait laissé les clefs pour servir dans des situations de ce genre. Je déposais Antoinette et rangeais la voiture dans la rue de derrière.

    Je vidais le sac aux restes de la soirée j’avais pris quelques nourritures pour faire croire que le repas avait été entamé. Nous nous installâmes dans la cuisine. Celle-ci était apparemment délaissée sauf qu’il restait dans les placards tous les ustensiles. Je déballais les aliments embarqués là-bas. Antoinette ne voulut pas se restaurer.

    Je l’amenais dans la chambre. J’enlevais le haut du tailleur noir. Quand vint le tour du chemisier, je l’entrouvrais et enfonçais ma tête entre ses seins. Je humais son parfum. Je retrouvais les fragrances de ma jeunesse, les senteurs des vêtements que je volais le soir et qui passaient la nuit sur mon oreiller et que j’allais remettre en place au matin.

    Je dégageais un sein et passais ma langue sur le quignon. Le premier  désire de mon adolescence, désespoir de mes nuits pubères.

       « Pas ce soir !».

      Tu pourras faire ce que tu veux ! Souviens-toi de ta promesse !

      Pas ce soir ! Mais le ton n’était plus assuré.

    Je fis tomber la jupe et me reculais pour saisir la vision d’ensemble. Les escarpins vernis, les bas, la culotte, et le soutien-gorge qui laissait émerger un sein opalin et affleurer une aréole de l’autre côté. Je l’entraînais doucement malgré ses protestations.

      Tant pis ! Venge-moi de ton père et de ma garce de sœur. Donne-moi le plaisir qu’ils m’ont soustrait.

     

     

      On meurt beaucoup de mort violente ces derniers temps  dans votre entourage. Ça tourne à l’hécatombe ! Méfiez-vous vous pouvez être le prochain !

      Monsieur le commissaire, vous me faites peur.  Mais vous m’en voyez navré toutes ces épreuves perturbent mon épouse. Si une certaine malchance poursuit sa famille j’ai la lourde tâche d’assumer toutes les formalités et démarches pour soulager sa douleur. Nous nous retrouvons aussi avec les usines et les ateliers sur les bras et moi je n’ai pas la compétence pour tout gérer.

      Vous vous être distingué à la scierie.

      Vous étiez derrière moi. ? J’ai tout juste mis au point une mini palette pour passer les chutes des ateliers.

      Quand même il faut de l’idée !

      Ou en est l’enquête pour la mort de mon beau père.

      Nous sommes à la recherche d’une femme. Nous pensons à une professionnelle mais je n’ai rien dans mes fiches qui pourrait correspondre. Elle a laissé de la lingerie souillée. Nous essayons de remonter les pistes. Quant à la méthode disons que c’était une mise à mort. Je penche pour la vengeance d’une femme. Une maitresse délaissée peut être !   

      Ces deux enquêtes autour de la famille Saint Gall m’intéressent au plus haut point. Enchanté de les suivre et de disséquer les rouages de cette famille respectable et de leurs travers. Savez-vous que mes parents ont occupé une métairie des Saint Gall pendant vingt ans !

      Oui !je pense que vous deviez connaitre cette noble famille.

      Exact je les ais appréciés à leur juste valeur. Mon père a été disons remercié du jour au lendemain sans explication. Mes parents se sont retrouvés sans le sou à Teilleu  et au bout de six mois mon père s’est pendu.

      Désolé je compatis à votre chagrin.

      Il a été se pendre au portail de la propriété du père Hadrien. C’était son testament.

      C’est dramatique.

      Oui dramatique. Le jour où j’ai été appelé pour son enquête, j’aurais tant aimé que mon père soit avec moi pour les premières constatations.

      Je vous comprends !

     

    Arlette était éplorée. Deux décès en peu de mois et des morts violentes affligeait son moral elle ne voulait plus sortir en prétextant qu’elle était en deuil. J’essayais de lui amener des friandises mais elle les oubliait sur un meuble et c’était la femme de ménage qui s’empiffrait. Des fleurs ! Elle voulait les porter au cimetière. Pour ma part je n’en pouvais plus j’étais débordé par les affaires du vieux. Il devint nécessaire qu’Arlette prenne en main sa succession. Maitre Sylvestre se débattait avec trente dossiers délicats du fait du décès de Léopold.

     

    J’avertis Antoinette de presser notre dernière étape. Elle me retrouva à l’appartement. Nous avions l’excuse pour s’y retrouver, moi locataire elle propriétaire. J’essayais de l’embrasser mais elle se détourna.

      Soyons sérieux ! A ce stade nous n’avons pas le droit à l’erreur. Quand l’opération sera amorcée, je viendrais habiter ici. J’ai un véhicule dans le garage. Tu prends maintenant tes accessoires. Ne te trompe pas de paquet. 

     

    Arlette me raconta sa journée. Elle se débattait pout obtenir le certificat de décès de Léopold

      Pauvre Léopold ! Je m’étais mis à la recherche d’un véhicule tout terrain. Tu aurais pu lui offrir pour son anniversaire !

      Gérard m’a parlé de lui.

      Quel Gérard ?

      Le notaire ! Je l’ai vu cet après-midi et il m’a encore demandé si je voulais reprendre avec lui !

      Essaye plutôt d’activer la succession et nous en prendrons un nouveau. Il y a un petit jeune qui vient d’ouvrir une étude près de la cathédrale ! Si maitre sylvestre doit t’importuner.

      Il ne m’importune pas mais il sourit béatement ! En me raccompagnant, il  m’a même caressé la croupe en me disant « de mieux en mieux ». Mon postérieur l’intéresse encore.

      Et toi est ce que les pratiques de maitre Gérard t’importunent.

      Pas vraiment il essaye de se rendre intéressant.

      Serait tu intéressée pour reprendre vos parties de chatouillis, vos bouche-moi-ça bouche-moi-là

    — C’n’était pas sérieux. Il sait bien que je vais refuser. C’est une plaisanterie ! Il n’oserait pas !

    — A ta prochaine entrevue propose-lui pour voir une petite branlette ici. Je vais planquer un caméscope dans la chambre et nous serons tranquilles après qu’il aura une copie de ses exploits.

      Il va refuser.

      Je vais à Clermont mardi après-midi s’il accepte invite le vers cinq heures. Moi je vais dissimuler l’appareil. Tu lui offriras du champagne. On m’a donné un coffret avec deux flutes. C’est du basique ce sera parfait pour l’occasion.

      Je pari qu’il refusera.

      Qui vivra verra !

    Il ne refusa pas !

     

     

    Chapitre7

     

     

    L’intelligence des gens devrait leur servir à éviter les bévues pour les plus vertueux et à les voir pour les autres, quant aux imbéciles ils y courent avec délectation pourrait-on croire.

    Maitre Sylvestre ! Gérard pour sa famille et ses amis. Avait tout d’abord été surnommé « Freinauvent »par ses camarades de promotion, à cause d’oreilles volumineuses orientées à quatre-vingt-dix degrés. Les potaches percevaient mal son comportement de « Premier-de-la-classe ». Après une intervention chirurgicale payée par sa maman qui se désolait d’avoir légué à son roudoudou de fiston cette malformation congénitale. Elle caractérisait la branche maternelle de sa famille. Freinauvent fut affublé du sobriquet de « Cul-blanc » après avoir été attaché, au mat des couleurs, pantalon baissé, dans la cour de l’école, par ses camarades de promotion. Chacun à son tour trempait son doigt dans un pot de moutarde forte et badigeonnait le postérieur de la victime en disant « L’onction des Quintessences te fait entrer par le postérieur dans la confrérie des seigneurs »

     Cul-blanc donc ne coupait pas à la règle. Aveuglé par ses passions et gouverné par des penchants que les hommes appellent faiblesse, donc Cul-blanc en traitant les dossiers de ses clients ne pensait qu’aux débauches de sa  jeunesse et à les amplifier. Alors, quand Arlette vînt dans son périmètre de travail, les ardeurs de ses ébats revinrent en bouffées enivrantes et le Gérard boutonneux ne pouvait s’empêcher de croire que mon Arlette consentirait à reprendre leurs ébats. Le bon sens aurait dût le guider quand, deux jours plus tard, le Maitre Sylvestre raccompagna vers la sortie de son étude mon Arlette. C’est le Gérard boutonneux qui en lui caressant la croupe lui dit :

      Alors ! On se fait un petit tête-à-tête un de ces jour ?

      Tu en es toujours à ces petits jeux ! Tu n’as personne pour étancher tes ardeurs.

      Avec mon épouse nous nous sommes séparés voilà cinq ans et depuis je suis seul dans mon désert.

      Et tu veux que je fasse le dromadaire dans ton Sahara. Tu n’as cas te soulager toi-même comme tout adolescent on appelle cela pudiquement « un plaisir solitaire ».

      Je verse dans la neurasthénie je n’ai même plus gout à mes fonctions.

      Passe me voir vendredi vers cinq heure Alexandre sera en déplacement à Clermont.

     

    A dix-neuf heures le vendredi Arlette vint me prendre à la gare.

      Ça a marché ?

      Il a plus que marché! Il a couru.  Je lui ai parlé du salon de l’emballage. Il veut que je passe la nuit chez lui.

      J’ai fait comme tu m’as dit j’ai allumé la lampe !

      Je pense que la commande à distance a fonctionnée.

      Entrons vite voir les résultats de l’enregistrement !

    Les résultats étaient très clairs.

    Maitre Gérard, sur mon lit perché,

    Se faisait suçoter ! Devinez quoi ?

    Avec une désinvolture qui me choqua

    Il prenait ses aises dans mes draps.

    Mais le pire c’est qu’il renversa mon épouse et entreprit de la sodomiser malgré de faibles protestations

    Il préférait l’envers à l’endroit

    Comme un vieux pervers je crois

    Ma Dame ne resta pas de bois

    Et à la fin elle se pâma.

      Je n’ai pas pu l’empêcher ! Le con il m’a prise à sec et il m’a fait mal. Il m’a écorché avec son sexe cartonné par de continuelles branlettes.

    Je vais le prendre par sa cravate (de notaire)

    Et le cogner à coups de lattes

    Pour lui faire passer l’envie

    De venir me pourrir la vie.

      Tu vois cela! Quelle irrévérence.

    __Tu n’as pas éprouvé un certain plaisir ?

      Il m’a rappelé des choses et pour être sincère j’ai eu du plaisir.

      Nostalgique ?

      Ce qui m’existait le plus c’était quand Léopold et lui me prenaient ensemble. Si tu voulais un jour peut-être nous l’inviterions pour essayer !

      C’est cela une fois lui une fois moi, une fois à l’huile, une fois au beurre, cinq secondes, dix peut être. Tu aurais de plus amples vibrations !

       Je disais cela pour parler, tu me demande si j’ai eu du plaisir je te réponds oui et plus si affinités

      Et, as-tu procédé à l’épilation du délinquant.

      Je n’en ai pas eu le temps il fallait venir te chercher à la gare.

    J’allais remettre les coupes de champagne dans leur étui cadeau. Je planquais la boite dans mon bureau et je les remplaçais par deux coupes propres que j’humectais de quelques gouttes de ce qui restait de champagne.

    Arlette vint me rejoindre dans la chambre.

      On fini la bouteille !

      Pas cette bibine !

      « Il n’était pas si mauvais que cela ! » Et elle s’en resservit deux coupes d’affilée.

      Arrête tu vas être malade.

      Non ! Très excitée viens me faire l’amour ! Mais pas comme ce sauvage.

     

    J’avertis Antoinette. Elle m’attendait dans mon ex logement Elle était vêtue d’une robe de soie vert anglais qui mettait en valeur ses longs cheveux. Je passais une main sous le tissus et m’enivrait de la douce chaleur que je ressentis je pris ses lèvres elle les abandonna. Je l’entrainais dans la chambre. La robe fit une tache verte sur le parquet. J’aime assouvir ses vengeances.

    Bien plus tard nous miment les montres à l’heure pour ainsi dire. Tout allait bien comme le plan le prévoyait. Elle devait passer me prendre à Paris.

     

    Antoinette me rapporta un appareil photo polaroïd d’Amsterdam où elle achetait tous nos accessoires pour nos représentations.

      Tu voulais des photos ! Fais les faire par Gérard, avec cet appareil le développement est instantané. Tu n’auras qu’à lui faire ton effeuillage. Apporte aussi le disque de mambo il va être ravi.

      Mais c’est sensationnel ! Viens ! On fait les photos tout de suite !

      Je n’ai qu’une pellicule mais nous avons mieux avec le caméscope.

     

     

    Dans le train je musardais au wagon bar. Je remarquais une grande blonde pas vraiment belle et l’air de s’ennuyer. Je ramenais mon verre près du sien.

       Buvons ensemble le trajet sera moins lassant

      Si il y avait que le trajet de lassant dans la vie ….

    Je lui proposais de passer me prendre au salon pour lui faire visiter mon emplacement. J’aurais un alibi par les témoignages de mes confrères sur le stand.

     

    Après un apéritif dans une brasserie Je liquidais la blonde avec une promesse ferme de rendez-vous ultérieur Je lui avais susurré pour l’émoustiller « Au revoir la madone des sleepings ». Elle me laissa une carte parfumée avec son numéro de téléphone et son prénom  « Virginie » Tiens donc ! Elle n’avait rien de virginal. On voyait la voluptueuse à cinq pas et la jouisseuse dans les hôtels discrets entre cinq et sept.

    Je m’engouffrais dans la cinq-cents quatre d’Antoinette.

      Tu as une demi-heure de retard !

      Je me suis constitué un alibi en béton.

      Il ne serait-il  pas plutôt en jupon.

      Exact et il est parfumé je présume au Channel.

      Un faux Channel !

    Je perdis le peu d’estime que j’avais pour Virginie. Dans la semaine j’avais laissé ma mobylette rouge « Mais non grise ! La rouge c’était un peu ma carte de visite ». En résumé j’avais en attente près de chez le notaire un engin banal avec un mahous antivol pour décourager les emprunteurs. Antoinette s’était assurée très tôt le matin qu’il était toujours en place. Pour ma part, pendant que notre notaire faisait l’important au conseil municipal, j’avais chatouillé la serrure de la porte du jardin Celle de la buanderie qui était derrière la maison ne me résista pas. J’avais fait un petit parcours interne pour m’assurer que le chemin était libre comme à l’époque où Antoinette l’utilisait pour aller à sa chambrette.

     La coccinelle de mon Arlette était devant la porte de l’étude. J’étais là embusqué dans l’escalier l’oreille en alerte. J’entendais confusément des rires et des exclamations. Je comptais les éclairs de flash, huit, neuf ce devait être la pantomime dans la chambre. Je m’approchais encore plus. Dissimulé dans l’ombre du palier je voyais l’intérieur de la chambre. Arlette, partiellement nue, se trémoussait aux rythmes d’un slow. Elle enfila ses escarpins dans ses mains et faisait mine de marcher sur les mains. Gérard avait posé le polaroid et s’apprêtait, le sexe en main à la suivre sur le lit quand il trébuchât.  Il se retint à la nappe d’un guéridon mais celle-ci entrainée rependit à terre son contenu. Le puissant narcotique imprégnant les coupes faisait son effet. Il réussit à faire deux pas et se retrouva à genoux devant son lit la tête sur la courtepointe. Il vomit au coin et ne bougeât plus. Arlette s’était affalée sur le ventre en travers du lit et dans les vapes balbutiait des onomatopées.

    Je fis le tour de la pièce et repérait les flutes de champagne contenant le narcotique cristallisé au fond .Je les emballais soigneusement dans mon sac et les remplaçais par celles de la séance du notaire chez moi. La scène était très explicite, des vêtements un peu partout, du champagne. Je renversais la bouteille pour faire plus orgie. Je ramassais le bas résille qui trainait sur le dossier d’une chaise. J’en fis deux tours autour du cou d’Arlette. Je serais  progressivement en tordant les deux extrémités. Je comptais jusqu’à cent et pour plus de sureté, encore cent avant de lâcher le bas. Je me reculais et fis un tour d’horizon. Rien ne clochait. Puis j’allais chercher le Gérard complétement anesthésié et le déposais hors de sa demeure dans la remise du jardin. Je veillais à ce que toutes les portes de la maison ne puissent s’ouvrir que de l’intérieur et m’enfuit sur mon engin dans la nuit avec mon ballot sur le dos.

    Je retrouvais Antoinette et chargeais la mobylette dans le coffre le guidon dépassait mais avec un tendeur je fixais le coffre. Antoinette sans un mot démarra le véhicule et nous bondîmes vers Paris. Du côté de Sancerre nous abandonnâmes la mobylette près d’un campement de nomades après lui avoir passé un coup de chiffon imprégné de solvant.

      Nous voilà débarrassés de cet engin.

      Pense -tu j’en ai encore une à Zagreb et une à Istanbul qui m’attendent.

    Au matin à six heures je rentrais à mon hôtel. Le portier me vit faire de loin de multiples adieux à une dame. Il ne manquera pas de s’en souvenir si on l’interrogeait.  J’avais presque tout fait pour.

     

     

     

    Chapitre dernier  (Si l’histoire ne va pas plus loin)

     

    Le poste de police du salon vint m’avertir vers les dix heures. Je devais prendre contact d’urgence  à Busancy avec mon commissaire.

      Du nouveau dans vos enquêtes ?

      Non mais une enquête de plus. Votre femme est décédée.

      Un accident ? Elle roule très vite depuis quelques temps.

      Non, je ne puis vous en parler comme cela. Laissez votre salon et passez rapidement.  

      Mais comment est-elle morte ?

      Si vous tenez à voir ! Vous verrez. Venez vite, je vous attends.

    Je pris le premier train pour Busancy. Une voiture de la police avec mon inspecteur m’attendait. Tout en roulant l’inspecteur me demanda.

      Que faisiez-vous cette nuit.

      Cette nuit je dormais.

      Pas dans votre chambre !

      Comment pouvez-vous dire cela ?

      On a interrogé le gardien de nuit il vous a vu rentrer. Raccompagné en voiture par une dame

      Eh bien oui j’ai fait une rencontre et…

      Jeune marié et on prend du bon temps !  

      Les circonstances.

      L’eau claire, l’herbe verte !

      Loin des yeux loin du cœur. Ma femme n’en aurait rien su.

      Tout se sait ! La preuve.

    Le commissaire passa d’abord chez moi. Il fit une inspection minutieuse des lieux surtout dans l’armoire d’Arlette.

    Il disposait la lingerie sur le lit bien précautionneusement, inspectait les étiquettes, prenait des notes. J’assistais muet et inquiet .De temps en temps je demandais :

       Que s’est-il passé ? Elle est dans quelle pièce ?

      Elle n’est pas morte chez vous !

    Il continuait ses investigations dans la commode. Au passage il admirait les galbes du mobilier

      On ne voit pas de si beaux meubles partout.

    C’est du Guimard !  Hector Guimard.

    Très beau félicitation.

      Vous n’êtes pas là pour me féliciter. 

       Je suis là pour…Tiens-tiens ! C’est quoi cela ?

    Il était tombé sur une boite de cubes d’enfants. En l’ouvrant des enveloppes tombèrent par terre découvrant quelques bijoux anciens, des pinces à épiler, des rubans de soie. Je m’avançais intrigué par la découverte.

      Vous avez déjà vu ça ?

      Non je ne fouille pas dans les affaires de mon épouse.

      Tiens Gérard, Léopold. C’est rempli de…des poils Permettez que je passe tout cela au labo.

      Si vous le jugez bon j’aimerai être éclairé sue le décès de mon épouse.

      On a retrouvé son corps chez maitre Sylvestre.

      Elle y allait souvent après le décès de son père.

      Elle ne devait pas parler de cela au moment de sa mort.

      Mais comment est-elle morte ?  Une chute, un accident.

      Elle est morte étranglée dans la chambre de Maitre Sylvestre.

      Il a essayé de la violer alors! Le salop !

      Non ! Ils ont sablé le champagne et fait une série de photos déshabillée avant.

      Je ne vous crois pas.

      Vous verrez les clichés de la scène du crime. C’est tout aux pièces à convictions. Elle a été étranglée avec un bas comme dans les bons polars.

    Je m’effondrais dans le fauteuil et me mis à sangloter.

      La mère de mes futurs gosses !

     

     

    Maitre Sylvestre eut beau se débattre et nier l’homicide il ne reconnut que les frasques de la soirée et les récréations de jeunesse. Il chargea un maximum Léopold qui ne pouvait plus démentir. Il omit le viol répété sur Arlette mais désigna Léopold comme le meneur. La juge l’inculpa. Quant au commissaire il eut de forts soupçons quant à la participation d’Arlette au meurtre de son père et peut être celui de son frère. La lingerie retrouvée dans la chambre du père le laissa perplexe.

      Je vous ai soupçonné un moment du meurtre de votre ami, mais votre mobylette en pièces détachées dans votre garage, et le témoignage d’un ancien gendarme…

      J’aimais bien Léopold, j’allais lui faire offrir par sa sœur un 4x4 japonais super agréable à conduire.

      Qu’allez-vous faire maintenant.

      J’aimerai un maximum de discrétion sur ce drame pour enterrer paisiblement mon épouse et après !!!

      Je vous promets avec le juge de ne laisser filtrer que le minimum.

      Pouvez-vous détruire la pellicule des photos de cette triste nuit. 

      C’était du polaroïd, il y a tellement de pertes de scellés dans une enquête, j’étoufferai ces pièces

      Merci.

     

    Je rentrais chez moi. La femme de ménage était en larme.

      Madame ! Madame ce n’est pas possible. Mourir si jeune ! Je ne peux pas m’y résoudre.

       Vous vous entendiez bien ?

      Oui Madame était très gentille avec moi ! Monsieur va il me garder ?

      Oui ! Pour l’instant j’ai besoin de vous. Votre chambre vous pourrez la garder mais je préfèrerai que voue en trouviez une dans le quartier pour éviter les commérages. Vous laisserez vos  petites affaires ici.

      Comment Madame est-elle décédée ?

      Elle a été étranglée.

      C’est horrible ! Elle avait un si beau cou.

      C’était aussi le sentiment  de maitre Sylvestre !

      Ce doit être terrible d’avoir le cou serré jusqu’à en mourir.

      Donnez-moi un bas je vais vous montrer.

      Monsieur ! Vous le feriez vraiment ?

      Je plaisantais, mais madame n’aurais jamais du enlever ses bas chez maitre Sylvestre.

      Elle avait enlevé ses bas ?

      Même le reste.

      Pas possible. Remarquez que Madame avait des dessous…

      De nos jours toutes les femmes ont des dessous. Vous par exemple ?

      Moi je n’ai pas les moyens qu’avait madame.

      Vous n’êtes pas nue sous votre blouse ?

    La demoiselle rougit, respira deux pu trois fois et me dit :

       « Si ». Monsieur ! Vous savez madame était un peu originale. Elle m’avait demandé de travailler sans sous-vêtements.

    Et pourquoi cela ?

      Madame me faisait des choses.

      Comment des choses ! quel genre de choses ?

      Des choses que je n’avais jamais faites

       Racontez-moi ça !

       Elle a commencé un jour que je passais l’aspirateur dans le grand bureau. Elle m’a fait venir près d’elle. Elle m’a dit que je sentais

      Vous sentiez quoi

       Les phéromones. Moi je ne savais pas ce que c’était, je lui ai dit que je prenais une douche tous les matins elle m’a dit que c’était très bien. Elle m’a fait enlever ma blouse et est venue me renifler les aisselles puis elle a passé sa main dessue et l’a léchée en me disant que j’avais de bonnes phéromones. Le lendemain, j’allais passer l’aspirateur dans votre chambre, elle m’a arrêté et m’a demandé de mettre ses sous-vêtements pour les charger en phéromones. J’ai obéi malgré que du côté poitrine j’en ai plus que madame elle n’a pas voulu que je remette ma blouse pour passer l’aspirateur.

      J’aurais voulu assister à la scène.

      Monsieur ! J’étais très gênée. A la fin elle m’a déshabillée  et elle a commencée à récolter ses machins ferrochose sur ma peau. Quand elle voyait une goutte de sueur elle la léchait. J’étais toute chose, moi quand on me touche !… Mais si on me lèche. Madame s’en ait aperçue et m’a fait allonger sur le lit et elle m’a caressée jusqu’à ce que mon plaisir m’envahisse. Elle m’a demandé de ne plus rien mettre sous ma blouse sauf certains de ses vêtements. Moi j’ai dit à madame que je ne voulais plus me laisser faire elle m’a répondu qu’elle serait obligée de se passer de mes services et qu’elle trouvera d’autres domestiques qui seront moins regardantes et qui au contraire seront heureuses de prendre du plaisir pendant le travail. Malgré moi j’ai dû accepter, alors elle m’a fait me rallonger sur le lit et, elle m’a encore fait obtenir du plaisir.

      C’est tout ?

    —Comme ça l’avait excitée elle m’a demandé de lui lécher…le pompon. Elle a pris du plaisir à me faire la regarder dans les yeux pendant. Elle m’a dit que ses phéromones étaient de première.

    —Ce n’est pas bien grave. Les jeunes filles s’amusent souvent à ces petits jeux pour s’affirmer leurs sensations. Si vous en êtes resté là !

      Non monsieur. Le lendemain après l’aspirateur, elle m’a, non je n’ose pas vous le dire j’ai trop honte.

      Au point où nous en sommes ! Je savais madame portée sur le sexe.  Nous sommes tous plus ou moins portés sur le sexe c’est le moteur du monde.

       Oui mais des fois c’est trop.

      Et pourquoi trop pour madame ?…Bon continuez j’en ai entendu d’autres.

      Le lendemain  après m’avoir stimulée jusqu’à l’excitation, elle a sorti  une ceinture avec un appareil qui avait la forme d’un sexe. Elle m’a dit que c’était son frère qui s’en servait pour jouer. Elle me l’a enfilée et m’a fait lui faire l’amour par son derrière. Je devais aussi lui pincer les mamelons jusqu’à ce qu’elle ait mal. « Plus fort ! Plus fort ». Elle tirait mes cheveux pour me coller à elle et me faire pincer encore plus.

      Je connais cette pratique, elle en était très friande, puisqu’il faut parler au passé.

      Elle a voulu m’y faire aussi, mais je n’ai pas voulu, je suis catholique et notre curé nous avais dit que c’était l’enfer assuré.

      A ce jour je suis veuf. Je vais me sentir seul. Vous êtes mignonne. Je vais avoir besoin de tendresse et si vous n’y voyez pas de désagréments, je vous promets de ne pas aller à la recherche de phèro-machins. Vous pourrez tout compte fait continuer à loger ici.

    Si vous voulez montrer le petit déjeuné demain matin, pour deux, nous le prendrons ensemble.

     

    Le nouveau notaire qui reprit la charge de maitre Sylvestre fut très heureux de prendre soin de mes dossiers. Il me remerciât et travailla presqu’exclusivement pendant trois ans pour moi. S’il avait su à qui il devait sa clientèle !

     

    Je fis don des bois à Roger. Je vendis les fermes au même consortium qui avait acheté nos terres. Je partageais les parts entre les ouvriers de la laiterie de ceux de la scierie ce qui me fit passer pour un demi dieu auprès du petit peuple et pour un dangereux bolchevique par le patronat du canton. Je mis en vente le château de la comtesse mais à ce jour il n’a pas trouvé preneur.

     

     

    Antoinette était passée en Espagne puis en Argentine. C’est un des pays qui n’a pas d’accord d’extradition avec la France. J’y transférais mes avoirs et la rejoint après un périple en Turquie.

    Je la retrouvais dans une hacienda dans un coin magnifique. Elle me sauta dans les bras et je l’embrassais longuement.

      J’ai une surprise !

    Maryse toute souriante entra dans la pièce.

    Antoinette mis la main de Maryse dans la mienne en me disant.

      Cette petite dépérissait loin de toi. J’ai décidé de te partager avec elle et tu ne peux refuser.

      Mais Roger ?

      Ce gros nigaud  a tiré toute la bêtise des Saint Gall. S’il ne sait pas apprécier ton cadeau, tu es en droit de le reprendre Et comme c’est moi qui te l’offre maintenant !

      Et c’est bien beau mais comment allons-nous nous organiser ?

      J’ai prévu un grand lit ! Mais pour ce soir, je vous laisserai faire votre nuit de noces tranquillement dans l’intimité.

     

    Chapitre après le dernier chapitre

     

      Si vous voulez m’écrire en Argentine pour prendre de mes nouvelles, dispensez-vous de faire des frais d’affranchissement pour l’étranger. Un simple timbre de service intérieur suffira. Pour l’adresse : Alexandre Maillard, Cellule 303 Prison de Royat.

    Hé oui ! Revenez un peu en arrière ! Le caméscope ! Je suis passé sans le voir dans la chambre du Gérard. C’est le petit commissaire qui l’a découvert deux mois après le drame. Il allait simplement faire un tour pour remettre les scellés sur la porte. Le nouveau notaire, désigné par le ministère, pour reprendre les affaires de maitre Sylvestre, les avait brisés.   

    Le petit commissaire s’est malencontreusement pour moi attardé dans la chambre tragique. Méditant sur le pourquoi des choses quand, un léger cliquetis répété  continuellement attira son attention. Le caméscope en fin de cassette réclamait seulement une nouvelle pellicule.

    La projection de la bande édifia notre commissaire sur mon rôle dans ce drame. La découverte d’une cinquantaine de cassettes avec des noms de dames du beau monde de Busancy et des environs édifia encore plus notre commissaire. Il prit aussi beaucoup d’intérêt à visionner celle au nom de son épouse. 

    Mon avocat commis d’office m’a conseillé de plaider la jalousie maladive et la rage devant le tableau du notaire lutinant ma jeune épouse.

     

    Ce brave commissaire, après mon arrestation me croisa dans les couloirs du palais. Je sortais de chez la juge entre deux gardiens. Il fut signe aux gendarmes de s’éloigner et il m’entraina dans un angle discret.

      Si j’avais eu les moyens et le temps j’aurais surement pu démêler l’écheveau et remonter à la source de ces affaires. Je ne suis pas Javert, et les dossiers s’entassent sur mon bureau cependant je n’aurais qu’un regret « Ne pas connaitre le fin du fin mot de l’histoire ».

      Un jour peut-être le saint esprit vous éclairera.

      Qui sait dans vingt ans il y aura prescription et je serai à la retraite.

      Qui sait ?

      Allez faire du gras dans votre cellule ! Et comme disent les bretons « Kenavo ».

     

     

    2 éme partie

     

    Fantasia au manoir de l’horreur

     

    Chapitre premier (comme François)

     

    Moi, Alexandre Maillard, Cellule 303 Prison de Royat, je tourne dans ma geôle depuis trois trop longs mois. Je ne peux avoir de visites que de Maryse qui se fait passer pour ma sœur. Elle me parle des cartes postales que lui envoie Antoinette sous des noms divers pour dire où elle passe dans sa fuite. Elle ne sait pas si elle est recherchée par le petit commissaire et par Interpol. Maryse s’occupe de me passer le nécessaire pour que je survive. A chacune de ses visites je lui demande de me faire passer une lime. Elle me sourit tristement et me murmure.

    — Si je pouvais.

    —Vois jules.

    —Je te promets.

    Elle fait tout pour me remonter le moral et ça marche jusqu’à la veille de sa prochaine visite où je me dis « Et si elle avait un empêchement ».

    Je passe mon temps comme je peux en attendant mon procès. J’ai commencé par faire des lettres à un puis deux détenus. Les gardiens aussi usent de mes services et m’installent une petite table dans le couloir devant ma cellule. Je donne des conseils, des consultations. Des fois il me faut consulter un code ou un ouvrage de référence. C’est les gardiens qui vont dans les bibliothèques se les procurer pour le bien de tous. Ils sont les premiers à se louer de mes services car mes lettres d’introduction leurs ouvrent les portes des zéniths. Sans me vanter combien de fils ou de fille de gardien j’ai fait embaucher, Combien de compagnes de détenus ont trouvé un petit boulot dans des places inespérées, juste en présentant un mot de moi. Malgré le confort que cela me procure je suis comme dans une chape de béton.

     

     

    Un matin deux gendarmes présentent une lettre de transfert immédiat aux greffes de la prison Le directeur viens aux nouvelles et les gendarmes lui font entendre que j’aurais malgré mon incarcération des activités répréhensibles aux yeux de la loi. Le directeur s’étonne modérément sachant les nombreux courriers que j’expédie, il se sent blâmable. Le brigadier- chef  lui dit qu’une enquête administrative va être diligentée. Tout le monde est aux cents coups. On me prévient, je ramasse à la hâte mes quelques affaires et me voilà entre les deux guignols.

    Je suis menotté, embarqué dans une estafette et, en route.

    Nous sortons de Royat. Le véhicule tourne soudain à droite et s’enfourne dans une grange qui se referme. Le brigadier allume une lampe m’enlève les menottes Et commence à se déshabiller. Son collègue en fait autant en se marrant à tel point qu’il n’arrive plus à déboutonner sa vareuse. Un troisième larron présente des sacs de marins et récupère les uniformes.

    —N’oubliez rien, je dois rendre tout au magasin des accessoires, moi !

    Deux lampistes sont déjà en train de maquiller l’estafette en véhicule du cirque Pinder. Ils fixent un haut-parleur à la place du gyrophare et collent des affiches de clowns. Je regarde ébahi. Il me semble assister à un film de gangsters. Je ne sais que penser et je ne pense pas. Je me laisse porter. Je suis la balle de ping-pong qui tombe dans un torrent, la feuille morte dans la tempête. On m’enfile une canadienne, un casque de moto, des lunettes de motard et on me pousse vers un engin qui se met à pétarader. Je me retourne pour dire quelque chose mais on me pousse en criant « Dégage ». Le conducteur s’assure que j’ai les fesses sur la selle. Il me crie de me cramponner et    Vroom !…

    Il n’y a une demi-heure j’étais encore en prison.

     

    Le motard fonce je me cramponne et regarde la route défiler par-dessus son épaule. Il roule maintenant avec modération. S’il s’arrête c’est pour consulter une carte et il suit un trait au crayon bleu. Je regarde la carte et j’entr’aperçois des croix rouges qui doivent être des points de barrages de gendarmerie. J’ai affaire à des pros.

    On s’arrête derrière une église.

    —Va faire une prière, moi je vais téléphoner.

    Il me laisse et se dirige vers un bistrot. J’entre. L’église est vide à l’exception d’une vieille dame en châle noir. Elle me fait signe de m’approcher. C’est Perrine qui me fait« Chut ! » du doigt. Elle me montre des habits que je dois enfiler. Je me dissimule dans le coin du confessionnal et cinq minutes après me voilà en bourgeois. Je la prends dans mes bras et elle se met à sangloter.

    —Une Vezin je savais que c’était…

    —Que du venin !

    — Moque-toi. Cette Antoinette elle t’a mis dans un beau pétrin, tout ça pour se venger des Saint Gall. Elle avait cas les trucider elle-même après l’accouchement de Roger. Les jurés auraient compris.

    —Perrine réfléchi à l’époque il y avait la guillotine et Antoinette n’a pas voulu finir comme Marie-Antoinette. Maintenant avec un mauvais avocat, tu ne risques que vingt ans maximum et encore avec la bonne conduite, les grâces présidentielles et surtout l’encombrement des prisons, au bout de cinq ans tu es dehors. Dix ans après le procès ton casier judiciaire est blanchi er tu peux soit faire de la politique, soit si tu n’as pas fini ton travail tuer le reste.

    —Arrête de dire ces bêtises dans une église.

    Mon motard rentre et me fait signe de le suivre. J’embrasse Perrine et lui emboite le pas. Il me conduit devant une superbe limousine. Qui est au volant avec une belle casquette de chauffeur de maitre : « Le Paul » Il m’ouvre la portière avec style et je prends place. Il démarre et dès que nous sommes sortis du village il serre la main que je lui tends.

    —Sacré Alexandre tu l’as faite forte celle-là. De quel fossé il a fallu sortir ton camion cette fois ci. 

    —Je savais que j’avais des amis mais pas pour se mouiller dans un coup pareil. Qui a organisé mon évasion ?

    —C’est Antoinette elle s’est fait embaucher sous un faux nom au tribunal de Clermont-Ferrand. C’est elle qui a fourni les papiers de transfert.

    Jules a fourni d’anciens braconniers de ses filières de trafics de gnioles clandestines et moi je fournis les véhicules.

    —L’estafette ?

    Elle appartient au cirque Pinder. Seulement il y en a deux qui roulent en ce moment avec les mêmes plaques.

    Ça fait beaucoup même pour un cirque

    —Ho ! Il y en a une qui va passer en Italie et là elle deviendra officielle.

    —Vos costumes, tous les accessoires ?

    —Le magasin des studios cinématographiques. Nous aurions pu tourner un film. En fait c’est Antoinette qui a fait répéter les gendarmes en uniformes sept heures durant pendant deux semaines.

    —Ils étaient mieux que des vrais. C’est les meilleurs pandores que j’ai rencontré et je m’y connais en guignols.

    Nous arrivons devant une grande bâtisse. Le portail s’ouvre comme par enchantement et la limousine va s’arrêter devant le perron. Deux dames en sortent et l’instant d’après je serre Maryse et Antoinette dans mes bras.

    —Mes deux amours ! J’avais hâte de vous revoir. Maryse m’embrasse une seconde fois et :

    —Ce n’est pas le tout mais moi j’ai du travail ! A bientôt.

    —Maryse doit prendre son travail à la mairie d’Aurillac.

    —Elle travaille maintenant ?

    —Mais moi aussi je travaille. Je suis greffière au tribunal de Clermont-Ferrand. Ton bulletin de transfert ce n’est pas à proprement parler un faux.

    —Mais alors.

    —Alors tu es en cavale pour l’instant. Mais bientôt ! Passons aux choses sérieuses. Le coiffeur. On va changer ta physionomie pour les faux papiers.

    —Des faux papiers. Pourquoi ?

    —Pour circuler normalement, officiellement, tranquillement.

    —Des faux papiers c’est risqué.

    —Les nôtres seront vrais. Officiels, et tamponnés par les autorités. Où crois-tu que Maryse travaille ?

    —Je donne ma langue au chat

    —Maryse travail au bureau d’état civile d’Aurillac. Depuis deux mois nous nous sommes fait enfermer le soir dans la mairie et toute la nuit nous épluchions les archives. Il nous fallait trouver des enfants décédés et sans famille encore vivante. En faisant disparaitre l’acte de décès nous pouvions rétablir leurs identités.

    Nos papiers sont officiels !

    —Permis de conduire, passeport, carte de sécu, groupe sanguin…Tout.

    Quelle ingéniosité !

    Tu t’appelles Julien Martel tu es né à Aurillac. Tu es orphelin et typographe. Je n’ai pas trouvé mieux.

    —Et toi ?

    —Je suis née à Aurillac. Au passage je me suis rajeunie de deux ans. Je me nomme Caroline Imbert et je suis professeur de gymnastique.

    —Et Maryse ?

    —.Elle va s’appeler, bientôt, après avoir quitté la mairie, Evelyne Dubosc. Elle a pris un an de plus mais ses artères ne vont pas s’en ressentir. Je parie que tu as le ventre vide.

    —Juste un café blafard.

    —Alors nous passons à table, je vais te mettre au courant de la situation et de nos actions futures car nous n’allons pas rester les deux pieds dans la même flaque.

     

    La situation était simple Maitre Sylvestre par des jeux d’écritures falsifiés s’était approprié au fil des années la plupart des terres des Saint Gall. Ventes fictives hypothèques, comptes numérotés à l’étranger il ne restait aux Saint Gall que la laiterie et la scierie. La moitié de ces biens étant grevés de droits de mutation non payés pour les ventes fictives passées par maitre Sylvestre ton épouse était ruinée, Léopold vivait à découvert sur ses comptes bancaires.

    —Sacré maitre Sylvestre avec son air con il a floué les Saint Gall.

    —Pas que les Saint Gall, il a pioché dans presque tous les biens de ses clients.

    —Quand la juge, l’a remis en liberté provisoire, au passage il avait fait des galipettes avec elle bien avant son incarcération, le beau Gérard s’est volatilisé. Sa piste s’arrête A Clermont-Ferrand. Il a laissé sa voiture place de Jaude.

    — Si il a pris le train il peut être n’importe où.

    —Il a pris le train pout Lyon.

    — Comment le sais-tu ?

    —J’ai constitué un rassemblement des clients dépossédés et nous avons pris un enquêteur privé. Nous allons le traquer et essayer de récupérer son magot.

    —Haro sur « cul-blanc » nous allons forcer la bête comme dirait Jules le Renard des monts du Cantal.

    Caroline puisque c’est son nouveau prénom me pousse vers le premier étage de la bâtisse.

    —Cette maison je l’ai héritée de mon académicien. C’est la demeure familiale de ses parents qui étaient moitié parisiens moitié auvergnats. Elle comporte une bibliothèque qui ferait pâlir d’envie bien des intellectuels, les terres autour je les aie louées à une société de chasse. Un couple de gardiens assure l’entretien quand je ne suis pas là.

    — Où allons-nous?

    —A l’atelier de maquillage du studio photo

    —Il y a tout cela ici ?

    —La propriété a servie pour tourner des films d’horreur et le studio de maquillage n’a pas chômé C’est là que j’ai fait la connaissance des accessoiristes et de la maquilleuse qui va te relooker. C’est devenu des amis et ils viennent souvent ici pour se reposer ou travailler au calme

    —Il te faut plus d’une vie pour orchestrer tout cela

    —Je m’arrange pour profiter un maximum de mes déplacements. Mais monsieur Julien Martel pour l’instant passons aux photos de monsieur voici la maquilleuse

    La dame commence par me faire mastiquer plusieurs boules de gomme à mâcher qu’elle récupère au bout d’un moment dans une coupelle».  C’est plus agréable que du coton » me dit-elle. Puis elle range plusieurs pots d’onguents, de gominas, de crèmes, de pommades et d’emplâtres.

    Pendant ce temps madame Caroline Imbert, puisque c’est sa nouvelle identité, met en route le studio photo. Les cheveux brossés, gominés, recoupés, je suis prêt 

    —« J’ai failli lui mettre des pellicules pour faire plus vrai ».La maquilleuse s’active. De temps en temps elle se recule de deux pas et satisfaite, repart avec ses tampons et des colles. 

    —Les pommettes ! Les deux blocs de gomme, poussez les avec la langue au niveau des molaires du haut.

    Elle malaxe mes joues et satisfaite du résultat dit à « Caroline-Antoinette » On en fait une série avec !

    Je passe sur le tabouret du photographe. La maquilleuse fait une dernière retouche et.

    —J’en flash trois ou quatre

    Je reste stoïque devant l’objectif

    —Prends l’air un peu niais mais pas trop juste un poil

    Nouveaux éclairs.

    —Allez sans les gommes. Je recrache les sucreries dans une coupelle. Un dernier regard de la maquilleuse et série d’éclairs.

    —C’est fini je pense que c’est bon. On retouchera aux tirages.

    Avant que la maquilleuse prenne congé Caroline me pousse vers une salle de bain. 

    —Débarbouillez-vous vilain petit clown déguisé en typographe ! Et prenez un bain pour enlever cette odeur de cachot.

    Du linge m’attends. Je fais couler un bain pendant que j’enlève mon maquillage. Je me laisse porter par l’eau chaude et me détends jusqu’au plus profond de mes cellules. « Caroline ! » Je vais avoir du mal à m’y faire, donc elle vient me retrouver et trempe des bras dans l’eau. Je sens ses mains qui caressent mes pectoraux et s’attardent plus ou moins ailleurs. Je l’embrasse.

    —Embrasse Antoinette et oublie là. Pour Caroline tu ne peux plus continuer à lui faire l’amour, oublie là.

    Il va falloir nous modérer. J’ai des projets pour toi.

    —J’ai peur de tes projets ils m’ont amenés au bout du monde des vivants et j’ai bien cru y rester. Je fais des cauchemars la nuit quand je repense à mon arrestation.

    —Ce soir Julien Martel va demander Evelyne Dubosc en mariage.

    —Tu n’y pense pas, Maryse ne m’aime pas c’est un simple béguin qu’elle a.

    —Evelyne est amoureuse de toi. Elle ne veut pas te forcer mais je sais qu’elle pense à toi depuis le premier jour. Si elle est venue te parler à la sortie du cimetière c’est que tu lui avais déjà plu.

    —A notre première rencontre, en la regardant j’ai eu une bouffée de désirs je me suis retenu de ne pas l’embrasser. J’ai bien vu que je lui plaisais mais j’avais une mission.

    —Tu es libre et moi, j’aimerai que tu sois le père de ses bébés. Vous avez encore le temps d’en faire.

    — Qu’en pense-t-elle ? Vous en avez parlé.

    —Elle ne te dit rien par modestie mais je crois que tu vas lui faire un grand plaisir en passant dans sa chambre ce soir. Moi il faut m’oublier. Vous devez refaire votre vie à l’abri du tumulte des temps passés.

    Je réfléchis mais je suis partagé entre deux sentiments. J’ai deux amours.

    —Tu as tué le père il va te falloir oublier la mère.

    —Pas si vite viens donc une dernière fois.

     

    Le soir nous réunit autour du repas. Nous mangeons silencieusement embarrassés par le compliqué de la situation. Comment dire les choses sans froisser ou peiner l’un de nous. Caroline aborde en fin le sujet.

    —J’ai décidé de vous marier le plus tôt possible mais, pas pour la frime pour concrétiser l’amour que vous éprouvez sans vouloir l’évoquer ou le dire, pour que vous puissiez avoir sans remord des enfants à vous. Moi je m’efface de votre vie. Je vous ai réservé une petite bâtisse à Vienne. Vous irez vous y perdre incognito et dans trois ou quatre mois Monsieur Martel épousera mademoiselle Dubosc au cours d’une cérémonie intime avec seulement une dizaine de personnes. Par exemple Monsieur Paul et son épouse, Perrine et le Renard du Cantal, et pas de député ni de ministre.

    Les yeux d’Evelyne rayonnent et le regard qu’elle pose sur moi fit disparaître toutes mes réticences.

    —Antoinette ! Nous te reverrons ?

    —Je ne dis pas non mais vous avez besoin de solitude. Dès que les documents seront établis vous partirez pour votre nouvelle adresse. La société cinématographique vous fournit des feuilles de paye sur plus de trois ans et c’est là que vous vous être rencontré et aimé. Fin du premier acte.

    —Caroline comment te remercier ?

    —En me préparant un petit Martel et en l’appelant si vous le voulez Alexandre. Je pars de suite pour Lyon me mettre sur la trace du notaire.

    Je demande « Va-t-on lui faire le coup de la part de gâteau ? »

    —Possible mais on peut innover.

     

     

    Chapitre deux

    Ou

    La cachette aux épreuves

     

    Dès que le ronronnement de la voiture se perd dans la nuit, nous montons et je découvre une chambre orné d’une corbeille de fleurs blanches. Evelyne est touchée de l’attention. Sur le lit, à mon nom un épais dossier avec un post-it «  pour monsieur Martel à ouvrir demain. » Evelyne a la sienne qui bien que moins volumineuse, est pas légère non plus.

     

    Evelyne se déshabille dans la salle de bain et apparait dans une nuisette parme qui met en valeur ses cheveux blonds et sa carnation claire. Je vois derrière un voile transparent les seins de Maryse qui m’ont tant troublé le premier jour. Elle vient se serrer dans mes bras et me demande d’éteindre la lumière. 

    La lune qui surgir par-dessus les arbres du parc me dessine un corps d’ivoire. Ses lèvres rencontrent les miennes. En un instant cinq années n’existent plus.

     

    Cinq années ne s’effacent pas comme cela Maryse refoule Evelyne Elle essaye bien de se laisser emporter par les sens mais une image vient brouiller ses émotions. C’est un film d’horreur qui surgit devant ses yeux. Elle a imaginé la scène. Arlette et maitre Sylvestre enlacés et moi en train de serrer le cou d’Arlette, un rictus aux lèvres et les yeux exorbités.

    Elle est paralysée par cette vision et au comble de l’angoisse elle se retire tout en balbutiant des excuses. Elle s’enfuit en pleurant dans la salle de bain. Je vais la chercher pour la consoler et la ramène dans la chambre

    —C’est plus fort que moi c’est bête j’ai cette vision qui m’obsède. J’en fais des cauchemars 

    —Ce n’est pas grave. Nous n’allons pas précipiter les choses ni forcer le destin. Viens te reposer je te laisse la chambre. Nous en parlerons demain tranquillement.

     

     

    Au matin mon estomac a les pieds sur terre et il réclame.

    Sur la table de la cuisine du pain frais et du lait nous attendent. Le jardinier a aussi laissé un pot de confiture « faite maison ». Evelyne me retrouve et je lui prépare un petit déjeuner campagnard

    —Je suis désolé c’est plus fort que moi j’ai été bouleversé par ton arrestation et les commentaires

    —Il ne faut pas se fier aux racontars de maitre Sylvestre c’est un sacré fumiste. Il a suborné la moitié des épouses de Busancy et de plus il se constituait une filmothèque et exerçait du chantage en obligeant les dames à s’humilier. Il les obligeait …Mais n’allons pas nous gâter l’appétit

    Le Paul passe pour nous donner tous les documents dont nous avons besoin et il nous apporte aussi les principaux journaux de la région.

    Mon évasion est en première page de La Montagne. Je parcoure les grands titres. Je remarque que les photos illustrant les articles ne sont pas fameu ses.C’est les épreuves maquillées au studio que les journaux ont reçu Dans la rue, le grand public ne me reconnaitra pas je pourrais donc circuler si je suis prudent. La version officielle c’est une évasion lors de mon transfert et ma fuite menottes aux mains. L’article parle d’une enquête et souligne le laxisme dans cette prison ou les détenus font ce qu’ils veulent. Tous les journaux disant la même chose je demande à Evelyne si elle a besoin de papier pour faire du feu. En réalité la police laisse filtrer le moins de renseignements pour endormir le fugitif et ses complices. Donc nous allons redoubler de prudence.

     

     Vers onze heures nous avons la visite de notre braconnier. Il est chargé d’un énorme sac de provisions fraiches pour varier le stock important de conserves dans les placards du garde-manger. Cette bâtisse était destinée à abriter une tribu.

    Jules nous donne des nouvelles fraiches et nous parle de barrages de gendarmerie sur les routes et même sur les départementales mais le périmètre surveillé est en deçà de la maison. 

    —Alors Jules on tricote autre chose que la volaille ! On fait maintenant dans l’évasion du siècle.

    —Si tu avais vu la région au bon vieux temps des trafics d’alcool. Les pauvres douaniers dans leur petites Juva-quarte pendant qu’on avait des traction-avant rapides…C’était le bon temps ! De nos jours il n’y a plus de piment dans le métier. Je vais prendre ma retraite 

    —A quand le mariage avec Perrine. Elle mérite bien un peu de bonheur.

    —J’hésite parce qu’elle est trop bonne ménagère et moi j’aime vivre dans ma cabane. Tu imagines un instant Perrine dans ma cabane ?

    —Ah non ou alors en deux heures tu ne reconnaîtras plus ton repaire

    —Tu vois et pendant la période du braconne tu me vois partir de chez elle avec mes collets et mes pièges sur l’épaule ?

    —Regarde pour moi ! Antoinette veut que j’épouse Maryse et que je fasse des bambinos.

    —Dépêche-toi, que je puisse encore leur amener des sucettes au caramel.

    —Arlette ! C’était pas bien tu n’aurais pas dû écouter Antoinette. Les seuls qui t’ont  fait du mal c’est ta famille et surtout ta sœur. Elle est revenue au pays avec Roger et ils habitent la masure du carrefour des marronniers.

    —Heureux que mon cousin Roger l’ai faite réparer. Il voulait y loger des ouvriers.

    —Ton père Roger est bien mal. Il a le foie attaqué par les apéritifs qu’il buvait à Paris

    —Il buvait sec aussi à La Grive !

    —Ta sœur vieillit mal, elle a pris au moins vingt kilos, et, elle souffre de divers troubles surtout du cœur. C’est un travers de la famille Prunier.

    —Elle irait mieux si elle ne s’était pas droguée à Paris. Si elle n’avait pas eu des rêves de grandeurs et si elle avait pensé à prendre un brave paysan des environs. A Paris elle fréquentait des artistes. Des ratés et des fainéants qui ne voulaient ni dieu ni maitres. Surtout pas de patrons et pas de contraintes c’est « L’ART qui commandait »  et ils n’étaient bons qu’à jouer l’incruste et les pique-assiettes. Ce genre de parasites par chez nous ne peut survivre. Ils se noient dans la masse des grandes villes et avec des airs supérieurs vous prennent pour des quantités négligeables. Ils sont des artistes.   

    — Tu ne dois pas les aimer.

    — J’estime des artistes mais je déteste les individus qui se proclament artistes et qui n’ont pas un gramme de talant. Ils étouffent dans leur écrasante médiocrité.

    —Je te laisse une somme pour Perrine, qu’elle s’en serve s’ils sont dans le besoin. Quant à moi j’aimerai ne plus en entendre parler.

    —Tu es trop brave mais aussi Roger c’est ton père.

    —C’est peut être mon père mais il ne me regardait que pour me corriger et la punaise pour m’embêter.

     

    Jules repart. Maryse a fait son balluchon et lui demande de l’amener à Beauvallon.

     Je l’accompagne jusqu’au portail et la serre dans mes bras.

    —Va te reposer un temps et nous reprendrons cette conversation plus paisiblement.

    —Ne m’en veux pas mais je suis bouleversée.

    —A bientôt et papa Jules prends en bien soin.

    —Je prends soin de ta future famille.

     

     

    Je m’installe dans la bibliothèque et consulte la grosse liasse de documents fournis par ma tante. Une heure de lecture et j’arrive au bout du dossier. Il va me falloir une vie pour réussir à combler ma tante pardon Madame Caroline Imbert.

     

    Je passe une semaine seul à feuilleter les nombreux volumes de la bibliothèque. Littérature, histoire, biographies, revues scientifiques toutes les disciplines qui me tombent sous la main sont intéressantes et je complète mon érudition. Les promenades dans les bois m’oxygènent après trois longs mois de privation d’activité. Un véhicule se présente au portail je me dissimule pour voir qui arrive. C’est Madame Caroline. Son aspect a considérablement changé. Elle est colorée en roux violant. Chemisier vert fluo et minijupe en imitation peau de vache, des chaussures qui ressemblent à des après-ski. J’ai peine à reconnaitre ma tantine à la blouse stricte et au chignon de La Grive.  

    Elle s’étonne de l’absence de Maryse-Evelyne. Je lui explique la situation.

    —Hé bien nous allons faire avec !

    —Tout est par terre.

    —Pas forcement. Tu vas investir la maison de Vienne. Tu t’y installe. Pour tout le monde tu attends la mutation de ta fiancée sur Vienne pour te marier. Tu vas prendre un emploi de représentant en ce que tu veux mais éloigné des transports Un représentant : c’est là c’est plus là ! Ça vas ça vient.

    —Je vais avoir besoin d’un véhicule !

    —Prends une occase dans un garage et fait leur faire la carte grise. Tu laisseras des photocopies de tes pièces d’identité.  

    —Bon et pour Maryse ?

    —On avisera après mais c’est une sérieuse anicroche dans mes combinaisons.

    —Et maitre Gérard ?

    —Dès que j’arrive à le situer sur la région lyonnaise, tu reviens sur Lyon.

    — Ok mais prudence Lyon est une ville dangereuse la nuit.

    —Mais n’ai crainte je suis sur le sentier de la guerre, je pense débusquer « cul blanc » dans la faune petite bourgeoise fêtarde, les clubs branchés de la presqu’ile, et peut être même les boites homo.

    —Vaste programme Pourquoi ce déguisement j’ai cru voir débarquer une Sioux.

    —Je fais des remplacements de serveuse dans les boites sur les quais de Saône, c’est le meilleur moyen de faire parler les gens sans leur imposer un interrogatoire. La tenue branchée s’impose.

    — Elle perce l’écran c’est un film en technicolor.

    —Pour ce soir on arrête les bavardages. Si tu veux je vais consoler ton gros chagrin.

     

    Elle m’entraine dans une chambre du second étage. Les poutres sont apparentes et une mansarde donne de la lumière. Le lit est vaste deux grands chandeliers supportent de gros cierges ceinturés de coulures. Une grande armoire bardée de ferrures de sa silhouette massive tiens tout un côté Un énorme cadenas interdit aux curieux de dévoiler son contenu. Des tentures occupent le côté opposé elles cachent des alvéoles mystérieuses.  

    —La chambre des tortures ! C’est ici que les meilleures scènes des films d’horreur étaient tournées.

    —Et pourquoi m’amènes-tu ici ?

    —Pour que tu me torture.

    —Quelle idée ! Je n’ai jamais fait des choses pareilles.

    —Commence par allumer les bougies nous aurons l’ambiance moyen-âge.

    Elle prend une clef sur une étagère et fait grincer le cadenas la lourde porte. L’armoire dévoile tout un assortiment de lanières, de cuirs et d’instruments qui ont dû servir aux films. Elle va tirer une tenture et dans une vaste alvéole un cadre de bois massif apparait il est muni de nombreux anneaux comme ceux des murs dans les vieux villages. Je suis surpris et étonné. Antoinette fourrage dans l’armoire et étale plusieurs objets sur le lit. Au passage elle fait claquer un long fouet et le bruit semble se répercuter à l’infini dans mes oreilles. 

    —Celui-là c’est pour la frime, mais il avait un sacré effet lors des projections.

    Elle se déshabille et me fait signe d’en faire autant. Je m’exécute un peu hésitant sur la suite des événements. Elle va se présenter devant le chevalet et me passe des sangles.  

    — Attache-moi !

    —Attends on ne va pas jouer à ces mascarades.

    —Attache-moi et garde ta salive, si je te demande tu exécute.

    Je passe des sangles à ses poignets et aux chevilles comme elle me fait signe.

    —Accroche et tends vers le haut.

    Antoinette est complétement écartelée et moi de la voir ainsi je me sens turgescent. J’en rougi rien que d’y penser.

    —Ne rêvasse pas prends le petit fouet sur le lit et donne m’en douze coups pour commencer.

    —Je ne vais pas pouvoir c’est hors de mes possibilités.

    —Vas, et ne fait pas semblant.

    Je saisis l’engin et m’aperçois qu’il est constitué de plusieurs lanières de cuir terminées par des perles de plomb.

    —Arrange toi pour que les boules arrivent sur mon côté.

    —C’n’est pas possible c’est un supplice je ne veux pas voir ça.

    —Tais-toi, frappe et fort.

    Elle veut, j’y vais. Les lanières claquent sur le dos d’Antoinette qui se tord en criant. Les boules de plomb en heurtant la cage thoracique font un bruit de grêle sur un toit. Je m’approche, des zébrures sillonnent le dos et des hématomes enflent le coté comme des protubérances naissantes 

    —Allez, reprends-toi ! Frappe encore.

     J’abats le fouet une seconde fois et ma tante s’agite comme un drapeau dans la tempête. Une longue plainte s’échappe pour aller rebondir vers les sommets de la pièce. Du sang en perles fines sourd de son dos et des larmes s’écoulent sur ses joues pour aller descendre entre ses seins. Son côté est boursouflé et vire au mauve. Moi j’ai une érection complète et douloureuse je n’ai jamais été à ce point. J’abandonne le fouet et faisant face à ma tante je m’introduis en elle et la possède avec rage. Ma violence frise la furie. Elle réagit avec frénésie. Je n’aurais jamais cru à une chose pareille et ma tante devait se douter du résultat sur moi.

     

    Je la décroche de son banc de supplice et la porte vers la sortie de cette pièce sordide. 

    —Eteints les cierges je n’ai pas envie de rôtir dans la nuit.

    Dans une chambre du premier je l’installe sur un lit et cherche un moyen de la soulager.

    —Dans mon sac il y a un tube de crème et une bouteille. La bouteille d’abord.

     

    Pendant qu’elle repose je retourne dans cette dépendance hideuse. J’inspecte une à une chaque alvéole et vais de surprise en surprise. Les murs sont percés de trous, surement pour les objectifs des caméras L’autre alvéole comporte une cage longiligne suspendue au plafond des pics en ferraille pointent à l’intérieur En réalité ils sont en caoutchouc. J’imagine le supplicié a l’intérieur et se tordant de douleur Le colorant vaseliné posé peu avant par la maquilleuse dégouline sur le thorax de la tourmenté. C’est toujours de pauvres femmes qu’on torture dans ces productions, un vigoureux bucheron aurait moins de charme …Quoi que pour les dames…

    La chambre d’à côté, présente peu d’intérêt sinon qu’elle veut reproduire une geôle médiévale. La porte est en fer massif et la serrure semble être fonctionnelle. Aurait-on des tentations d’oubliettes ?

     

     

    Je repasse voir Antoinette. Elle se repose sur le ventre le sang a séché mais la peau commence à gonfler.

    —Déchire un drap en bandeaux d’une vingtaine de centimètres et bande-moi serré fort. Je prends un linge dans une armoire de la chambre d’à côté et prépare mon pansement.

    —Pourquoi ce supplice ? Moi je ne t’ai rien demandé.

    —Mais tu as eu un plaisir exceptionnel. Tu m’as littéralement assaillie. Et moi je n’avais jamais éprouvé un tel choc émotionnel.

    —Je ne recommencerai pas.

    —Moi non plus.

    —Alors pourquoi ?

    —Pour  Léopold et Hector.

    —Personne ne te demandait un tel sacrifice pour deux crapules.

    —C’était pour expier mon forfait devant Dieu.

    —Dieu ne demande pas de racheter une mauvaise action par la douleur, il préfère le repentir par la charité envers autrui.

    —J’ai voulu aussi expérimenter le traitement que je réserve à Maitre Sylvestre. J’ai pu doser la souffrance. Je vais adapter le supplice que je lui réserve.

    —Il ne t’a rien fait.

    — La jeune veuve du bijoutier qui avait été assassiné dans le train de Clermont il y a six ans. Il a réglé la vente du magasin et la succession. Il l’a obligé à venir passer les nuits chez lui pour effacer les hypothèques, sinon le magasin était invendable.

    —Et je te parie qu’il l’a filmée dans son lit.

    —Il l’a fait venir et lui a passé la bande. Il a exigé qu’elle subisse devant la caméra toute une foule d’humiliations et après cela il l’a obligée à s’offrir à ses amis. Il y avait entre autre ton Léopold.

    —Et qui d’autre ?

    —Le garagiste de Tellieu, le directeur de la banque mais celui-là est mort. La brave fille en pleine déprime suite à ces traitements s’est jetée dans la rivière en sortant d’une séance chez Léopold. Elle avait posté une lettre à sa mère qui dit tout. J’ai récupérée la missive chez sa mère.

    —Pourquoi la mère n’a pas été à la police

    —Pour éviter la honte et par peur de tous ces notables. La fille n’a nommé que les plus acharnés et les plus vils. La mère a longtemps attendu et quand j’ai formé le comité des victimes elle m’a donné la lettre. Pour que je fasse au mieux.

    —J’aimerai bien chauffer les pieds du garagiste. Certaines parties de mon individu se souviennent de sa pointure.

    —Veut tu que je lui fasse visiter la chambre du haut ?

    —Il y a des ustensiles qu’il apprécierait.

    —On le passe en numéro un ?

    —Tant qu’on n’a pas retrouvé le notaire. Priorité aux humbles les portes du seigneur leur seront plus vite ouvertes qu’aux nantis.

    —La bible est avec nous.

    —Et c’est elle qui nous éclaire.

     

    La nuit portant conseil et le clair de lune permettant des réflexions farfelues  je propose une amorce de stratégie pour notre garagiste. Antoinette ou plutôt Caroline (Caro pour les sphères lyonnaises) m’écoute avec attention.

    —Veux-tu mon avis ?

    —Si je t’en parle c’est pour avoir tes commentaires.

    —Pour résumer tu contacte leur ancienne bonne, Flore, si j’ai bien compris. Il faut qu’elle accepte de rencontrer son ancien patron et cela en cachette de son mari. Il faut qu’elle l’amène ici sous un prétexte. Il faut que ton garagiste veuille bien venir dans la maison de Barbe-bleue et au final on lui fait le coup du soporifique.

    —C’est bien cela vue par quelqu’un de pessimiste.

    —Environ trois mois de préparation et pas sûr qu’il tombe dans le panneau pendant ce temps le notaire peut finir au Japon ou en Alaska ce qui ne serait pas exquis. (LSK c’est exquis. Pub1950)

    — Que proposes-tu ?

    —Je me déguise en bourgeoise BC/BG, je lui fais le coup de la panne ou il faut un essai après et je l’amène ici pour qu’il se délasse. 

    —Et s’il en réchappe c’est la cata.

    —Il peut se plaire en haut dans la pièce face à la chambre.

    —Tu roule en quoi à présent ?

    —En BMW.

    —La charrette des voyous de banlieue. Elle est excellente pour faire les voitures bélier.

    —Et qui te dit que je ne veux pas faire de la voiture bélier un jour.

     

    Elle roule prudemment de temps en temps, son dos lui arrache une grimace dans les cahots.

    —Va voir un docteur pour ton dos.

    Le prochain coup j’enlèverai les plombs.

    —Quelle idée d’avoir de vrais accessoires pour un film.

    —Le producteur avait acheté ce fouet dans un musée en Roumanie,

    —L’a il essayé sur quelqu’un ?

    —Il voulait mais il n’a pas trouvé de candidat.

    Nous arrivons à l’entrée de Vienne. Des gendarmes s’occupent d’un accident. Ils nous font signe de circuler en vitesse. Nous n’allons pas leur faire la causette.

    —Je te dépose à ton nouveau domicile. Je ne reste pas.

    —Pourquoi ? Tu m’aurais fait la visite des lieux.

    —Je vois où tu veux en venir peut être désire tu qu’on essaye le matelas 

    —Un lit doit s’étrenner en faisant l’amour dessus pour la première fois.

    —J’en profiterai pour faire un brin de toilette.

    La maison est discrète du genre « ça m’suffit ». Pas d’étage un petit jardin à l’abandon devant.  Pas de voisins. A droite c’est un terrain vague clôturé sur la rue par une palissade de planches. A gauche une maison un peu similaire elle ne semble pas habitée.

    —L’ancien propriétaire a vendu pour partir chez sa fille à la mort de son épouse. Le quartier est calme. Et je suis propriétaire de plusieurs parcelles j’achète tout depuis cinq ans, je sais qu’il va y avoir un projet de zone industrielle par la chambre de commerce et l’expropriation va représenter un sérieux pactole. 

    —Tu n’arrêtes pas d’investir ?

    —J’investis pour ne pas placer mes économies sur un livret d’épargne qui rapporte moins que l’inflation. Si je n’avais pas placé mes valeurs comme cela aujourd’hui je serais sur la paille.

    La serrure grince un peu la porte est festonnée de toiles d’araignées.

    —Déjà retissé leurs toiles il n’y a pas huit jours que je suis passé ici.

    —C’est la nature elles prouvent qu’il y a peu de pollution dans le couloir de la chimie.

    Nous entrons le corridor est sombre.

    —Va ouvrir les volets au fond !

    La fenêtre force un peu et un bout de mastic tombe sur le parquet. Caro allume toutes les pièces et me les présente. Chambre, salon, cuisine et le reste tout y passe. Je vais chercher mes bagages et commence à m’installer.

    —Prends aussi mon sac je vais passer la nuit ici.

    Je m’allonge sur le lit et regarde au plafond une antique suspension des années cinquante. 

    —Ne contemple pas le mobilier c’est les bulldozers qui vont refaire la décoration.

    —Dire que des citoyens ont vécus et ont étés heureux. Ils ont fait des enfants et les ont élevés et puis la maison s’est vidée et ils se sont étiolée avant de disparaitre.

    —Votre maison de La Grive c’est pire elle sert d’entrepôt pour des engrais.

    —J’en ai quand même des souvenirs et s’ils ne sont pas tous bons, c’est les miens, c’est ma jeunesse et ma vie et c’est toi.

    —Ton amour pour moi aurait pu passer avec la fin de ton adolescence ! Je ne comprends pas.

    —Je suis un grand sentimental et, ce n’est pas l’amour que m’a porté ma mère, qui a pu meubler ma jeunesse. Tu étais nimbée de la lumière de ton sourire, de la gentillesse de tes caresses, de la douceur de ta peau et des bouffées d’adrénaline que provoquaient certains bâillements de blouses.

    —Petit polisson ! Moi qui te berçais comme un chérubin.

    —J’en profitais pour humer tes senteurs et me saouler des effluves de ton corsage.

    —Va dire que je sentais !

    —Tu sentais la lavande des armoires, le sens-bon du petit flacon sur ta coiffeuse et tes doigts sentaient l’encre du porte-plume.

    —Je sentais tout cela.

    —Je ne te dirais pas le reste des senteurs qui ont bouleversées ma jeunesse.

    —J’aimerai savoir ?

    —Non jamais tu ne le sauras dussé-je mourir sous la torture. 

    —Pose tes vêtements que je te torture.

    —Tu ne préfère pas plutôt passer un moment dans un restaurant ?

    —Bon alors après je te torture.

    Vienne c’est Vienne. J’amenais Caro près de l’ancien théâtre romain dans un petit restaurant italien. Rien n’est plus italien qu’un restaurant italien à Vienne. Ils sont chez eux depuis plus de deux mille ans. Je réussis à faire comprendre au ristoratore que les spaghettis al-dente c’est pour les italiens et les cuites sans le petit point dur au milieu c’est pour les français qui ne veulent pas jouer aux initiés de la cuisine italienne. 

    —Alors et pour madame ?

    —Madame a été élevée avec des biberons italiens par une nourrice italienne et apprécie parfaitement les pâtes « Al dente ».Moi je suis un inculte, un mange-pâtes-molles.

    Il repartit devant ses Fournaux en se désolant.

    Una bella signora dovrebbe scegliere un uomo intelligente.

     En résumé elle trimballe un énergumène. Tout en mâchouillant un  spaghetti,  Caro me dit à brûle-pourpoint :

    —Je dois passer à Beauvallon. Je suis obligé car Roger veut se marier.

    —Bonne nouvelle il a donc trouvé enfin une fiancée ?

    —C’est avec Maryse.

    —Bon eh bien il nous a fait beaucoup d’histoires pour en arriver là.

    —En tant que sa mère je ne vois pas ça d’un bon œil, il est en train de faire une fin pour faire une fin. 

    —La plus malheureuse sera Maryse, il va la faire souffrir.

    —Maryse aurait dû partir faire sa vie ailleurs.

    —En attendant occupe-toi du garagiste demain matin.

     

    Je passe chez Paul. Nous allons vider une chopine avec son ami vendeur de charrettes. Il me propose un Ford sierra break qui a bien vécu point de vue carrosserie mais dont le moteur est performant.   

    —Invendable ! déclare le Paul. 2,3 litres de cylindrée pas assez de punch.

    —Oui mais le prix est abordable.

    —C’est toi qui va à l’abordage vieux pirate.

    —Pas d’arnaques entr’amis si je le propose c’est que c’est un bon produit.

    —Mais un produit qui susse combien.

    —Ni plus qu’un autre, il ne fait que quinze litres au cent.

    —C’est une ruine-rentier  un Tagazou pareil !

    —Hé bien si tu veux je la prête à ton ami un mois à l’essai.

    —Faites-moi une lettre de prêt au nom de Julien Martel.

    —Mais ce n’est pas Alexandre !

    —C’est Alexandre mais c’est aussi Julien Martel.

    —Julien Martel c’est mon nom d’artiste.

    —Mon bon Paul tu as des fréquentations hétéroclites.

    —Max il faut de tout pour faire un monde on la prend !

    —Je vous la prête seulement un mois !

    —On va te le faire ronfler.

    — Un véhicule de ce prix prenez en soin.

    Je me retrouve au volant de cette « charriote »  (Qualificatif donné par Paul). Le moteur ronronne normalement et elle n’attirera pas les convoitises.

     

    Chapitre trois

    Ou

    Surprise-partie au théâtre du grand guignol

     

     

     

    Sitôt arrivé un fax crépite. Caro me prévient que le poisson est décidé à mordre en cette saison et que la pêche est prévue pour le jeudi. Prépare la cuisine nous le mettrons au réfrigérateur en attendant la cuisson. 

    Je rencontre Caro sur la route de Clermont. Nous mangeons en vitesse dans une auberge loin de l’autoroute.

    —Alors ?

    —Je suis passé à Busancy, J’allais voir un contact et en reprenant la BMW, un crétin m’a interpelé.

    —Vous ne voulez pas là vendre ?

    Je l’ai regardé dans les yeux et :

    —Vous êtes intéressé par la voiture ou la conductrice ?

    —Pour l’instant par le véhicule.

    —Vous achetez sans essayer ?

    —Je vous fais confiance.

    —Eh bien moi j’essaye avant. J’essaye toujours et je jette si ça ne me convient pas.

    —Me jetteriez-vous ?

    —J’en ai jeté d’autres. Vous voulez l’essayer ?

    —Si vous permettez ?

    —Avez-vous seulement le permis ?

    —Je suis garagiste à Tellieu.

    Je lui ai passé le volant et je suis monté à côté.

    —C’est un coup de bol, du premier coup le poisson s’est ferré avant le jour de l’ouverture.

    —Il a plus regardé mes jambes que le compteur de vitesse.

    —Il a essayé de m’éblouir en conduisant très pro et dans la montée du coteau il me l’a fait « course de côtes ».

    —C’est un stupide imbécile. Il paradait dans son garage et se salissait le moins possible les mains. Maladroit comme pas deux il n’était pas capable de grand-chose. Et balourd avec les clients. Si son père ne lui avait pas laissé la boutique avec deux bons ouvriers il n’aurait pas tenu longtemps.

    —Il a commencé à me faire la cour et de suite il m’a posé une main sur le genou. Je lui aie décroché un regard froid en lui disant « Ailleurs si vous voulez mais pas dans une voiture, de plus la mienne ». Il est resté interloqué. Je l’ai regardé et je lui ai dit « Que faite-vous jeudi ? » il m’a dit « rien ! ».  « Alors de sera jeudi seize heure devant la gare de Busancy » Il est parti comme sonné. C’est le genre hussard et se faire mener ça ne doit pas lui arriver souvent.

    —Le con ! Je l’imagine. Il n’a pas du comprendre ce qui lui arrivait.

    —Pour jeudi on refait le coup de la coupe de champagne.

    —Ce serai plus sur de partir sur des coupes de verre multicolores sans pied elles sont vendues par six on en sature trois et les autres seront vides. Tu le laisse remplir et s’il te passe une coupe chargée tu la laisse tomber pour en prendre une vierge.

    —J’ai mieux on donne congé aux gardiens. Tu es dans la maison, à l’arrivée de la voiture, tu attends derrière la porte du porche. Je le fais rentrer le premier et reste derrière lui pour lui couper une éventuelle retraite. Tu l’assomme ou tu lui passe un sac sur la tête.

    —Je préfère l’assommer mais avec une matraque en caoutchouc.

    —Il te faudra le monter en haut et il pèse son poids.

    —Pas moyen de faire deux voyages ?

    —Tu essayeras !.

    —On peut faire un ascenseur provisoire.

    —Par où ?

    —Par la montée d’escalier elle est assez vaste.

    —Tu ne peux faire cela en deux jours.

    — Avec une chèvre et un palan électrique de chantier.il me faudra peu de temps mais il faudrait être au moins deux.

    — Je peux t’aider.

    —D’accord, je file de suite sur les lieux pour prendre les mesures et après je me procure le matériel.

    —Achète ce qu’il te faut.

    —Je préféré louer pour disons une quinzaine.

    —Achète ton matériel il va peut-être servir plusieurs fois.

    —pour le notaire ?

    —Et les autres à venir !

     

     

    Je passe au manoir de l’horreur pour examiner les lieux. Le sommet de l’escalier finit dans les combles. Il me sera facile d’installer à demeure une poutre en I et sur cette poutre d’établir une poulie coulissante ce qui permettrai d’escamoter le palan quand il ne servira pas Cependant l’alimentation électrique deva se faire du compteur et il me faudra au moins cent mètres de câbles en comptant large. J’établis une liste et repart sur Lyon.

     

    L’avantage du Ford-Sierra c’est qu’outre un coffre qui peut contenir plusieurs cercueils, il est doté d’origine d’une galerie de toit.

    Le câble, la poulie, le palan, un marteau piqueur, du ciment et les accessoires qui vont avec, le coffre n’est pas plein pour autant. La poutrelle se fixe sur la galerie et me voilà de retour au manoir.

    Il me faut un certain temps pour monter la poutrelle sans esquinter les parois de l’escalier. Le marteau piqueur fait un bruit d’enfer et le son résonne dans toute la cage d’escalier. J’arrive à installer la poutre et glisse la poulie avant de cimenter. Il n’y a plus qu’à attendre que le ciment durcisse. Pendant ce temps je tire le câble électrique et essaye de le dissimuler au maximum. En cherchant bien je trouve une cheminée d’aération qui descends jusqu’aux caves. Le plus difficile est pour le faire glisser dans l’étroit conduit. Je fais mes branchements et rompu de fatigue je vais m’allonger dans la chambre nuptiale. Avant de glisser dans le sommeil je repense à Maryse et à l’ambiguïté de ses hésitations. Je repense à son désarroi et comprends ses tergiversations. Mon sommeil est peuplé dialogues où je suis forcé de me disculper. Je me réveille en sueurs et passe une bonne heure à barboter dans la baignoire en écoutant un enregistrement de « la vestale » par . Maria Callas au concert de 1959 à Hambourg. J’ai trouvé ce disque qui semble avoir été souvent écouté par Caro. La chanteuse me fait planer. C’est vraiment une grande dame.

     

     

    Je finis l’installation et aux essais je m’aperçois que je n’ai rien pour accrocher mon bonhomme. En désespoir de cause j’accroche la cage de fer de la deuxième alvéole malgré les pointes en caoutchouc elle est en bonne ferraille pour le reste. Vers onze heures Caro passe pour voir si tout est prêt. Je lui fais une démonstration et elle s’esquive rapidement, son contact de Busancy là réclame. 

    Vers dix-sept heures je m’installe derrière ma porte la matraque à la main. Je n’ai pas trop longtemps à attendre des phares illuminent le sombre du hall. C’est notre signal pour me dire que le poisson est dans l’aquarium. Prêt à l’action. C’est Caro qui entre la première et je manque de l’assommer. Elle s’avance au milieu du hall et se retourne. 

    —Vous admirerez l’architecture plus tard, entrez !

    —C’est une sacré bâtisse ! Elle a un nom ?

    —Un de mes amis l’a surnommée : Le manoir de Dracula !

    —Vous me faites frissonner …De plaisir !

    —Entrez !

    Je lui assène un coup de matraque derrière l’oreille droite. Il fait un pas en avant et s’affale sur un tapis qui doit avoir vu plusieurs générations de rentiers.

    —Ma chère Caro, tu as frisée la vision de trente-six chandelles.

    —L’ahuri, tête renversée, devant la maison les poings sur les hanches, admirait le décorum de la bâtisse.

    — Attache-lui les mains et les pieds, je vais chercher la cage.

    —Tu pense le mettre en cage ? Ce n’était pas prévu !

    —Pour le monter simplement.

    Je prends la cage dissimulée sous l’escalier et pousse le poisson dans sa nasse. Caro me dit :

    —Et si on le faisait à la broche ?

    —Tu veux l’empaler ? C’est un supplice barbare.

    —Le comte Dracula le faisait souvent, C’était réservé à ses amis.

    —Et ses ennemis que leur réservait-il ?

    —Ils les précipitaient du haut des remparts sur des lances tenues par ses soldats.

    —Ce devait être dégelasse.

    —pour ces pauvres gens.

    —Non ! Pour les soldats bonjour les éclaboussures !

    — Ils devaient porter des imperméables.

    —Et pourquoi pas des parapluies.

    Cet échange de bêtises détend un peu l’atmosphère tragique pour notre invité. Il nous faut être deux pour redresser la cage. Je la suspends au crochet du palan et la soulève d’un mètre environ. 

    —Et si on se déguisait ? Bonne idée on va là lui jouer mélo.

    Je prends le masque rouge et la cape de la part de gâteau de Léopold. Caro me passe des gants de cuir qui me montent jusqu’aux coudes et me donne le grand fouet.  Elle puise abondement dans les panières d’accessoires des films. Elle revient de la chambre avec des bas rouges dans ses bottes cavalières. Elle a passé une guêpière noire lassée devant qui laisse voir son nombril à travers l’entrelace de cordelettes rouges. Un masque vénitien affublé d’un nez pointu lui donne un aspect luxurieux très inquiétant. Elle n’a pas de culotte et un triangle blond mets une touche délicate dans son costume sévère Elle me montre sa tenue et me dit :

    —C’est pour toi après !

    Notre goret se réveille progressivement le rideau se lève, la tragicomédie va commencer. Caro extirpe de la petite pièce d’à côté un lutrin qui a dû servir à notre académicien pour ses conférences. Elle y installe un grand registre et se munit d’une plume d’oie qui devait décorer un petit bureau dans la pièce.

    —Le tribunal de la rédemption vous mande en audition ! Caro se retiens pour ne pas pouffer de rire. J’ai du mal à garder mon calme.

    —Vous êtes appelé en première audition pour vous justifier dans le dossier de Jacqueline Poste.  Epouse et veuve du joaillier de Busancy.

    Je fais claquer subitement mon fouet. Le bruit surprends tout le monde, moi le premier et je déclare.

    —La session du tribunal est ouverte

    Re claquement de fouet.

    —Présentez-vous au tribunal ! Greffier inscrivez sa déclaration.

    Notre suspect n’en mène pas large et commence par dire qu’il n’a rien à voir avec cette affaire. Un coup de fouet sur son tibia le surprend à tel point qu’il sa cogne contre la cage. La douleur de sa jambe doit être intense il murmure «  Aïe ! Aïe ! Aïe ».

    —Vos noms ?

    —Je suis Gaston Leblanc garagiste à Tellieu. Je…

    —Silence ! Ne répondez qu’aux questions.

    —Connaissez-vous Jacqueline Poste ?

    —je ne sais plus.

    —Ici il n’y a que des confessions ou des aveux sous la torture. Confession totale, votre peine sera légère. Si vous dissimulez au tribunal des faits ou une partie des faits, votre peine sera lourde. Vous n’êtes pas en mesure de vous dérober au tribunal et les jurés qui sont dans les travées annexes tiendrons compte de votre volonté d’éclairer le tribunal et ceci pour confirmer les témoignages déjà recueillis au cours des autres procès. Le tribunal vous écoute.

    —C’est Léopold Saint Gall, c’est chez lui que je l’ai vue. Elle accompagnait maitre Sylvain

    — Maitre Gérard Sylvestre ?

    —Oui

     —Continuez.

    —J’avais été invité trois fois à des soirées disons de groupe. Saint Gall offrait l’apéritif. Je ne connaissais pas tout le monde il y avait le notaire, cette dame, Léopold Saint Gall, un banquier et son épouse, et le directeur du collège de Busancy.

    —Que s’est-il passé ?

    —C’était des soirées poker déshabillée. Nous prenions place autour de la grande table de verre du salon et le notaire faisait passer sa compagne sous la table.

    —Et alors ?

    —A chaque pli la dame sous la table s’occupait du gagnant. Elle lui faisait une gâterie Et sous la vitre on voyait la scène.

    —Et que faisait l’épouse du banquier ?

    —Elle aussi quand elle raflait la mise se faisait polissonner.

    —Et y avait-il d’autres participants ?

    —Il y a eu d’autres mais on ne s’échangeait pas les cartes de visite.

    —Votre confession parait trop entachée d’oublis. Nous allons demander au jury s’il envisage la question. La séance est suspendue.

    Je fais claquer mon fouet avec moins de réussite mais, moi je ne suis pas Zorro. Puis nous passons dans la petite pièce qui devait servir de bureau au régisseur. Nous tombons les masques et Caro me félicite pour ma prestation d’inquisiteur. Que penser de cet interrogatoire. Il a vraisemblablement minimisé son rôle. Caro me souffle :

    —On lui passe un sac sur la tête et on le monte au deuxième. On l’installe sur le chevalet.

    —Il n’y a plus rien à faire au tribunal passons à la chambre des tortures.

    Caro prend un sac de forte toile qui a emballé une caméra et va le passer sur la tête du prévenu.

    —Qu’est ce qui va m’arriver ? Caro répond en lui enfonçant une fourchette à gigot dans la cuisse. Après un cri de douleur il là ferme. J’active le palan et avec un ronronnement de pignons et de moteur électrique le colis monte lentement. J’ai peur que le fond lâche sous le poids de notre gros poisson mais le bas de la cage tiens. C’est un bon ferronnier qui a fait le travail. Caro attend en haut des marches l’arrivée de la nacelle. Elle tire l’engin sur le palier et je redescends le colis sur le plancher du deuxième. Je fais signe à Caroline qu’il fait chaud sous les déguisements elle me répond par le signe j’ai faim.je lui fais signe de redescendre et installe le poisson dans la cellule sans lui enlever sa cagoule. Nous prenons le temps et attaquons les réserves de nourritures du placard.

    — Que va-t-on en faire. ?

    —Si tu veux le relâcher mais on risque gros il peut aller bavarder.

    —On peut le mettre sur le chevalet et exiger des noms.

    —Caro ! Tu veux essayer l’autre côté de l’écran ?

    —Et si on lui demandait où se trouve le beau Gérard.

    —On lui demande si le notaire peut confirmer ses dires.

    —Avant passons dans la chambre des plaisirs avant celle des tortures.

    —Caro ! Les plaisirs après ! C’est au greffier de parler.

    Nous nous déguisons et montons discrètement. Sur le palier du deux nous entendons une petite voix craintive qui demande de temps en temps « Ya quelqu’un ? »Le bruit de la clef le remet en espérance mais ses illusions sont de courte durée. Je l’empoigne et le pousse dans le local aux chevalets et je l’installe sanglé aux anneaux de fer. Caroline s’approche.

    —Vos arguments sont incomplets, Le jury décide de vous poser la question ordinaire

    —Caroline renforce les liens et passe en vitesse dans la chambre des tortures elle sort de l’armoire une cagoule de cuir et un gilet en peau de buffle.

    —Le bourreau va intervenir ! Prépare-toi.

    — C’n’était pas prévu ?

    —J’improvise, arrive vite.

    La greffière retourne devant le chevalet et ôte le sac de la tête de notre turc. Ses yeux clignotent. Les bougies dispensent une lumière glauque.

    —Le jury vous demande les noms de vos complices ?

    Elle ponctue chaque question d’un coup de la fourchette à gigot. C’est un engin qui as du avoir son heure de gloire au siècle dernier pour les interminables repas de famille où les convives engloutissaient poissons, gibiers et rôtis accompagné d’un vin de pays qui ne faisait pas tourner la tête. Le déclin de la famille de l’académicien l’a reléguée au rang des accessoires désuets et pour se venger de se voir délaissée elle s’est laissée rouiller aux endroits où les domestiques passaient la crème abrasive.

    —Je vous ai tout dit ! Je n’ai pas de complices, je ne les connais pas.

    —Dommage pour vous ! Maitre Sylvestre pourrait vous disculper. Savez-vous ou on peut le rencontrer ?

    —Je ne sais pas la dernière fois que je l’ai vu c’est pour lui livrer une voiture.

    —Quelle voiture ?

    —Je lui avais proposé de lui racheter sa compagne Jacqueline machin. Il la tenait par des prêts, il devait me la céder en échange d’une grosse Mercedes. Je lui ai livré la voiture et le surlendemain jacqueline s’est suicidée dans la rivière. J’ai encore le carnet d’entretien dans ma voiture devant la gare de Busancy .

    —Nous allons vérifier, en attendant vous repassez en cellule.

    —J’ai faim et soif !

    —L’abstinence porte conseil et permettra votre repentir.

    Je ramasse dans ses frusques les clefs de sa voiture et ses papiers. Caroline m’amène rapidement à la gare de Busancy. Je me mets au volant et Caro me suit avec sa Bmw. Nous revenons au manoir. J’examine le fourbi que le garagiste transporte dans son coffre. Dans la boite à gants un revolver et une boite de cartouches, des préservatifs, une culotte de dame, des menottes, un appareil photo polaroïde, une liasse de papiers divers genre factures et autre et un portefeuille contenant diverses cartes de boites de nuit Lyonnaises. Le coffre contient divers outils, une couverture et une valise.je ramène le tout dans le petit bureau et nous faisons l’inventaire des trésors du garagiste. Caroline s’occupe de la valise. Elle sort un déguisement de soubrette coquine, des dessous suggestifs, une pochette de photos de dames et plusieurs pellicules photos. La dame c’est Jacqueline, en tenue de soubrette dans ce qui ressemble à une chambre d’hôtel. Notre lascar s’est amusé à la prendre sous différentes postures. Elle semble crispée et contrainte. Le carnet d’entretien de la Mercédès nous apprend qu’un entretien est proche. Le portefeuille recèle deux cartes de boites branchées Caroline me fait remarquer que c’est des endroits très huppés. 

    —Il n’y a que du gratin friqués dans ces boites.

    —Oui mais pas besoin d’entrer, il suffit de repérer la Mercédès au parking et de la suivre à sa sortie.

    —Bonne idée. On remonte s’occuper du poisson ?

    Notre bonhomme s’est assoupi dans la cellule Caro le réveille avec sa fourchette. On l’amène vers le palier pour lui montrer les photos à la lumière.

    —Qui est ce ?

    —C’est madame Jacqueline !... Maitre Sylvestre me l’avait louée pour un après-midi.

    —Tiens donc on louait des dames ?

    Caroline regarde mieux une photo et s’exclame.

    —Mais il y a une main d’homme qui figure sur celle-là ! Vous étiez plusieurs. Effectivement un poignet velu prolongé d’une paluche imposante s’appuie sur le rebord d’un fauteuil.

    —J’avais fait part à deux avec le maitre d’école.

    —Bande de gros dégelasses ! Vous méritez…

    Caroline exprime sa fureur bouillonnante et assène un grand coup de fourchette dans la fesse de notre photographe amateur. Celui-ci sous la douleur fait un grand bon sur le côté opposé à la piqure et, les chevilles entravées, perd l’équilibre. Il vacille sur la rambarde mais sa tête pleine de mauvaises pensées l’entraine vers le bas. Au moment où il bascule j’arrive à attraper la sangle qui entrave ses chevilles .Je freine un instant la chute mais les nœuds se défont et la sangle imprime un mouvement de toupille au garagiste qui pousse un cri affreux avant de s’écraser dix mètres plus bas sur un tapis qui doit avoir vu plusieurs générations de rentiers. (Mais ça je vous l’ai déjà dit.)…Nous descendons rapidement l’escalier pour constater que notre quidam est plus que mort. Sa tête dessine un angle incongru avec ses épaules. Ses yeux encore ouverts accentuent  l’horrible grimace d’effroi. Un rictus d’épouvante a figé sa physionomie. « Qu’est-ce que l’on va en faire. » se lamente Caro. Tu veux appeler la police ? Avec tes coups de fourchette rouillée je ne pense pas qu’ils croiront à un accident.

    —Il faut s’en débarrasser, les gardiens rentrent demain matin.

    Je vais chercher le plaid et l’étale sur le tapis.

    —Aide-moi à le rouler dedans.

    —Pas dans le tapis il a une grande valeur.

    —Mais non !

    On fait un paquet genre saucisson avec les sangles et Caro passe sur le porche. Elle va ouvrir le coffre de la voiture du garagiste. Je l’installe confortablement pour son dernier voyage sans oublier de récupérer les sangles. Nous avons plus qu’à trouver une solution. Je dis à ma tante :

    —Je n’ai plus la force de réfléchir, allons un instant à la cuisine reprendre du tonus.

    —Cinq minutes de pause avant le dernier round.

     

     

    Nous avons décidé de déposer la voiture dans Lyon du côté des quais de Saône .Tout un tas de noctambules se garent n’importe comment et la fourrière passe régulièrement le matin. Soit ils trouvent le cadavre tout de suite soit les agents du dépôt se guideront à l’odeur.

     Je rentre sur Vienne par le train amenant les ouvriers aux usines de produits chimiques du sillon rhodanien. En passant sur le pont Bonaparte je jette discrètement les clefs et les papiers de la voiture tout en  me débarrassant de mes gants qui dénoteraient le matin .La Saône engloutit le tout en ne le ponctuant que d’un léger « Plouf !!! ».

     

     

    Julien Martel (moi) se retrouve à Vienne le matin et je musarde dans la vieille ville à la rechercha d’un emploi si possible comme représentant ou placier. L’activité est bon enfant, le temps est prêt à sourire, les dames aussi si on accentue le regard. En passant dans une rue en pente je remarque un beau local à louer. L’agence est à deux pas que je franchis sans trop y faire attention. Dans le bureau des transactions un petit homme chauve et barbichu me reçoit .Le local du marchand de meubles mais oui il est libre Seulement voilà le propriétaire l’a retiré de la vente car l’ancien locataire décédé ses héritiers n’ont emporté que les bonnes pièces et ont laissé un bric-à-brac qui encombre le local

    Selon le prix du loyer je le prends.

    S’en suit une longue litanie de causes du marasme dans les petites villes dortoir de la périphérie des métropoles… (Trois minutes plus tard)… En découle une certaine désaffection de clients qui préfèrent... (+ deux minutes)…se servir à la grande ville…

    En résumé deux mois de loyer offerts pour les objets à débarrasser et (Ou-la-la !) par mois pour le loyer. Je fais grise mine puis accepte comme si j’avais presque mieux ailleurs.

    —Quelle activité porter sur le bail ?

    —Négoce de tableaux, œuvres d’art, curiosités. Peut-être des jouets anciens mais ce sera dans un deuxième temps.

    —Le portrait de Landru mais châtain clair se frotte les mains.

    —Ma commission sera d’un mois de loyer !

    —Je vous en verse de suite la moitié en liquide ?

    J’accompagne ma phrase d’un coup d’œil. Landru me renvoi le coup d’œil de connivence. 

    Et pour faire plus vrai je lui glisse :

    —Si les quittances de loyers n’étaient que de la moitié J’ai beaucoup de liquidités.

    —Je vous comprends fort bien ce sera fait selon vos désirs le propriétaire ne refusera pas des espèces.

    J’ai ramené du moyen orient une valisette de billets démonétisés je sens que je vais faire des heureux.

     

     

    Je contacte Caroline le soir et lui explique que ce commerce peut être souvent fermé si le propriétaire est en déplacement. Je pourrais constituer un achalandage acceptable avec les vieilleries du grenier du manoir. Elle est d’accord pour me céder deux ou trois tableaux qui d’après elle; n’ont aucune valeur. En outre elle a fait un tour devant les boites de nuit et me propose d’organiser une souricière ce vendredi. Le lendemain j’achète à un brocanteur trois mobylettes que j’installe dans mon magasin je passe la matinée à en remettre une en état et je la dissimule dans le coffre de la Ford. Le soir je retrouve Caro à la sortie d’un piano-bar. Plus indienne que jamais elle s’est fait un chignon et deux os en plastique sont plantés dedans.

    —Toi, y en a mangé cannibale ?

    —Laisse tomber c’est une boite d’allumés, ça sniff même de la colle à rustines et ils se piquent dans les lavabos. Le patron a fait percer les petites cuillères pour éviter qu’elles servent de casseroles de shoot. La fumée des pétards fait planer les voisins des étages. Heureusement que je ne fais que des extras mais j’ai essayé de parler du mec en Mercédès pour l’instant ça ne dit pas grand choses aux fêtards de tous poils. 

    —Tu pense y arriver par ce filon ?

    —Un efféminé avec des cuissardes roses m’a dit de voir une boite « Le troubadour » du côté de Neuville. Il est prêt à m’accompagner.

    —Prends ta fourchette à gigot, ce sera plus prudent.

    —J’ai déjà une bombe au poivre cadeau de la maison.

    —Moi j’ai une mob de compétition révisée et avec un booster nitro pour les accélérations.

    —Tu veux livrer des pizzas ?

    Non courser une Mercédès. Moi je m’attaque au maitre d’école et à la veuve du banquier.

    Passe voir mon contact à Busancy.

     

    Pendant que Caroline s’occupe de la piste du notaire, je charge la Ford de vieilles chaises provenant  de mon magasin et je file à Tellieu. J’ai modifié mon aspect en faisant couper mes cheveux en brosse, j’ai une chemise kaki et un blouson bombardier. De loin je ressemble à un ancien militaire ou plutôt à un rempailleur de chaise .Ma voiture renforce l’aspect « manouch ».  Tellieu n’a pas changé, le bled voudrait se moderniser mais la municipalité de vieux croutons freine le développement pour ne pas bouleverser ses petites combines électorales. C’est du conservatisme primaire qui bloque les jeunes dans leur soif de réussite et les chasse vers les métropoles.

    Je passe chez le vieux brocanteur près du local des pompiers et lui propose mes chaises en échange d’une vieille croute barbouillée par des peintres du dimanche du siècle dernier. Mes chaises ne l’intéressent pas. Par contre sa toile Il en veut deux fois ce que ça peut valoir en ville. On discute un peu du prix et un peu du village. Il m’apprend que le garagiste vient d’être retrouvé à Lyon dans le coffre de sa voiture.

    —Un client pas content d’une réparation ?

    —Plutôt un mari cocu ! C’était un chaud, toujours en train de chasser la donzelle pour aller leur montrer les pâquerettes dans les clairières des bois. Ce matin au bistrot on vannait dur à chercher le mari offensé.

    —Et vous en avez beaucoup de « chaudars » dans la région ?

    —Une rumeur circule sur le directeur du collège de Busancy. C’est un pervers il a une cabane de pêcheur au bord de la rivière mais il l’a transformé en lupanar c’est moi qui lui ai livré un canapé

    —Il pêche les ablettes sur canapé.

     

    Je vais faire un tour vers la rivière et je tombe rapidement sur la paillote du professeur. La serrure ne résiste pas au rossignol qui la fait « chanter » en peu de temps. Effectivement pas de doute c’est un  petit nid d’amour. Il y a un déguisement d’infirmière polissonne. Sur une étagère des papiers que j’examinerai chez moi et encore une paire de menottes. Moi les menottes j’en ai eu et j’en veux plus, je ne comprends pas ce qu’ils y trouvent. On vit un siècle de malades. Avant de partir j’installe une bougie allumée sous une bouteille de pétrole que j’ai attaché à une poutre. Dans pas longtemps il va faire chaud dans le gourbi.

     

    En face du collège dans un petit bistrot je prends un café en parcourant les nouvelles de La Montagne. Un individu maigre et chauve sort du collège et se précipite dans une Dauphine et démarre en direction de Tellieu. Je viens de repérer ma prochaine cible.

     

     

    Caro me fait passer un message par son contact de Busancy. Je dois l’attendre dans mon ancien logement. Je gare la Ford dans la rue de derrière et escalade discrètement le mur. Je retrouve mon trousseau de clefs dissimulé dans une bouteille de lait perdue, parmi tous un lot de vieilleries, sur une étagère du jardin. Je m’installe et attends Caroline. Elle arrive en bourgeoise, tailleur chiné gris bleu, escarpins vernis et coiffure blonde platinée. 

    —Quelles sont les nouvelles ?

    —Je n’ai pas encore repéré notre notaire mais il a déjà été au Troubadour. Le portier a reconnu sa Mercédès.

    —Moi j’ai repéré le maitre d’école et j’ai mis le feu à son lupanar où il se polissonnait avec les dames de la région.

    — Contacte-le de la part de Gaston Leblanc sans mentionner le garagiste. Tu dis que nous les invitons à une soirée échangiste et tu prends rendez-vous pour ce samedi.

    —Devant la gare de Busancy ?

    —Tout juste mais on fait la réunion ici. Il ne te reste plus qu’à aménager les lieux en Garçonnière lubrique.

    —Et si on la faisait costumée ?

    —Excellente idée le thème serait Adam et Eve.

    —Je ne me vois pas venir à pied costumé de chez moi ! Et si on faisait l’enlèvement des Sabines ?

    —Va pour les sabines pour une soirée supposée où ça pine !

    —Caro ! Ce sera une soirée de rencontre pas de mélanges.

    —Alors je vais amener mon « trou loulou à cuissardes roses » pour faire le service des boissons.

     

    Je repère notre proie dans la cour du collège. Il veille à la sortie des classes et salue les parents qui viennent chercher leurs boutonneux fatigués d’une journée de travail harassant. J’ai lu son nom sur la boite à lettres et en plus le vantard à fait inscrire son titre. Pas de doute sur la personne. 

    —Monsieur Pierre Louvois ?

    —Oui c’est à quel sujet ?

    —Je n’arrive pas à joindre monsieur Leblanc pour une invitation et comme il vous avait mentionné je me suis permis.

    —Monsieur Leblanc est mort. Il avait disparu depuis une quinzaine. Sa mort est dans les journaux ! Son épouse croyait qu’il l’avait abandonnée.

    —Je l’avais rencontré il y a trois mois sur Lyon dans une soirée disons très collet-monté.

    —Hé bien rayez le de vos tablettes il ne viendra plus aux soirées.

    —Pour une fois que nous nous réunissions à Buzancy !

    —Vous faites quelque chose à Busancy.

    —Une soirée sur le thème de l’enlèvement des sabines, soirée costumée, mais très déshabillée.

    —Je vois ! En principe nous invitons les couples.

    —Je suis seul dommage. 

    —Il nous arrive que nos membres aient besoin de disons suppléants. En milieu de soirée tous ne tiennent pas le marathon jusqu’à l’arrivée.

    —Très drôle.

    — Si vous avez des amis amenez-les ! Rendez-vous pour dix heures devant la gare de Buzancy derrière l’abribus. J’oubliais les costumes seront fournis. Une voiture passera vous prendre.

     

    Notre Trou badour s’est occupé des costumes. Toge courte pour les messieurs, jupette et seins nus pour les dames, couronnes de lauriers pour les romains, diadème de fleurs pour les sabines.

    La soirée s’annonce bien nous avons forcé sur les alcools forts et pour après minuit la vodka contiendra un  « assomme mammouth ».Le contact de Caroline viendra avec son épouse et un couple d’amis mais ils s’esquiveront à minuit pile avant l’enlèvement.

     

    A dix heures Caro passe avec la Ford mise en six places. Le maitre d’école est là avec une dame qui ressemble plus à une concierge qu’a une banquière.

    —Enlèvement des Sabines ?

    —Oui.

    —Montez.

    Les deux s’installant à l’arrière.

    —Vous n’avez que ça comme véhicule.

    —Location pour la confidentialité. Pas d’autres participants pour le voyage ?

    —Plus personne.

    La voiture s’arrête dans la rue de derrière. Caro enlève son manteau et ouvre le portillon. Chaussée de Cothurnes, elle n’a que sa jupette de tissus blanc à moitié transparente. Le maitre d’école louche sur les seins de leur guide La pipelette s’exclame.

    —Vous commencez bien !

    —Pensiez-vous venir à une soirée de patronage ?

    —Ça commence chaud !

    —Ça finira « torride ».

    Nous les recevons et les faisons passer au vestiaire. Le trou-trou, en Toge rose, distribue les costumes et se permet de prêter une main à l’arrangement des diadèmes ou des plis des toges.

    Le « Canon » de Pachelbel égrène une musique douçâtre et neutre pour permettre la conversation. Les invités de Caroline sont gênés par le port des costumes. La dame du contact a partagé sa chevelure en deux cascades qui lui couvrent la poitrine jusqu’au nombril, je m’extasie devant une telle chevelure, la jeune épouse des amis du couple n’a pas osé dénuder sa poitrine et notre camériste lui a confectionné, avec une jupette, une sorte de châle qui dénude une épaule et s’attache sous l’aisselle. La veuve joyeuse a gardé une culotte noire sous sa jupette et se retrouve grotesque de dos. De face une poitrine en gant de toilette cascade sur des boulets multiples.

     

    Caro fait les présentations. Centurion Maximus, sénateur Marius, tribun Octave…  

    —Aux remontants !

    Je pousse tout le monde vers le bar et notre fée du logis tel un ange rose verse les breuvages en les affublant de noms barbares ; ambroisie, hydromel, breuvage des dieux. 

    —Cette soirée nous permettra de faire connaissance et d’élargir la participation des élites à nos rencontres à thèmes.

    Caroline est superbe elle a accentuée la couleur de ses aréoles d’un rouge carminé semblable à ses lèvres. Notre directeur de collège reluque les formes des dames d’une façon indécente. Je le prends par le coude et l’entraine.

    —Que pensez-vous de notre soirée de premier contact ?

    —Formidable ! Je ne m’attendais pas à une mise en scène aussi raffinée. Vous avez des moyens…

    —Enormes certains membres de nos amis sont milliardaires et pour une soirée réussie nous font des dons plus qu’important pour avoir du « toujours mieux ». Nous préparons une soirée nymphettes en Suisse sur une ile privée. 

    — La suisse ça fait loin.

    —Et là ce sera chère parce que « chaire »

    —Les moyens d’un professeur même directeur ne me permettront pas.

    Le couple d’amis s’esquive en douceur. La dame n’en tenant plus sous les regards gourmands de la banquière. Je fais signe au serveur d’amener la vodka et pousse le directeur vers le bar 

    —Du charpenté ?

    —Je ne dis pas non.

    —Cul sec !

    —cul sec.

    Il vide son « entrave-bisons » d’un trait. Caro discute avec notre poitrine tombante et lui fait siffler  un grand verre de vodka. La dame trouve bon et retends son verre sous l’œil effaré de l’elfe rose. Le tribun Octave se cale dans un fauteuil et cligne des yeux. Caro fait signe à son contact de passer au vestiaire. Je fais signe à notre échanson de suivre le mouvement. J’ai juste le temps de retenir le verre de la dame qui s’assoit par terre et s’écroule à la renverse un sein sur l’épaule et l’autre sur le ventre.

    Caroline fait les adieux au couple en les remerciant pour leur participation. La dame aux beaux cheveux est soulagée de se retrouver habillée décemment. Elle devait avoir des petits seins charmants qu’elle réservait à son époux comme une dame bien sage.

    Caro embarque notre camériste, serveur, costumier et fragile elfe rose dans sa B.m. pour le déposer à Beauvallon. Notre gentil ami préférant s’éloigner de la capitale lyonnaise après des sévices par une bande de voyous. Moi je fais le ménage. Je planque les bouteilles et autres bricoles dans les placards et emballe dans un sac les frusques de nos invités. Je les bâillonne et les attache puis les enfourne dans un sac pour les déposer dans ma Ford que j’ai remis en break. Je glisse deux tapis roulés pour faire déménagement et après avoir tout éteint et fermé je roule vers le manoir.

     

    Je m’assure que les gardiens ne sont pas là et décharge mon fourgon. J’installe mes colis l’un après l’autre pour les monter au deuxième.et les installe dans la cellule je ferme à clef pas de peur qu’ils s’échappent mais il me semble évident que le bruit sinistre de la serrure doit ponctuer la représentation. Je vais m’écrouler dans une chambre du premier et m’endors sans l’aide de la vodka stop locomotive.

    Je me réveille Caro est allongée près de moi en tenue de sabine et m’embrasse longuement. Je repense aux petits seins sous le flot de cheveux et je démarre pour un tour sur le manège des chevaux de bois. 

     

    Caroline décide de mettre la douairière dans la cage métallique et de la redescendre dans le petit bureau. Elle estime que vu la dose ingurgitée nous pourrons interroger le bonhomme en priorité.

    Redescente au palan et glissade vers le bureau. Je lui mets un bandeau sur les yeux pour prévenir tout repère.

     

    Je mets quelques outils et dans mon fourgon et je fais signe à Caro que je vais me promener Elle me montre son poignet comme si elle écoutait une montre je fais la même geste et fait deux avec mes doigts. Elle a dû comprendre. Je roule un bon quart d’heure et prends une petite route mal entretenue. J’arrive à un panneau qui indique Puisât.

    C’est un village où je me suis trouvé en vacances par mon école dans le cadre d’échanges ruraux. Le village était désert sauf la famille Verboson. C’est eux qui me logeaient dans une petite bâtisse où s’entassaient les parents et les grands parents ainsi que Lise.

     Lise avait les cheveux raides douze ou treize ans.et gardait les chèvres dans les broussailles des collines. Elle avait une robe, qui avait dû appartenir à sa mère auparavant, Elle était  délavée par le soleil  et les lessives. Elle parlait très peu et me demandait de lui raconter.

    —Que veut tu que je te raconte ?

    —Tout ce que tu as vu et qu’il n’y a pas ici.

    Je lui racontais l’autobus, la pompe à essence du garage Leblanc, Le téléphone à l’épicerie relai de poste et les magasins de quincaillerie, de robes, de chapeaux. Je lui parlais longuement du bazar aves son fouillis d’articles allant, du taille-crayons, en passant par les jouets, les patrons pour tailler des robes et le casier à boutons qui servaient à embellir les ouvrages des dames. Elle m’écoutait émerveillée par l’abondance des choses qu’elle ne pouvait imaginer, le nom ne lui disant pas l’objet. Un classeur, un répertoire, une locomotive ! Même en gravures elle n’en avait jamais vu.

    —Si tu veux je peux demander à ma tante Antoinette qu’elle vienne te prendre une semaine chez nous. Tu verras un peu le village et tu saurais des choses.

    —Quand je pourrais, j’irais en ville, et, je ne reviendrais jamais.

    Un après-midi dans la colline j’étais monté lui porter une fiole d’eau car il faisait chaud. Les chèvres broutaient les branches basses d’un buisson. Elle était assise à l’ombre d’un noisetier. Je lui portais son eau. Elle but quelques gorgées et quelques gouttes coulèrent sur son torse décolleté.

    —Viens les boires.

    Je m’exécutais un peu troublé. Elle ferma les yeux et dans un souffle me demanda.

    — Veut-tu me voire ?

    —Je ne sais pas !

    Elle se mit debout et regarda aux alentours si personne ne venait puis lentement très lentement fit glisser sa robe sur ses chaussures. Je regardais sans rien dire ce corps blanc marqué par les brulures du soleil sur ses membres et sur son cou. Elle enleva une culotte de coton retenue par un élastique fatigué et m’apparue entière, avec une ombre de moustache sur le pubis. J’étais pétrifié par la beauté de cette nudité qui m’était révélée. Elle avait au niveau de ses seins plats des tétons rouge vif gonflés comme des cerises. Elle s’approcha de moi et serra ma tête sur son ventre. Je perçu une chaleur exquise et l’odeur de son sexe fit bondir mon émotion. Puis elle se pencha et de sa poitrine effleura ma bouche.     

    —Tu peux me lécher.

    Je m’exécutais et de sa main elle posa la mienne sur son sexe. Je sentis cette fourrure naissante soyeuse et odorante puis elle me repoussa gentiment. 

    —Pour le reste tu es trop jeune …Et moi aussi.

    Elle se baissa et resta courbée plus de temps qu’il ne lui eut fallu pour ramasser sa robe. L’horizon s’emplit de deux fesses roses et je vis son sexe où une perle d’eau s’accrochait à sa toison.

    —J’espère que tu tiendras ta langue ! Jure le moi.

    —Je jurais sur ce que j’avais de plus cher.

    — Sur quoi jures-tu ?

    —Sur la tête de ma sœur !

    J’avais la main sur le cœur et je pensais que si un jour je me parjurais ma punaise de sœur serait raide foudroyée. J’en souri encore.

    —Lise ! Merci tu es la première que je vois ainsi et que je touche. Permet moi de t’aimer jusqu’à la fin de ma vie.

    —Alexandre, moi je t’aime bien mais comme un très bon ami. Je t’ai fait ce cadeau car j’ai bien réfléchi mais je n’ai rien d’autre à te donner.

    —Quand je serai riche je viendrai ici pour te rendre le présent que tu m’as fait et je te couvrirai de bijoux.

    —C’est gentil mais pour l’instant entrouvre légèrement ta bouche, je vais t’embrasser comme les grands. Laisse toi faire et ferme les yeux.

     

     

    Les herbes folles ont envahi le jardin du père Verboson. La maison fermée, le puits n’a plus son seau et un brin de corde sur le fut s’effiloche au vent. Un volet était de travers et les oiseaux avaient fait des nids aux rebords des fenêtres. Tout est désert je repensais à Lise et à sa petite culotte de coton. Mon amour de neuf ans m’envahis comme si c’était maintenant. Je me surpris en érection et je regrettais qu’elle soit au loin. 

    Le vieux Verboson m’avait interdit d’aller dans les ruines de la maison d’en face. Il y avait parait-il une cave qui ne demandait qu’à s’effondrer. Avec ma pelle je dégage les gravats sur le côté de la maison et découvre le bouchon de la citerne des eaux de pluie. Je le soulève à grand peine. Elle est à moitié pleine d’une vase brunâtre. Un caillou lancé s’enfonce en peu de temps. Je recouvre le trou d’un volet à moitié pourri et dissimule le tout sous des branchages.

    Je fais encore un tour jusqu’à la colline de mes amours et près du noisetier je retrouve un bâton de berger gravé de signes cabalistiques, je l’emporte.  Arrivé à mon véhicule un garde forestier m’attend

    —Je vous ai pris pour un braconnier.

    —je ne suis qu’un nostalgique promeneur. Le village est déserté ?

    —Vous avez connu ?

    —Les Verboson.

    —A la mort du vieux ils sont partis à Clermont. Le père s’est embauché chez Michelin, et j’aurais bien dû le suivre. 

    —Et Lise ?

    —C’est ma femme, Vous l’avez connu ?

    —Je suis venu en vacance quand j’étais petit.

    —Et bien je lui dirai que je vous ai vu.

    —Dites-lui que je n’ai pas trahi mon secret 

    —Et c’est quoi ce secret

    — C’est mon secret.

     

    Rentré au bercail nos invités dorment toujours. Caro s’active en cuisine autour d’un rôti de porc en suivant une recette dans un vieux livre de cuisine. Je vais examiner les objets des poches et sacs de nos convives. Toujours des cartes ou des pochettes d’allumettes de boites de nuit. Des papiers de voitures, un trousseau dans le sac de la dame avec une clef de coffre-fort. Un passe port au nom de Clémentine Page.

    Clémentine ! Clémentine, j’en avais connu une à Lyon. C’était au retour de mon deuxième trajet sur le Moyen-Orient. Nous profitions de la trêve des confiseurs pour souffler un peu après un trajet pénible dans des cailloux et du sable Le Catcheur devait aller chez son lieutenant pour le repas de noël. Nous avions été en ville pour lui acheter une chemise et une cravate de circonstance. Vers les quatre heures notre achat effectué, il s’arrêta devant une poste et, un minuscule carnet à la main, me dit l’air mystérieux : 

    —Je dois téléphoner.

    Je su bien plus tard que c’était à la veuve d’un routier.

    Au sortir du bureau de poste, avec un air plus mystérieux encore il m’invita à rentrer seul à Gerland où nous avions nos chambres. Alors qu’il se dirigeait vers sa mystérieuse correspondante. Je traversais la place Bellecour pour prendre un bus devant Perrache. Une blonde-paille vêtue d’un manteau vert-pomme m’aborda. 

    —Tu viens beau militaire ?

     Je n’étais pas militaire mais je viens quand même.

    —C’est deux cents francs…plus la chambre !

    Je n’allais pas refuser deux cent francs à une dame un vingt-trois décembre. Elle m’entraina dans une petite rue sentant le pipi de chat et la javel. Devant un hôtel minable elle regarda sa petite montre de communiante.

    —Seize heures dix ! Si tu veux, pour quatre cent, tu me fais les trois troux ?

    Je savais qu’au golf il y en avait plus, mais comme elle proposait, j’acceptais « les trois troux »

     Une dame triste ; sur le palier ; nous donna des serviettes blanches en nid d’abeille et ; attendis un pourboire de rigueur dans ces circonstances, et ces établissements. Elle nous confia une clef avec un médaillon où figurait le numéro trois. Nous étions au bon endroit pour « les trois troux ».

    —En ce moment avec les fêtes on ne chôme pas. On en voit de toutes les couleurs, il y a des timides mais aussi il y a des pervers. Hier j’en ai monté deux… ensemble.

    Elle me la jouait à la professionnelle.

    —Ah !

    —Et il y a des vieux vicieux. Ils veulent te faire des choooses !

    —Après les trois trous je ne vois pas ce qu’on peut faire de plus !

    —Hé bien si mais moi je ne veux pas toujours.

    Après mes petits quatre cent francs la demoiselle s’occupa de moi. Nous nous mimes à l’aise, je passais au lavabo, elle passât au bidet.

    Je m’étais assis au bord du lit pour attendre la fin de ses ablutions, j’admirais sa silhouette juvénile presqu’androgyne et mon imagination la transposait, telle une marguerite, dans un champ de blé parsemé de bleuets et de coquelicots. Je sentais presque la brise de la colline qui venait faire ondoyer des vagues de têtes blondes et murissantes. Elle se, haut perchée sur ses escarpins. Elle avait gardé ses bas retenus par une porte jarretelle de demoiselle sage et son soutien-gorge au tissu parsemé de violettes.

    Je l’attirais a moi, caressais ses hanches, ses cuisses, ses jambes en descendants jusqu’aux mollets. Elle avait des chevilles très fine et je pouvais en faire le tour avec mes doigts. Je remontais lentement et quand mes mains arrivèrent sur ses reins je l’attirais à moi et embrassais son nombril. Elle me repoussa un peu et frissonnante.

    —Tu veux me faire quoi au juste ?

    —Ce n’était qu’un hommage pour remercier la nature d’avoir faites les femmes, si plaisantes, si agréables, si appétissantes, si affriolantes, si séduisantes, si exquises. Enlève ton soutiens gorge !

    —Je ne veux pas j’ai une trop petite poitrine et après j’ai du mal pour le ragrafer.

    —Moi j’aime les petites poitrines j’en raffole et je t’aiderai à le remettre. Viens !

    Elle plia ses bras dans son dos et retira l’engin qu’elle mit à cheval sur ma tête en riant. Elle avait un rire cristallin et discret qui découvrit des dents parfaites. J’attirais son buste et entrepris de lécher deux petites groseilles qui méritaient qu’on s’y attarde un instant. Elle frissonna, planta ses doigts dans mes cheveux et me dirigea de l’une à l’autre pour freiner les effets. Je remontais et l’embrassait longuement dans le cou, vers ses oreilles et sous la nuque. C’est elle qui prit mes lèvres et m’offrit une langue déliée. Elle me repoussa et s’étendis sur la couche en m’attirant à elle.

    — Prends-moi comme un sauvage !

    Tout en l’embrassant de ci de là, je la conquis en douceur et, la sentit tressauter, emportée par le plaisir. Je m’efforçais de la combler et j’en éprouvais un plaisir cérébral et charnel. Elle était en pleine extase et se mêlant aux soupirs du sommier elle poussait de petits cris qui devinrent un lamento. 

    — Ah ! Non, non, arrête !

    Moi tout à mes sensations j’appréciais cette compagne qui réagissait comme une Harley sous l’accélérateur. La dame aux serviettes alarmée par les cris de ma partenaire vint toquer à la porte.

    —Tout va bien  Léa ?

    —Oui ! Oui ! Ah ! Ça va…

    J’étais au paroxysme de ma retenue et explosais dans une apothéose de fulgurances. Elle abandonna la partie et les bras en croix, reprenait lentement son souffle et ses esprits.

     

    En rendant la clef, elle avait des étoiles dans les yeux. La dame au regard triste s’excusa  

    —Ne m’en voulez pas mais je n’ai pas l’habitude que les filles fassent autant de bruit. J’ai cru à des choses graves.

    —Ne vous en faites pas vous avez bien agit.

    Et en lui prenant le menton je déposais, sur ses lèvres ornées d’un rouge à deux balles, un chaste baiser. Elle eut subitement des paillettes dans le regard.

    Nous fîmes un bout de chemin vers mon bus bras dessus bras dessous et elle m’avoua dans un sourire déluré.

    —Je ne m’appelle pas Léa mon vrai nom c’est Clémentine !

    En me laissant devant le bus elle déposa sur mes lèvres un baiser d’adieu définitif. Les passagers qui nous virent pensèrent peut être que nous faisions un beau couple.

     

    Le Catcheur sapé comme un milord, cravaté comme un banquier et, chaussé comme un ministre m’amenait chez son lieutenant à qui il avait sauvé la vie. J’étais plus sobrement vêtu d’un blouson de suédines sur une chemise aux pointes de col effilochées. Je portais la bûche, le Catcheur une bouteille de champagne.

    —Et tu ne fais pas de gringue à la demoiselle ! Elle est ingénue. C’est une vraie jeune fille.

     

    —Alors mon « tringlot ! » Toujours le volant ! Sacré Papillon !

    Le Catcheur se nommait Papillon, je n’en revenais pas. Je l’imaginais, affublé de petites ailes multicolores, butinant des marguerites sous un soleil de printemps. Sur un porte-manteau je remarquais un manteau de laine vert-pomme. Il devait s’en vendre des dizaines.

    —On passe à l’apéro ! Maman, Clémentine, venez trinquer.

     

    Fin du chapitre trouix


     

    Chapitre quatre (comme les mousquetaires)

    Ou

    Pourquoi aller chercher des tueurs en Syrie

    Quand on peut en trouver dans l’hexagone

     

    L’odeur du rôti parfume la maison et je m’aperçois que mon estomac existe encore. Je rejoins Caroline dans la cuisine. Elle sort du four le plat juteux exhalant un fumet à réveiller un maitre d’école. Je l’entends crier des « Ya quelqu’un ? », qui restent sans réponse, le rôti n’attendra  pas.

     

     

    Je mange de bon appétit. L’air des collines m’a creusé et les souvenirs m’ont rendu mélancolique.

    —Dans le sac de notre invitée il y a des clefs et une doit ouvrir un coffre. On y fait un tour dans la nuit ?

    —Pas avant de savoir s’il y a un code. Elle dort toujours.

    —Toujours !

    —Bon on s’occupe du lascar ! Il braille de plus en plus.

    —Déguisements ?

    —Toi en bourreau moi en …

    —Infermière, j’ai trouvé des déguisements dans les coffres et dans la cabane.

    —L’infirmière masquée ? Bonne entrée en matière. Fourchette ? 

    —Si tu n’as pas mieux mais pas sur le palier.

    Nous trouvons notre bonhomme se tortillant pour sortir de ses entraves. Son sac a glissé et il nous voit. Moi en bourreau et Caroline en infirmière coquine mais avec son masque de carnaval vénitien.

    —Vous jouez à quoi ? Vous n’avez pas le droit de me séquestrer ! Je me plaindrai à la police.

    —Parlez leur aussi du traitement que vous infligiez à Jacqueline Poste ! A quoi servaient les menottes ?

    —Je ne connais pas de Jacqueline, je n’ai pas de menottes. Je ne dirais rien !

    Caro me fait signe de l’installer dans la pièce de la cage de fer. Celle-ci contenant la banquière, j’installe mon bonhomme par ses menottes à la chaine qui pend. Le bourreau (moi) se recule. L’infirmière présente les photos du garagiste. On voit jacqueline en soubrette de dos mais le buste tourné vers l’objectif.

    —C’est elle. L’avez-vous rencontrée ?

    —Jamais.

    —Même pas chez les Saint Gall ?

    —J’n’y étais pas ce soir-là.

    —Nous avons les aveux de ceux qui sont passés ici avant vous. Gaston Leblanc le garagiste. 

    —C’est vous qui l’avez tué…

    —Et aussi Saint Gall ! Les deux, plus Arlette Saint Gall.

    —Je n’ai rien fait. C’est des mensonges.

    —Maitre Sylvestre pourrait facilement vous disculper. Où peut-on le joindre ?

    —Il a acheté une boite à Lyon, c’est l’Arti-chaud. Il y passe souvent, il a une stripteaseuse à lui.

    —Comment à lui ?

    —Il l’a achetée à un gang de truands.

    —Nous allons vérifier ! Nous allons vous remettre en cellule. Vous serez libéré après.

    —Je veux être libéré de suite.

    Notre quidam se démène et se libère des entraves de ses chevilles, il s’échappe. Caro d’un violent coup de fourchette le fait bondir de douleur, et bis-patatras il bascule par-dessus la rambarde pour s’écraser plus bas. De deux sur le tapis c’est une épidémie. Caro est désolée

    — J’n’aurais pas dû, c’est un réflexe. Excuse-moi.

    —Va lui demander pardon, présente lui tes excuses, dis-lui que tu ne le referas plus !

    —Arrête les sarcasmes je n’ai pas le cœur à plaisanter. Qu’est-ce qu’on va en faire ?

    —Comme les autres ! Descendons ramasser les morceaux.

    Encore un qui a mal atterri. Pour l’instant il n’a plus de front et son sang coule sur le carrelage.

    —Heureux qu’il ne salisse pas le tapis.

    —A la vitesse ou ça va nous allons manquer de serpillères.

    —Regarde de la cervelle de professeur ! Elle est plus claire que chez les autres.

    — Vois cette tache brune il avait de mauvaises pensées.

    J’entoure sa tête dans sa veste et le glisse dans le grand sac. Nous allons manquer de sacs.

     

    C’est à ce moment que la vieille se réveille. Pas le temps de faire une pause. Elle est encore en sabine, les nichons à l’air .Elle se trémousse dans sa cage. Je redresse la cage et elle s’affaisse un peu elle parait moins grande 

    —Connaissez-vous Jacqueline Post.

    Pas de réponse sauf un regard dédaigneux.

    Caro s’approche de la mégère et lui enlève sa jupette. La culotte noire apparait grotesque de vulgarité. Des dentelles sur un gros cul. Caro saisit l’objet et d’un coup sec l’arrache dévoilant une toison couleur queue de vache. Elle passe deux doigta dedans et :

    —C’est ça que tu faisais lécher ?

    —Elle était bien obligée sinon Sylvestre la corrigeait

    Caro part de la pièce, un silence pénible et Caro revient avec un cierge allumé. Elle s’agenouille devant elle La dondon la regarde étonnée. Alors Caro s’applique à roussir les poils de la rombière. Une odeur de poulet « bucclé » envahit le bureau. La banquière appelle sa mère en se tordant de douleur. Caro d’une voix tremblante de fureur lui dit

    —Si tu te refuses à parler …

    Hé vlan!… Elle lui enfonce le cierge allumé dans le sexe Le cri est terrible la dame secoue sa tête contre les barreaux de la cage. Moi je vais faire un tour ailleurs. Caro me rejoint.

    —J’ai peut-être été un peu fort ?

    —Tu as été au fond des choses

    Au bout d’un moment nous revenons. Les cris ont fait place à des sanglots. Caro porte un deuxième cierge allumé.

    —Ne t’inquiète pas c’est pour la frime.

    —Tu ne récupère pas le premier !

    —Alors Jacqueline ?

    —Si ! Je la connais, c’est mon époux qui a mis son mari sur la paille, avec maitre Sylvestre. Mon mari, du vivant du bijoutier, la faisait venir dans son bureau, pour repousser les échéances. Il se faisait sucer parce que du côté de la raideur il avait oublié.

    —Et vous avez laissé faire.

    —J’avais exigé la venue de Jacqueline un après-midi par semaine. Maitre Sylvestre, à la mort de mon mari, en a fait son esclave. Il la tenait par des hypothèques énormes.

    —Et vous que faisiez-vous.

    —Je me payais sur la bête. J’aime les femmes, je me faisais polissonner le berlingot, des heures et quand mon mari rentrait j’obligeais jacqueline à le branler longuement jusqu’à ce qu’il crie de douleur.

    —Lors de sa mort Jacqueline revenait de chez Léopold Saint Gall que s’est-il passé ?

    —j’avais racheté les hypothèques et Jacqueline m’appartenait en plein, mais Sylvestre l’avait aussi vendue au Garagiste Alors il y a eu dispute et pendant l’altercation Jacqueline s’est sauvée et elle a été se noyer.

    —Ce n’est pas la version du garagiste.

    —Il a menti ce n’est pas moi qui l’a poussée dans la rivière. Elle était neurasthénique et voulait mettre fin à ses jours elle nous l’a dit.

    —Et vous n’avez pas pensé une seconde à arrêter vos tourments. Quel est le code de votre coffre.

    —Jamais !

    Caro approche le cierge et les yeux dans les yeux.

    —Tu vas me le donner après mais avant tu vas avoir très mal et longtemps.

    La bougie s’approche d’une grosse fesse marbrée de vergetures. La flamme fait grésiller les chaires la vieille se démène pour s’esquiver mais ses fesses emplissent toute la cage elle crie et pleure en même temps. La bougie s’éloigne, puis revient au même endroit et s’arrête.   

    —Non arrêtez je dis tout arrêtez ! Soignez-moi.

    Quel code ?

    —451732

    —Ou est le coffre.

    —Dans le bureau du premier.

    —Infermière soignez madame.

    L’infirmière saisit la culotte de la dame en fait une boule qu’elle enfourne dans la bouche de notre patiente et… 

    — Pour tout ce qu’a subit Jacqueline.

    Elle enfonce sa fourchette au niveau de la pomme d’Adam de la dame. Des bulles sanguinolentes s’échappent de la bouche et des narines de notre invitée. Je vais chercher nos dernières serpillères.

    —Arrache lui aussi les yeux pour qu’elle ne voie pas son malheur !

    —Que des hommes exercent des sévices sur des femmes je le comprends du fait d’un complexe d’infériorité intellectuel, artistique, affectif, total en somme mais qu’une femme se permette ces dérives révoltantes, Moi ! Je ne laisse pas passer, je ne soigne pas ! J’arrache.

    —He bien je pense que ta patiente a perdu patience, elle est en train de te fausser compagnie. Quand on dit que les français creusent leur tombe à la fourchette, celle-ci confirme. Tu pourrais peut être l’achever avec un couteau à poisson comme cela tout le service de table sera de la fête ? 

    Caro enfonce son cierge dans la bouche ouverte de notre amie

    —Tu en avais déjà un pour éclairer ta lanterne, voici le deuxième pour t’empêcher de cracher ton venin.

    Nous voilà avec deux cadavres de plus et le reposoir que j’envisageais ne peut plus être utilisé. Le mari de Lise devant continuellement fouiner dans le coin. J’emballe donc mes deux empaquetés dans une bâche puis les ballots dans un vieux Frigidaire (un vrai). Je saupoudre le tout de deux sacs de ciment. Le frigo est installé dans la Ford sur des manches à balai qui vont me faciliter le déchargement et vogue la galère .Je roule jusqu’à Serrières sur Rhône. C’est un coin charmant, les restos sont agréables, les arbres ombragent les quais et les péniches passent très lentement à cause des bancs de sable qui ont tendance à se déplacer inopinément. Je repère une descente de mise à l’eau et l’emprunte en marche arrière. Avant d’avoir les roues dans l’eau je m’arrête et ouvre le hayon. Malgré mon dispositif j’ai du mal à déplacer le frigo je l’attache à une longue corde que je vais fixer à un platane vingt mètres plus loin. J’embraye et le coli de retrouve sur la berge. Je le fais glisser dans l’eau et vas détacher l’extrémité de la corde. A ce moment une péniche descend lentement. Rapidement je fais une large boucle à ma corde et quand la péniche passe à ma hauteur je lance la boucle sur le pont. J’ai la chance d’attraper un coin de panneau de cale et mon frigo part en péniche-stop. Il provoque d’importants remous et je doute que la corde résiste bien longtemps. Sur ce n’étant pas loin de chez moi je rentre me coucher satisfait du travail accompli.

     

     

     

    Chapitre cinq (comme les lettres)

    Ou

    A Vienne que pourra !

     

     

    Caroline me ramène la Ford Nous allons à « La patate » qui sert aux « patatophages » toutes formes de plats, du gratin à la patate bouillie. Caro  me rapporte sa visite chez notre banquière. Le coffre contenait une foule de papiers qu’il nous faudra exploiter à loisirs.

    —J’ai aussi trouvé pas mal de bijoux, du vrai mélangé à du toc et j’ai tout raflé.

    —Que vas-tu en faire.

    —Les vendre et donner le produit pour la mère de Jacqueline. Je lui donnerai le week-end prochain, je suis obligée de passer à Beauvallon.

    —Tu va y passer?

    Intéressons-nous plutôt aux gratins.

     

    Caroline a passé la nuit dans mon appartement mais la fougue des premières fois n’y était plus. Des deux côtés la flamme était éteinte. Dès qu’elle aura des nouvelles de notre notaire nous aviserions. Je passais aux choses sérieuses et m’occupais un peu de ma couverture.

     

    Je tends un long rideau noir à deux mètres de la vitrine et j’installe un tableau qui sans être joli fait beaucoup d’effet si il est bien éclairé. De chaque côté je pose une sculpture sur un guéridon.

    Nous avons un semblant de magasin cossu qui n’expose pas ses œuvres de valeurs.

     

    Vienne va faire la fête et nous prépare un festival de jazz. Le théâtre antique s’organise pour recevoir le public et les musiciens. J’en profite pour charger dans ma voiture quelques  vieilleries de mon magasin. J’apporte le tout dans une déchèterie. Je commence à déballer quand une petite mignonne m’interpelle

    —Vous allez jeter tout ça ?

    —Je ne peux rien en faire.

    —passez les moi je fais de la décoration de meubles, en fait je recycle

    —Et vous en faites quoi ?

    —J’essaye de vendre dans les brocantes

    —Venez dans mon magasin  vous choisirez ce qui vous plait.et si vous voulez après nous irons au festival de jazz

    —Je dois aller ce soir pianoter sur mon Dx7 avec une bande de jazzeurs de banlieue. « Les Stratos »

    —Désolé votre synthé ne m’a pas été présenté.

    —C’est un Yamaha basique

    —Yamaha c’est une moto ?

    —C’est aussi des instruments de musique, j’ai fait rajouter un arpégiator et maintenant…Boum boum boum…Venez avec moi vous apprécierez.

    —En attendant passons voir mon fourbi

    Elle vient, elle voit, elle admire, soupèse, examine et un peu déçue me dit :

    —Ça ne vaut pas grand-chose et même ça ne vaut rien 

    —C’est dommage j’allais tout vous donner. Tant pis, j’irai tout mettre à la déchèterie.

    —Mais non je dis ça pour le payer le moins cher possible mais si vous le donnez c’est diffèrent. Vous n’êtes pas commerçant, c’est le b.a.-ba du métier. Dénigrer puis prendre mais pour une bouchée de pain.

    —Arrêtons de parler dans la poussière allons dans un restaurant, 

    Après le resto j’ai droit au synthé (deux heures) Mais avant portage du matériel.

    —Attention c’est fragile c’est bourré d’électronique. Vous savez c’est révolutionnaire l’électronique

    —Le plus révolutionnaire va être l’informatique, dans dix ans nous aurons des robots obéissants et dans cinquante ans nous obéirons aux robots. Les juges seront des robots…Ha !  George-Orwell-1948-un-livre, un-film et une prophétie

    —Je rêve d’un robot qui m’amène le café au lit le matin

    —ça existe

    —J’aimerai bien le voir. 

    —Vous en avez un spécimen devant vous ! Un sucre ou deux ?

     

    Les Stratos !eh bien ! Boum ! Boum ! Boum…avec plus ou moins de succès. Dans la salle la foule s’empiffre de paëlla boit du tord-boyaux et fume en mangeant. Prunelle s’occupe de son synthé et m’envoi des regards désespérés devant le manque d’attention des convives entre deux morceaux elle me fait « La barbe » de la main. Après la pause je m’empare du micro et, très solennel

     Ladies and gentlemen you are listening to this band can be auk today an ear In five years you will have to pay fifty pounds to get tickets for their concert Thank you very much. 

     

    Je suis acclamé chaleureusement puis les groins se replongent dans la bouffe qui provient d’une énorme poêle posée sur le genre de fourneau qu’on avait à la campagne pour la soupe des cochons. Les musiciens se marrent et je leur amène des bières pour leur donner du cœur à l’ouvrage. A la sortie nous nous séparons et Prunelle vient naturellement avec moi. Elle me prend la main et me murmure à l’oreille :

    —Sans sucre mais, si tu a, du miel.

    Je la connais depuis six heures et déjà elle se comporte comme si nous avions vécu ensemble une décennie

    —Entrons vite les enfants vont s’inquiéter à la maison.

    Je ne m’attendais pas à une telle réflexion.

    —Tu as des enfants ?

    —Oui ! Les nôtres, tu ne te souviens pas ? 

    Ouf ! Je reviens de très loin.

    —Je ne me souviens pas t’en avoir fait

    —Alors rentrons vite en faire.

    Je marche sur des pétales de roses, je respire des odeurs suaves et l’eau me parait un breuvage des dieux. Prunelle est très spéciale, comment vous dire, C’est une donzelle sensationnelle une ligne élancée, mince, des longs cheveux châtains et un visage de poupée de porcelaine.

     

     J’ai débarrassé toutes mes vieilleries dans un entrepôt qui lui sert d’atelier. Elle travaille avec une salopette désuète rayée et un pull déchiré. Je la regarde, elle me sourit, le temps s’arrête et je me retrouve en turgescence croissante. Avant qu’il ne soit trop tard je l’entraine vers sa couche tout en faisant sauter les bretelles de son vêtement. Je l’aime et elle ne dit pas non, même que des fois…

    Le temps passe et j’ai la visite éclair de Caroline. Du nouveau du côté de notre notaire. Il y a dans les papiers de la banquière un reçu pour un garde meuble sur Givors et Clermont-Saint Etienne-Lyon c’est sur la même autoroute Donc munis de procurations et de tous documents faux mais indispensables nous allons prendre possession de l’héritage de notre banquière de tante.

    J’embrasse ma Prunelle

    —Je passe voir un client pour une affaire, je reviens des que je le peux Attend moi en tissant une tapisserie.

    —Je n’ai pas de prétendant pas besoin de tapisserie, je te laisse le gout de mes lèvres pour que tu te souviennes de moi et qu’aucune autre ne te l’enlève.

     

    Caro se présente. Elle vient inventorier les biens de sa « sœur » pour la succession.  

    —Madame Page est décédée ? 

    —Il y a un mois Vous serez payé je suis la seule héritière.

    Caroline prend dans son sac un chéquier trouvé au domicile de la banquière et me le met en main.

    —Etablissez un chèque et demandez une facture pour le notaire.

    —Je vous ouvre son box.

    La case contient un magnifique secrétaire empire et deux valises. J’avance la camionnette banalisée et charge le tout avec l’aide des employés du dépôt.

    Pendant ce temps Caroline discute avec le patron puis nous partons dans un nuage de poussière d’anonymat. Je demande à Caroline pourquoi un chèque périmé ?

    —Pour le fun et pour jouer avec le feu. Pour corser l’aventure et mettre du sel dans l’action. A vaincre sans périls on triomphe sans gloire. Pour que l’esprit surpasse la matière et parce que je m’ennuie dans cette vie qui me fait partager mon espace avec tous ces médiocres. J’avais plus de plaisirs à fréquenter mon académicien qu’à côtoyer tous ces bourgeois aux petits pieds avides de jouissances factices.de baise insignifiantes d’alcools pour se donner un genre, de drogues pour faire branchés .

    —Retourne dans ta campagne et laisse tomber le notaire. Un mari cocu lui réglera peut être son compte ?

    —je n’ai pas envie de repasser à Beauvallon, Kelly O’Brien s’y est réfugiée. Son buveur de whiskys de mari lui faisait une vie impossible et elle a fait sa valise pour se perdre en France 

    —Nous aurons dans peu de temps un beau pugilas.

    Nous déchargeons le tout dans mon magasin et Caro s’occupe des valises. Nous avons un monceau de papiers et dossiers en tout genre. Caro se propose de les examiner plus tard. Pendant ce temps Je passe le secrétaire au peigne fin. Je trouve un tiroir à double fond qui contient des billets de monnaie de la troisième république. 

    —Voilà de la monnaie de singe !

    —Voilà un cambrioleur qui s’arrête au premier leurre devant son nez. Cherche encore !

    Au bout d’une demi-heure je n’ai rien trouvé, j’abandonne. Caroline me demande une loupe. J’ai justement une forte lentille qui devait servir aux anciens occupants. Ma tante commence à examiner le corps du secrétaire centimètre par centimètre.

    — Trouve-moi une longue aiguille du genre des aiguilles à chapeaux.

    J’ai beau chercher les aiguilles à chapeau sont rares de nos jours, je déplie un trombone et lui propose.

    —On voit l’intellectuel ! Elle fera peut-être l’affaire.

    Caroline sonde un à un tous les trous d’insectes et ! Miracle, un grincement se fait entendre. Une pièce de bois s’efface quelque part pour libérer une case à secret. Un côté pivote et laisse voir un espace contenant un sachet de velours noir.

    —Tu vois ne jamais s’arrêter à la première victoire. Ce genre de meubles contenait plusieurs secrets pour permettre aux propriétaires de ne céder qu’un maigre butin aux bandits et chauffeurs de tout genre

    —Des chauffeurs ?

    —A l’époque les gens cachaient leurs économies soi autour de la cheminée soit dans le jardin dans une jarre enfouille mais dans les villages ou les villes les meubles étaient plus pratiques pour cet usage.

    —Et les chauffeurs ?

    —L’argent était rare et ne circulait pas beaucoup. Des ouvriers ou des artisans repéraient les gens qui avaient du bien et la nuit, grimés ou déguisés en femmes, ils s’introduisaient dans les maisons souvent avec la complicité d’un domestique et …

    —Et ?

    —Et sortaient du lit les maitres, devant la cheminée, ils attisaient le feu et roussissaient les pieds souvent de l’épouse jusqu’à ce que l’emplacement du magot soit divulgué, puis ils s’enfuyaient en tuant bien souvent les victimes pour ne pas être reconnus.

    —Mais c’est affreux ! Comment finissaient-ils

    —Guillotinés et la justice ratissait large pour elle toute la famille était complice et elle inculpait  par groupes de quinze ou vingt il fallait porter la terreur aux terroristes des campagnes.

    —En attendant que contient le sachet de velours ?

    Nous nous installons autour du bureau. J’approche une lampe et Caro desserre les cordons du sachet.

    —C’est des pierres.

    Une cascade d’étincelles coule sur le buvard vert. Une trentaine de diamants de la taille d’une lentille et trois ou quatre comme des petits poids. Caroline me regarde et d’un air grave me dit

    —Il y a là une fortune. On remet tout en place !

    —Je préfère les cacher dans mon appartement, j’ai remarqué un carreau de la cuisine descellé. Nous y allons de suite comme ça tu sauras où ils sont au cas où…

    —Tu compte te faire reprendre ?

    On ne peut jurer de rien.

     

    Caroline est repartie sur Lyon traquer notre notaire. Moi, j’essaye de passer inaperçu. Julien Martel est monsieur tout le monde et avec Prunelle je passe pour un hippy attardé. Hier prunelle a participé à un récital de « musique » cent vingt décibels pendant deux heures. Nous sommes rentrés exténués.

    Ce matin c’est Maryse qui débarque avec des croissants mais bien trop tôt pour moi. Elle nous explique que depuis le retour de Kelly, la vie deviens impossible à Beauvallon. Roger est devenu brutal dans ses propos et semble lui reprocher son mariage, c’était lui qui l’avait voulu pourtant. Prunelle n’a pas l’air d’apprécier une présence féminine qui perturbe son équilibre. Je dois me débarrasser d’une ou de l’autre la sagesse voudrait que j’élimine les deux. Pendant que le café se fait en cuisine, je fais mon sac et laisse un mot sur la glace de la salle de bain. Je leur laisse les clefs du magasin, de la Ford et leur explique que j’ai une course urgente, je leur conseille de bien s’entendre. J’enfourche ma mobylette et disparait dans un nuage de poussière comme Lucky Luke.

     

    Je roule pendant une petite demi-heure et je m’arrête à la terrasse d’une petite auberge sympa face à un port de plaisance sur le Rhône. D’agréables platanes n’envoient pas encore leur pollen dans mes boissons des clients en terrasse. Je sirote un petit blanc en grignotant des cacahuètes jusqu’à ce que la patronne me présente l’addition.

    —Je n’ai pas d’argent sur moi ! Il faut que je fouille dans mon sac. Vous n’allez pas me faire faire la plonge pour un verre de blanc

    —Non mais je vais vous attacher au bureau jusqu’à ce que je trouve un veilleur de nuit pour l’auberge.

    —J’ai une vocation de veilleur de nuit qui ne demande qu’à se déclarer si l’occasion se présente

    —Vous êtes sérieux ?

    —huit jours, un mois, six mois si vous voulez je suis libre.

    —Huit jours à l’essai pour vous et pour moi. Le couché et le couvert plus un modeste salaire travail de vingt-deux heure à six. La chambre est minuscule mais, les repas vous dédommageront de l’inconfort.

    —Je commence quand ?

    —Ce soir repas à dix-neuf-heure.

    C’est une auberge près du fleuve. Un port de plaisance d’une cinquantaine d’anneaux à moins de cent mètres assure des clients pour les week-ends. Des représentants d’arrêtent en semaine loin de l’autoroute pour profiter du calme et de la table gastronomique. Des couples sans doute illégitimes viennent abriter un instant de bonheur.

     

    Les papiers de Julien Martel n’éveillèrent pas l’attention outre mesure sinon ma profession de typographe. La patronne me le fit remarquer.

    —Comment un typographe peut-il venir dans cette campagne pour faire veilleur de nuit

    —C’est simple quand vous travaillez essentiellement pour une revue de travaux public et que vous tapez à longueur d’année des appels d’offre pour des chantiers en France mais partout dans le monde, vous ne rêvez plus que d’enrobage de chemin vicinal, de construction de piscine municipale ou création d’un réseau d’assainissement au fin fond du Népal.de plus l’informatique aidant nous nous retrouvons en surnombre sur le marché du travail 

    —Ici vous ne risquerez pas d’être inquiétée par l’informatique

    —Détrompez-vous l’informatique va s’infiltrer partout Dans votre vie professionnelle mais aussi dans votre vie privée. Un jour !… J’envisage le pire.

    —Et vous êtes seul ?

    —La télévision et le travail de mon épouse nous ont séparés. Dans un petit appartement nous avions le poste face au lit et des émissions soporifiques m’endormaient immanquablement

    —Pour un veilleur de nuit c’est une confidence qui me fait peur

    —J’ai horreur de la télévision, je préfère la lecture

    Les plats (pas pour la clientèle) que nous prépare monsieur Charles n’ont rien de gastronomiques mais il tire ses recettes de la cuisine que faisait sa mère et nous nous régalons de queue de bœuf au confit d’échalotes, de sauces forestière qui caparaçonnent des cailles juvéniles, de civets de lièvres au sang ou de modestes patates cuites sous la cendres au beurre fondu. Ces préparations feraient fuir les diététiciens mais les petites proportions dans nos assiettes flattent nos papilles sans surcharger nos tissus adipeux. J’ai pris mon rythme. De six à sept après mon service je vais courir le long du Rhône sur le chemin de halage ce qui permet à Régine, la dame du ménage de dépoussiérer ma minuscule chambre.   

     

    Le temps passe et déjà plus d’un mois que j’exerce à la satisfaction de tous. Après mon footing journalier je suis en train de prendre mon petit déjeuné au bar. Un client qui discute avec la patronne se plaint de l’absence de son chauffeur. Cette situation ne vous rappelle rien ! Moi si et j’en profite pour prendre part à la conversation

    —Si vous voulez je peux vous dépanner j’ai mon permis Je ferai ça pour vous aider. Je suis gardien de nuit à l’hôtel.

    —Il s’agit de conduire un fourgon.

    —Sans problème.

    —C’est un fourgon mortuaire.

    —C’est beaucoup moins dangereux que les fourgons bancaires.

    Monsieur Gustave semble bien connaitre la patronne, en fait il accepte grâce à sa caution morale. Si le brave homme avait su mes références en matière de transport de corps il aurait été scandalisé de mes méthodes. Donc en début d’après-midi je me retrouve affublé d’un costume bleu-sombre, au volant d’un véhicule et pour une fois je transporte un mort de la façon la plus officielle. Je m’acquitte de ma tâche comme un vrai professionnel : sérieux, apitoyé ,discret, je ne fais pas partie de la famille. En pleine saison nous enterrons deux citoyens et demi (c’est une moyenne) par mois. 

     

    De temps en temps j’ai des nouvelles de Vienne par Caroline. Les deux femmes qui squattent mon appartement semblent s’entendre à merveille. Elles ne cherchent pas à savoir où je suis passé. Elles se sont organisées et leur petit train-train de vie parait leur convenir. Je me demande si Prunelle et Maryse ?… En même temps Caroline me tient au courant de ses recherches. Le notaire est introuvable. Caro pense qu’il doit se dissimuler en Suisse, pour jouer les vengeurs nous allons être obligés de voyager. Caro commence à regretter l’adrénaline de nos équipées vengeresses. Nous allons perdre la main.

    Je passe mon jour de repos au manoir à sillonner les sentiers de foret des alentours. Si la météo n’est pas favorable aux ballades je me calfeutre dans la bibliothèque et exploite les rayons.

    J’ai ramené une valise de livres et je me cultive pendant mes heures de repos sur des sujets aussi divers que l’évolution du vocabulaire au moyen-âge, la littérature du XIXème ou Aliénor d’aquitaine et les troubadours. J’arrive à faire en moyenne un voyage par semaine au volant du corbillard tout en assurant mes fonctions de veilleur de nuit. Monsieur Gustave semble apprécier le renfort que j’apporte à son activité. De mon côté tant que les enterrements se font de jour … 

    Depuis quelques temps Régine laisse trainer dans ma chambre soit son écharpe soit un accessoire de ménage et profite de la fin de son service pour venir le récupérer avec des yeux de biche qui a perdu Bambi. Je me doute qu’elle essaye de m’entrainer sur un terrain … Je vais devoir trouver un prétexte pour l’éviter sans la froisser

     

     

    Vers minuit un appel. Caro me demande de me préparer pour une nouvelle expédition

    Mais comme dit le film « Le temps d’aimer, le temps de mourir ». Il faut un temps pour tout. Et pour moi c’est le temps de tuer ou d’être tué. Rendez-vous pour une expédition à Lyon ce soir à l’Arti chaud.

     

    Retour à Vienne, Bonjour Mesdames ! Puis-je vous emprunter ma voiture ?

    Pas de réponse, j’enfourne la mob dans la Ford et je prends la route de Lyon et le monde, des gens pressés.

    Je retrouve Caro à la sortie de son piano-bar. Elle est toujours plus indienne que jamais. Elle arbore un tatouage chinois sur l’épaule.

    —C’est nouveau ?

    —C’est provisoire il s’efface en trois semaine. Moi je passe me changer et je file à l’Arti chaud. Toi tu te poste en mob aux abords et tu surveille la sortie. Si je monte dans une Mercédès décapotable blanche qui aura peut-être un hard-top noir,. tu fonce. et  à l’arrivée repère l’immeuble. Je serais avec notre notaire. Tu forces la porte avant qu’elle ne se referme. Si je peux j’introduirais un bouchon dans la gâche 

    —Sinon ?

    —Le hasard

    Il est deux heures du mat et je commence à me les geler avec la fraicheur de la nuit. J’ai repéré la Mercédès à cinquante mètres de la boite et je me tiens dans une encoignure de porte. Notre notaire sort et s’installe au volant. Elle attend devant le cabaret. Elle est en tailleur noir fuseau et escarpins. Les revers de sa veste sont surpiqués de blanc et elle s’est fait un chignon. Elle enlève sa veste pour monter et je peux démarrer mon engin. La poursuite commence je roule tout feux éteint. Quand il tourne j’accélère à fond, sur les lignes droites je laisse filer. J’imagine que Caro doit tout faire pour le détourner du rétroviseur. La voiture s’arrête et Caro en sort les seins nus. Elle passe sa veste sur ses épaules et se dirige vers un porche. Lui la suit et se précipite pour ouvrir la porte Je suis sur leurs talons Caro lui demande quelque chose et il retourne dans le véhicule. Il en revient avec un sac à main et un chemisier blanc. La lourde porte pivote sur des gonds bien huilés. Elle se referme sans bruit. J’arrive et la repousse sans peine. Caro a glissé un bouchon dans la serrure électrique Elle a dû étudier divers mécanismes et je rends un hommage muet à sa perspicacité L’ascenseur s’arrête au troisième. Sur les boites à lettre que des initiales pas de noms. J’enfile les trois étages par un escalier magnifique que la concierge doit se faire un point d’honneur à entretenir pendant que les occupants prennent l’ascenseur. Brave Caro devant la bonne porte elle a laissé trainer un morceau de ruban blanc. Je sonne et maitre Sylvestre en personne demande à travers la porte 

    —Qu’y a-t-il ?

    —Votre voiture commence à bruler.

    —Qui êtes vous

    —Votre voisin du premier.

    Il déverrouille. Moi je me précipite la matraque à la main. Je lui en administre un coup sur le nez et il baisse la tête ; j’en replace un sur l’occiput et mon notaire sombre dans ses sombres pensées. Le premier round n’a duré qu’une paire de secondes. Caro me dit :

    — Ce ’n’est pas trop tôt, j’ai dû lui faire le grand jeu pour le distraire pendant le trajet.

    —Heureusement que tu n’as pas la poitrine de la banquière, ça n’aurait pas si bien marché.

    Je sors un métrage de corde de rideau. Je ne connais pas mieux pour ligoter un bonhomme. On avait ligoté le Catcheur et il n’a jamais pu se libérer. Monsieur Papillon n’avait pas pu s’envoler. Mon Gérard se retrouve ficelé en moins de deux et Caroline m’aide à le porter dans la chambre. De son sac elle sort une seringue et injecte un tranquillisant à notre dormeur. Elle se déshabille et reste juste en culotte

    —Pourquoi tu veux lui montrer ce qu’il aurait pu avoir ?

    —Si un voisin rapplique.

    Je fouille l’appart qui est surement en location. Des bricoles sans importance pas de papiers. Caro de son côté fait un peu de ménage, elle commence à rouler le Gérard dans le couvre lit. Je ramasse le colis et Caro se rhabille.

    Elle ouvre la marche nous prenons l’escalier. Il a pris du poids depuis la dernière fois où je l’ai porté. Caro m’ouvre le coffre de la Mercédès et se met au volant. Je largue le colis et ferme le coffre. Caro démarre doucement pendant que je la devance en mobylette. Nous allons prudemment jusqu’à ma Ford et j’embarque la mob dans le coffre. Nous démarrons en direction de l’Arti chaud.

    Tout est calme le cabaret est fermé Caro ouvre avec les clefs de notre client. Elle va jusqu’au bureau et dégage le coffre derrière un classeur. Trois tours de clef, elle entre un code et Crac ! La porte s’ouvre. Je suis étonné.

    —Le code est le même que celui de son père à l’étude de Buzancy.

    — Les cons il faut les prendre par leurs sentiments.

    Nous raflons une masse de papiers et un bon paquet de billets. Caro trouve une tapette à souris dans un placard et avant de refermer le coffre elle l’installe sur la planchette du haut.

    —J’espère que le premier qui va passer la main pour explorer va se faire prendre.

     

    Nous débarquons le colis dans mon magasin. La piqure de tranquillisant continue son effet. Il va encore dormir dix heures. Je l’installe dans la cave et l’enchaine à un gros tuyau qui passe entre deux murs. Dans la pièce qui sert de bureau nous examinons les papiers du cabaret 

    D’abord les billets il y a pour plusieurs millions. Des dollars et des livres sterling de quoi racheter la tour Montparnasse. Caro va planquer le paquet dans un carillon Westminster des années vingt.

    —Personne ne viendra décrocher cette horreur.

    —Je te laisse évaluer les papiers moi je vais perdre la Mercedes.

    —Rapporte le petit déj au retour.

    J’enfile des gants et embarque la Mercédès. Je roule jusqu’à Givors et me gare sur le parking d’un hyper marché. Je la mets en décapotable et laisse les clefs sur le contact. Je fais un tour dans le magasin et ressort avec des croissants. Comme c’est ballot !  La Mercédès n’est plus là. 

    Je vais patiemment attendre le bus qui me ramène sur Vienne. Caro se débat dans les documents.

    — Alors ?

    —Il a des comptes en Suisse et un paquet d’actions en Grande-Bretagne. Je crois que nous ne pourrons sauver que le liquide et encore, pourvu que ce ne soit pas des faux billets.

    —Je passe voir notre ami.

    Je l’avais installé sur une table qui traine dans la cave. Je lui passe un vieux coussin sous la tête et lui tapote un peu les joues. Il se réveille lentement et cherche à reprendre ses esprits. Je lui donne un verre d’eau, il boit la moitié et le rejette de suite. Caro lui a fait une injection de produits vétérinaires et ce n’est pas idéal pour un vieux fêtard qui doit avoir un foie comme une éponge.

    —Où suis-je ?

    —Au Monopoly on appelle cela la case prison.

    —Qui êtes vous

    —Maillard ! Alexandre Maillard.

    —Il est en prison.

    —Il n’est plus en prison et il vient vous présenter la facture. Vous me devez…

    —Rien.

    —Alors je prendrai votre vie comme j’ai pris celle des Saint Gall, celle de votre bon ami Gaston Leblanc garagiste, celle de votre amie Clémentine veuve du banquier, celle du maitre d’école, vos bon compères de partouzes. Ils ont extrêmement souffert avant de décéder. Fouettés, roussis, charcutés

    Caroline viens dans la cave, un papier à la main. 

    —Notre notaire s’est fait rouler, il a cru placer ses économies dans une banque discrète à Hong-Kong. C’était une fausse banque avec un nom approchant une vraie officine. Elle a fait une pub discrète mais convaincante et après un certain nombre de victime tout se dissout et plus de traces. Le voleur qui se fait voler ce n’est que justice.

    —A part ses chaussures et son cabaret il n’a plus rien.

    —L’Arti chaud je n’ai qu’une participation.

    Caroline remonte et je vais avec elle. Nous faisons le point de la situation et Caro conclut

    —Il ne nous est plus utile, il ne nous reste plus qu’à lui faire payer le calvaire de Jacqueline, Je m’en charge, trouve un emballage.

    —On commence à manquer. On aurait dû ouvrir un cimetière privé, réservé aux tueurs amateurs, aux chirurgiens maladroits et aux mauvais docteurs.

    —Et les héritiers pressés ?

    —Pour les héritiers pressés il y a les maisons de retraite et les asiles. Une bonne tutelle et l’état se charge de tout

     

     

    Pendant que Caro « finit » maitre Sylvestre je m’occupe d’un emballage. Je vais fureter vers les brocantes à la recherche d’un frigo assez grand. Les congélateurs deviennent hors de prix il doit y avoir une sacrée demande ces jours. A la fin je trouve un tonneau. Il devrait être assez spacieux pour ce qui va rester du notaire après le traitement que Caro lui prépare.

    De retour au magasin, je vais voir en quel état se trouve notre ami. Caro Attaque un tibia à la perceuse. Elle lui a au préalable cassé les dents au marteau et planté de grosses vis dans les chaussures. Quand les femmes se mettent au bricolage on ne peut plus les tenir. Maitre Sylvestre m’adresse un regard suppliant. Je lui adresse un geste d’impuissance et lui parle de la solidarité masculine mise en butte par la fureur castratrice des nouvelles dominatrices du genre humain.

    Caro pose la perceuse et s’est munie d’un emporte-pièce pour poser des œillets Elle s’emploie à trouer tous les endroits possibles, lobes d’oreilles, gras du bide, prépuce Sur un établi traine une grosse agrafeuse. Pour ne pas laisser ma partenaire et de plus ma tantine bien aimée sans participer aux opérations, je claque plusieurs agrafes aux oreilles de l’ex « Freine au vent ». Pour ma part satisfait de ma participation symbolique mais réconfortante, je vais faire sauter deux ou trois cercles pour ouvrir le fût.      

     

    Le tonneau refermé avec peine. Je commence à avoir faim Caro se lave les mains mais il reste du sang et le lavabo du magasin n’est pas pratique. Je charge le baril dans la Ford et j’invite ma tantine au restaurant. Il y a une petite auberge sur la colline qui domine le Rhône qui invite à la visiter quand on passe devant. Le repas fut comme d’habitude chez les restaurateurs. Un cadre agréable voulant être romantique, une serveuse alanguie et rêveuse qui attends le départ des clients. Le cuistot vous ressort du frigo un reste de blanquette ou un gratin dauphinois et réchauffe son rata sur un piano crasseux et encombré de casseroles où commence à aigrir des sauces diverses. Conclusion, le prix est exorbitant pour ce qui est servi et vous regrettez les sandwichs SNCF qui au moins ont une réputation à sauvegarder. Caroline décide de rentrer au manoir des supplices .Chemin faisant je me souviens d’un camion qui avait abouti dans un précipice et qui y est resté là car il nous avait été impossible de l’en ressortir. Mon tonneau va le rejoindre et Caro assortit la chute d’une sentence en latin que je ne pourrai vous traduire. Fini les exterminations.

     

     

    Julien Martel se coule en force dans la pelisse de son personnage. Monsieur Gustave m’emploie de plus en plus. Il m’apprend à préparer les clients. Habillage maquillage, bourrage des cercueils. J’ai eu une formation par ma tantine pour approcher des cadavres et j’arrive même à traiter les accidentés de la route, stoïque, sans sourciller.

     

    Monsieur Gustave a fait une affaire formidable en rachetant un important lot de boites à une menuiserie en faillite. Par contre il faut les vernir et fixer les poignées. Il me propose de passer mon temps restant à ces taches peu enrichissantes. J’accepte mais à condition d’aménager d’abord une cabine de peinture avec ventilation pour vernir les cercueils. Sa fille Odette vient me rejoindre souvent dans l’entrepôt et se charge de l’habillage des intérieurs. Pour m’amuser elle vient me voir dans ma bulle de peinture affublée de guirlandes de dentelles en plastique. Je la regarde à travers les verres embués de verni de mon masque à peinture. Elle rit en virevoltant avec ses boas de pacotilles et repart en courant. A chacune de ses intrusions elle va un peu plus loin dans ses provocations jusqu’au moment où elle vient s’exhiber simplement vêtue d’une guirlande qui me laisse entrevoir la majorité de ses charmes. Je me retourne le pinceau de verni à la main et ne vois qu’une chose à faire c’est de lui vernir une  partie de sa cuisse. Elle rit un peu puis se fâche

    —Qui s’y frotte s’y pique

    — Maintenant il ne te reste plus qu’à me nettoyer !

    Je lui passe un chiffon et elle me le redonne.

    —Si tu es assez bête pour me vernir, tu dois être assez intelligent pour me dévernir ! À toi le chiffon.

    Je m’exécute et frotte le verni avec un chiffon imbibé d’alcool. Mais voilà après le verni…

     

     

    Chapitre suivant le chapitre d’avant

     

    En pleine garde dans mon hôtel, un coup de fil en pleine nuit :

    — Prépare-toi pour vendredi

    —Un notaire en mal de repentir ?

    —Non un nouvel objectif. Rendez-vous à Vienne chez toi.

    —Ne dévoile pas mon adresse à mes deux femmes je tiens à ma tranquillité.

    —Elles se débrouillent très bien sans toi !

    Je demande un congé de trois jours à la patronne de l’hôtel, j’avertis Monsieur Gérard et prends le train pour Vienne. J’arrive à tant pour voir Caroline descendre d’une grosse camionnette noire qui ressemble à s’y méprendre à un corbillard. Elle est suivie de mon ami Le Paul au volant d’une dépanneuse flambant neuf. Après les effusions des retrouvailles il m’invite pour l’aider à transborder une bouteille d’acétylène et un important rouleau de tuyaux dans le fourgon de Caro. Après cela nous passons à la cuisine pour nous laver les mains et nous gargariser avec des boissons apéritives. Tout le monde se retrouve pour trinquer quand Paul repose en vitesse son verre.

    — J’ai oublié le carton de mousse expansive !

    —De la mousse expansive ? Que voulez-vous faire ?

    Caroline nous explique que nous aurons dans notre prochaine équipée à colmater quelques fissures.

    —Je vous ferai une démonstration propose Paul car je suis du voyage.

    —Caroline nous expose la manœuvre prochaine. L’objectif est une villa un peu isolée sur les bords de la Saône. Le but est de châtier une bande de voyous kosovars qui rackettent les danseuses de diverses boites dont l’Arti-chaud et qui ont pris en charge Tanya la danseuse de notre Sylvestre

     

    Sur ce nous vidons les verres et Caroline nous invite à rejoindre nos chambres pour nous reposer un peu

    —Réveil sept heures pour tout le monde.

    Je me retrouve à partager une chambre avec Paul. Il est un peu gêné de se retrouver avec moi dans une expédition de ma tante Caro

    —Tu comprends cette fois ci c’est un peu plus technique que vos petites intrusions.

    —Je réalise que tu t’es fait embobiner comme moi.

     

     

    Réveil à six heures. Café sans croissant et dix minutes pour se préparer. On embarque dans ma Ford. Caroline prends son wagon et la caravane s’ébranle vers les hauteurs du mont Pilat. Au bout d’une demi-heure de lacets et de descentes et de grimpettes nous nous arrêtons sur un plateau plus petit qu’un stade de basket. Caroline passe ses troupes en revue et commence à distribuer les taches Maryse et Prunelle sont affublées de musettes en bandoulières remplies de trois cartouches de mousse expansive  Je suis chargé de la marche du tuyau. Paul se retrouve à l’arrière du fourgon il aidera au déroulement du rouleau de tuyau. Caro va de l’un à l’autre prodiguant ses conseils ou précisant ses directives. Puis tout le monde rembarque et au coup de sifflet chacun prend sa place de départ. Caroline chrono en main surveille notre déploiement. Elle crie « stop » tout le monde se fige sur place. Elle s’avance vers Maryse et lui suggère de plutôt effectuer une manœuvre sur le côté droit pendant que Prunelle passe par la gauche

    —Vous devez décrire un cercle et vous retrouver à chaque coin de la bâtisse

    —Et s’il y a du grillage ou des barbelés ?

    C’est Prunelle qui balise.

    —En cas d’obstacle, Julien et Paul interviendront mais c’est peu probable j’ai reconnu le terrain la semaine passée

    —Bien mon adjudant !

    C’est Paul qui la ramène. Caro le fusille du regard et il se fait tout petit dans ses escarpins vernis.

     

    Nous effectuons une dizaine de manœuvres puis Caroline étant satisfaite

    —Dernière répétition en vrai !

    Nous sortons des véhicules et tel des indiens sur le sentier de la guerre nous nous déployons chacun effectuant sa mission

    Prunelle entoure une fenêtre de mousse pendant que Maryse fait de même avec la porte Maryse est la dernière à se retirer c’est mon signal pour intervenir j’enfourne l’extrémité de mon tuyau dans un entonnoir noyé dans la mousse expansive et bat en retraite Je rejoins Le Paul qui se démène avec les robinets et détendeurs. Caro chronomètre en main compte les secondes

    —Top !

    Je me précipite et aide le tuyau à se rembobiner pendant que Caro va installer devant la serrure un dispositif où des fils rouges et bleu dépassent. Nous rembarquons et les véhicules remontent la route sur un kilomètre. Nous nous arrêtons sur un promontoire dont le point de vue est signalé par une plaque panoramique De là nous dominons notre objectif de bien cent mètres. Au bout d’un moment une formidable explosion fait vibrer l’air. Un nuage noir monte et nous n’avons que le temps de nous boucher les oreilles pour éviter l’onde de choc sonore.

     

    De retour à Vienne Caroline dépose le fourgon dans le garage. Le Paul s’assure qu’aucune fuite de gaz ne risque de volatiliser mon refuge, puis nous embarquons dans la Ford pour un resto bien gagné. Nous évitons l’agglomération et ses embouteillages en passant à l’est de Lyon.

    Une succession de petits villages sont traversés mais le paysage reste une succession de lotissements et de ruelles désertes.

     

    Nous arrivons sur la place devant le château de Saint Bernard en bord de Saône et laissons le véhicule pour finir à pied jusqu’au restaurant. On a choisi une table sous une tonnelle de feuillage. Le cadre est printanier mais les feuilles roussies nous rappellent l’automne. Prunelle et Maryse semblent s’entendre je dirais presque… mais

    Nous commandons des grenouilles sauce persillée et des frites. Moi je préfère une assiette de charcuterie et du pain de campagne tiré d’une boule de six livres. Le beaujolais nous délie la langue et les conversations vont bon train. Le Paul raconte une histoire de dépannage où il s’est retrouvé obligé de remonter d’un fossé une citerne de lisier qui…Maryse lui coupe la parole en lui rappelant que nous sommes à table. Le Paul rougit et s’excuse. Prunelle réagit avec un moment de retard à la citerne et déclare que c’est ragoutant de parler de …à table et que ça coupe l’appétit. Caroline lui remplit un verre d’un Fleury qui chante en coulant dans le verre et caresse de ses senteurs la narine qui plonge à sa rencontre. Je laisse le café pour aller me promener le long des berges. En chemin je ramasse quelques cailloux plats pour faire des ricochets et me rappeler mes exploits d’école buissonnière. Prunelle me rejoint et me fait comprendre que…avec Maryse. Mes illusions s’envolent tout à fait mais j’en avais perdu déjà beaucoup.

     

    Le Paul et Caroline partent à pied dans la nuit bras dessus bras dessous comme des amoureux en reconnaissance des lieux. A quelques distances nous attendons. Prunelle révise le maniement de ses bombes à mousse. Maryse récite un texte de Joachim Du Bellay

    Aventureux celui qui peut longtemps suivre en guerre

    Sans mort, ou sans blessure, ou sans longue prison !

    Chanceux qui longuement vit hors de sa maison

    Sans perdre son bien ou sans vendre sa terre !

     

    Heureux qui peut en cour quelque faveur acquérir

    Sans crainte de l'envie ou de vile trahison !

    Hardi qui peut longtemps sans danger de poison

    Jouir d'un chapeau rouge ou des clefs de saint Pierre !

     

    Favorisé qui sans péril peut la mer fréquenter !

    Content qui sans procès le palais peut hanter !

    Gâté qui peut sans mal vivre l'âge d'un homme !

     

    Florissant qui sans souci peut garder son trésor,

    Sa femme sans soupçon, et plus heureux encor

    Qui a pu sans peler vivre trois ans à Rome !

     

    Un silence profond suit cette déclamation et les paroles « Sa femme sans soupçon » me plongent dans une infinie tristesse. A ce moment Caroline revient et nous fait signe de nous mettre en « Batterie ».J’amène le fourgon jusqu’à Paul.il commence à dérouler le tuyau et je me saisis de l’extrémité. Prunelle et Maryse se déploient en avant et soudain une voiture arrive. Elle prend dans ses phares Prunelle qui reste interdite, plantée sur place. Un gaillard bâti comme un catcheur jaillit du véhicule et la saisit par les épaules en vociférant dans une langue gutturale.

    Prunelle roule des yeux effarés et envoie un jet de vomissures sur le poitrail de son adversaire. Celui-ci la repousse loin des lui en crachant des insultes à travers un rictus de dégout. A ce moment Maryse vide presque sa bombe de mousse sur le visage du catcheur qui suffoque et se débat. Paul arrive armé d’un énorme extincteur et l’écrase sur la nuque du colosse. Celui-ci s’effondre au tapis, ko, mais personne ne le compte.

    A l’instant une lumière éclaire la scène et un colosse s’encadre dans une porte qui vient de s’ouvrir. Paul se rue contre cet adversaire inattendu et lui vide une grosse giclée de neige carbonique dans la figure avant de lui écraser le fond de l’appareil sur le front. Et de deux au tapis. J’emboite le pas de mon amis et saisit au passage un manche de pioche qui attendait sur une commode du couloir Paul arrive dans une pièce aux lumières tamisées où deux individus se prélassent sur un canapé Mon Paul crie « Police » et sans attendre écrase l’extincteur sur la face rubiconde du premier individu. Pour ne pas rester les bras ballants j’assène un magistral coup de manche sur la tête du deuxième quidam. Nos protagonistes vont renifler l’épaisse moquette parsemée de fioles diverses et de mégots.

    — Attache-les ! Moi je déblaye le reste.

    Le Paul tel un farouche voltigeur défonce les portes à coup de pieds. Les serrures volent sur les parquets et d’un regard circulaire il s’assure que le local est inoccupé. Je le rejoins devant la descente de la cave. Nous trouvons une porte blindée puis une solide porte en chêne verrouillée par un cadenas énorme. Derrière un faible remue-ménage. Le Paul me fait signe de remonter

    —Cherche la clef en haut je regarde ici.

    Je retrouve un trousseau de clefs dans énorme un cendrier devant une télé. Paul ouvre la porte de chêne. Trois jeunes filles sont blotties au fond de la pièce. Paul armé de son extincteur les effrayent encore plus. Elles s’expriment avec des mots mi français mi slave. Grace à mes voyages au Moyen-Orient je comprends qu’elles sont prisonnières forcées d’obéir. Sur ces entrefaites Caro nous rejoint, elle a neutralisé nos deux premiers antagonistes et prend conscience de la situation.  

    —Dis leur que nous sommes des amis et de monter en haut

    Je m’exécute dans le sabir qui me servait sur les routes d’Europe de l’est. Elles me comprennent et déguerpissent promptement. Le bruit de la cavalcade s’estompe pendant ce temps mon Paul essaye vainement les clefs du trousseau sur la serrure de la porte blindée

    —Bernique ! Elle doit être ailleurs !

    —Il va falloir faire les poches de nos gugusses d’en haut

    Nous remontons à l’étage. Caroline organise le chantier, pendant que les donzelles libérées se bâfrent à la cuisine ce qui laisse à penser que leur régime alimentaire était de nature à leur sauvegarder la ligne. Elles se sont emparées d’un stock de saucisses et les dévorent goulument. Une petite blonde se détache du groupe et voyant un de nos prisonniers entravé et le front ensanglanté elle commence par l’invectiver copieusement. Il doit y avoir un paquet d’adjectifs dans cette diatribe. Caro l’empêche de s’acharner sur notre victime mais la furie continue de crier :

    Ga na kljukne !Ga na kljukne !

    Elle nous montre la poitrine du bonhomme et répète sa phrase. Je crois comprendre qu’il s’agit d’une clef. Je dégrafe la chemise de l’individu et découvre dans une toison  rousse et crépue une clef de sûreté au bout d’une chainette en or qui doit couter le prix d’une année de tapin sur le « boulevard de ceinture » cher aux lyonnais libertins ou égrillards. Caro décroche la clef et la passe à Paul qui va de suite l’essayer sur la porte de la cave .On aperçoit un réduit aménagé de plusieurs étagères. Dans un coin un lance-roquettes flambant neuf qui attire d’emblée la convoitise de Paul   

    —J’ai toujours eu envie d’essayer un tel engin sur un camion-citerne. Boum ! Ce doit être formidable. C’est noël pour moi aujourd’hui.

    Des roquettes sont dans une caisse de bois avec des poignées en corde et des inscriptions peintes en blanc. Le couvercle est ouvert et laisse voir les projectiles couchés sur de la mousse Sur la tablette du haut des gros paquets de billets de banque, dollars, euros, livres sterling et des sachets remplis de pièces. Sur l’étagère dessous des sachets de poudre sont sommairement dissimulés par un chiffon. Caroline reste muette puis propose à Paul de tout déménager.

     

    Nous avons remplacé le trésor des kosovars par notre bouteille d’acétylène en la laissant se vider lentement. Caroline a disposé sur la serrure son dispositif avec les fils multicolores et nous nous sommes retirés non sans prendre avec nous le chef de la bande. Ses flingueurs sont restés se reposer sur le canapé devant la télé. Le programme ne semblait pas les intéresser plus que ça mais nous ne leurs avions pas laissé la télécommande.

    Dans le véhicule qui roule vers le manoir les filles se sont mise à chanter une complainte qui doit venir de l’époque soviétique mais que voulez-vous en ce temps-là il était plus facile de vanter le socialisme en chansons que de l’appliquer.

    Notre prisonnier est débarqué sans ménagement et installé dans la cage métallique. Pour le moment on le pousse à l’ombre sous l’escalier. Les dames passent en cuisine pour restaurer nos donzelles et banqueter pour fêter notre réussite. Paul m’aide à transporter notre butin dans le petit bureau. Je le vois l’œil humide devant le bazooka. 

    —Demande le à Caro si il te fait tant plaisir.

    — Je n’ose pas c’est un peu trop gros elle va refuser.

    —Elle ne pourra rien refuses au témoin de mon mariage

    —Ne me reparle plus de cette cérémonie. Je m’étais mis en frais avec ma bourgeoise. On ne t’a pas fait honte

    —Parait-il que la couture de ta veste a craqué dans le dos quand tu faisais danser Marcelle.

    —J’avais abusé du champagne et du gâteau des mariées.

    —Demande elle ne va pas dire non et de plus elle ne saura pas s’en servir, par contre invite moi le jour des essais.

    —Promis juré.

     

    Les nouvelles vont vite, au matin j’allais acheter viennoiseries et pain frais ainsi que quelques douceurs pour nos donzelles Pendant ce temps Caro était partie chercher Tanya pour la rassurer et lui faire retrouver sa sœur. Je ramène deux journaux qui relatent entre autre les résultats de notre expédition nocturne. Paul s’empare d’un exemplaire. Nos exploits ne font que deux lignes et ne signalent qu’une explosion de gaz suivie d’un incendie.

    A l’arrivée de Tania les trois filles sautent de joie et tombent dans ses bras.

     

     

    —Le Paul repart au volant de sa dépanneuse. Il est tout content de son nouveau joujou et a emballé le bazooka comme s’il était en verre. Je ne pense pas que Marcelle soit si enthousiaste de cette nouvelle acquisition. Maryse et Prunelle ramènent les filles munies de leurs vrais passeports à Beauvallon où elles vont se faire oublier un peu de la pègre lyonnaise. Notre prisonnier, ayant passé une journée dans la cellule du haut, s’est un peu calmé. Caroline après avoir examiné le butin ramené de la villa, entre en grande conversation avec notre gros kosovar. Après avoir plusieurs fois secoué la tête négativement il approuve la proposition de Caroline. On lui passe une liasse de feuilles et il paraphe et signe le tout Caroline m’envoie planquer le tout dans le bureau et quand je reviens elle lui a ouvert la cellule et je les retrouve en cuisine. Il se contente d’un reste de pâté de quelques biscottes et de deux croissants qui ont échappés à la voracité des filles      

     

     

    Après avoir ramené mon client à L’Arti-chaud (vivant pour une fois), je rentre à mon hôtel et reprends mes fonctions de veilleur de nuit-croquemort. Caro m’a passé une valise de billets, des dollars, des francs suisses, des livres sterling et une grosse boite à chaussures remplie de petites coupures en francs français. Je croule sous les billets de petite monnaie qui tenaient trop de place dans le coffre de Caroline. Ma chambre à l’hôtel étant trop exiguë, je range tout mes trésors dans mon vestiaire à l’entrepôt des cercueils. Pour plus de sureté j’ai planqué une clef du bâtiment dans un trou du mur rebouché à la mie de pain comme je faisais quand, sur le chemin de l’école, je jouais à l’ile au trésor. Le matin j’étais le capitaine Flint cachant mes pièces de huit dans des cachettes toujours plus secrètes. Sur un petit carnet après la cantine je traçais la carte de la cachette avec les points de repères et la fameuse croix au crayon rouge Le soir au retour j’étais Billy Bônes cherchant le trésor et me cachant de Chien noir et de John Silver . Combien ai-je perdu de billes ou de bouts de crayon qui dorment encore dans les murs du chemin dans des cachettes tellement secrètes que je n’ai pu les découvrir.

     

     

    La vie reprend comme avant : nuits blanches, enterrements, vernissage de cercueils. Je commence à voir le bout du tunnel il ne me reste plus que quelques boites à vernir et Odette s’inquiète.  

    —Comment allons-nous faire pour nous voir quand le travail sera fini ?

    —Nous demanderons ta main à Monsieur Gustave et nous irons nous perdre dans un pays où le soleil brille par exemple aux iles grecques.

    —Attends un peu que je puisse le familiariser à l’idée. Pour l’instant ce serait un choc. Il me voit toujours comme si j’allais entrer en sixième.

     

    Ce midi nous mangeons en cuisine Madame Charles. Son mari me demande à brûle-pourpoint si je me plais dans mon travail. J’essaye de comprendre pourquoi cette question puis, je formule une réponse mi chèvre-mi-choux.

    —Tant que vous ne vous séparerez pas de moi je n’ai pas de motif d’aller ailleurs.

    —Avec Monsieur Charles nous avons pensé que si vous devez rester encore longtemps nous pourrions vous loger dans l’appartement au-dessus du garage. Votre chambre n’est bien que pour un dépannage Bien entendu nous ferons faire des travaux pour rendre  l’appartement plus habitable

    —Je vous remercie de penser à mon confort effectivement la chambre est trop exiguë pour que j’installe quelques livres supplémentaires.

    Je continue à faire le désespoir de Régine qui ne sait plus quoi inventer pour me séduire. Je l’ai retrouvée un matin couchée dans mon lit et j’ai un mal fou à lui faire comprendre que je ne suis pas intéressé par ses propositions

    —Régine ! Je ne peux pas te contenter, j’ai des obligations je suis encore marié et j’ai un autre foyer ailleurs

    —Tu es bigame ?

    —En quelque sorte, j’ai une épouse qui n’ m’attend pas et une maitresse qui veut se marier. Ma situation est assez embrouillée pour ne pas encore la compliquer.

    —C’est sans importance moi je n’ai besoin que de caresses et de tendresse. Quand j’ai fini de retaper les lits qui ont étés ravagés par des couples je suis comme une allumette sur un fourneau. J’en perds l’appétit.

    —Trouve un brave garçon qui pourra te satisfaire.

    —Les hommes ça ne comprend rien…Surtout toi.

     

    Je vais profiter du weekend pour emménager mon nouvel appartement. Madame Charles me donne plusieurs meubles pour mon installation et je n’ai qu’à faire un tour dans les magasins du centre pour parfaire mon équipement

     

     

    Ce matin nous avons un double enterrement. Un couple s’est intoxiqué avec un chauffe-bain qui dégageait de l’oxyde de carbone. La bonne y est aussi passée. Elle va être enterrée dans son village par une société de l’Ardèche. Devant le funérarium de l’hôpital deux fourgons stationnent. Je discute avec le conducteur de la société ardéchoise. Et quand deux croquemorts se rencontrent ils se racontent des histoires d’enterrement. Mon homologue me parle d’un enterrement en plein hiver avec des bourrasques de flocons, du vent froid et pour finir une énorme congère qui bloque la route. En attendent le chasse neige la famille et les participants sont partis à pied s’abriter dans une ferme proche. Hé bien la veuve voulait qu’ils prennent le cercueil avec eux ! 

    Je le laisse parler en pensant à Odette. Monsieur Gustave me fait signe,. Je lui prête la main pour installer nos clients dans leur boites respectives Nous faisons entrer la famille puis nous attendons la police pour sceller les couvercles. J’ai toujours quelques vis dans la poche de ma veste au cas où.

     

    Venant de la chapelle d’à côté, entre un agent de police tenant une bougie allumée dans une main et un bâton de cire rouge dans l’autre. Il est suivi d’un commissaire portant le sceau et une liasse de papiers et je pense à des officiants d’une secte laïque amenant la loi comme un dernier sacrement. Le commissaire semble pressé de regagner son bureau. Il vérifie brièvement l’identité du premier client et nous demande de refermer. Monsieur Gustave armé d’un vilebrequin s’active du côté droit pendant qu’à l’opposé j’approche les vis quand soudain je me retrouve nez à nez avec le petit commissaire. C’est mon commissaire. Celui qui a arrêté mon notaire, le même qui m’a arrêté. J’ai encore dans les oreilles son «  Kenavo » lors de notre dernière entrevue en prison.

     

    Nous restons pétrifiés sur place Il me montre du doigt en criant « C’est un évadé »   La stupeur me paralyse aussi, afin de couvrir ma fuite, je donne un grand coup de pied dans le cercueil encore ouvert. Il ripe du tréteau de présentation et se fracasse sur le carrelage de la salle dans un grand bruit. Quant au mort il roule et s’arrête face contre terre. Son dos blanchâtre apparait par la fente de sa veste. Monsieur avait pris de l’embonpoint et ne fermait plus devant. Dans ce cas précis nous ouvrons la couture et ni vu ni connu.

    Ayant repris mes esprits je crie « Kenavo »à mon commissaire et fonce vers la sortie. Je claque la porte de la salle.et j’en profite pour la bloquer avec le support d’une pancarte. Je m’engouffre dans mon corbillard et démarre en trombe.

     A grand coup de klaxon je double avant la sortie mon collègue ardéchois non sans perdre au passage une croix de fils de fer perlés. Il fait une énorme embardée et arrête son véhicule en ravageant un massif de lavandes

     Je n’arrive pas à m’arrêter de rigoler en pensant aux manchettes des journaux de demain. Je m’esclaffe en revoyant la stupeur de mon petit commissaire et la mine horrifiée de monsieur Gustave devant son client les bras en crois et sans dessus dessous.

     

     Je roule prudemment jusqu’au dépôt des cercueils. Je cache le fourgon à l’abri des regards puis j’enfile mes vêtements de vernisseur et enfourche ma mobylette. J’ai pris mon sac plein de billets en bandoulière et ne laisse dans le vestiaire qu’un livre «  Papillon ».   (Je vous promets que c’est une simple coïncidence.)

    Par des petits chemins je rejoins le « manoir » et comme l’émotion m’a ouvert l’appétit, je fais une razzia dans les provisions qui trainent toujours « au cas où ».

     

    Je vous fais grâce des ruses de sioux et des chemins de traverse qu’il m’a fallu pour quitter la France. Mon petit commissaire avait battu le rappel de toute la maréchaussée de France et de Navarre. J’avais même des fiches dans les gendarmeries des Dom Tom.

    J’évitais les pays où notre police avait des atomes crochus. Caroline me balisait des itinéraires qui à la fin me permirent de prendre un avion pour l’Amérique centrale.

     

     

    Epilogue :

     

    A la descente de l’avion, le colosse kosovar de l’Arti Chaud, garde du corps et boy friand de madame Caroline, vient me chercher avec une Rolls blanche de 1939 pour me conduire au complexe hôtelier de grand luxe de l’ile Sainte Lucie.

     Devant le portail monumental du domaine, je peux dire que ma tantine a su placé nos économies au soleil.

     

    Fin

     


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    In vino

     

     

     

     

     

    Les coteaux au soleil font semblant de dormir

     

    Au plus fort de juillet ils se laissent rôtir

     

    Là-bas un vigneron s’active plein d’ardeur

     

    Il travaille courbé aveuglé de sueur.

     

     

     

    Coule le fleuve en bas dans la grande vallée

     

    Une péniche va semblant se promener

     

    Et le soleil rôtit les coteaux merveilleux

     

    Source d’où jaillira un vin bien savoureux.

     

     

     

    Et le soleil est là faisant le vin plus beau

     

    Lui donnant la couleur des plus riches joyaux

     

    Prêtant au jus sucré la saveur de l’été

     

    Arômes naturels qui flattent le palais.

     

     

     

    Bon vin remplit mon verre et réjouit mon palais

     

    J’espère que mes amis sauront t’apprécier

     

    Ils verront dans ta robe toute la poésie

     

    Et dans ton fin bouquet l’essence d’ambroisie.

     


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    Ping-pong

     

     

     

    Je n’ai pas toujours été l’invisible dans ce renfoncement.de la rue Victor Hugo.  Vous passez sans vouloir me dévisager. Hier j’étais vous ! . Vous tremblez d’être moi demain. J’étais fringant, bien dans ma peau, insouciant, futile. Depuis ! …Mais avant !

     

    Tous les matins je passais en voiture devant l’école de la placette du couvent pour me rendre à mon travail. Cinquante mètres plus loin je garais ma belle décapotable à la place qui m’était réservée devant l’entreprise.

    Après cela je passais dire bonjour aux dames des archives et leur apportait les croissants pour le café. Ne pensez à de la futilité cet instant était essentiel. En cinq minutes j’avais pris la température de la conjoncture. Discrètement je regardais la pile de dossiers prêts à partir dans les services ce qui me permettait de ne jamais être pris au dépourvu. Et aussi y avais la belle Lydia, secrétaire du grand directeur. Elle me murmurait quelques tuyaux dans l’ascenseur. Je la récompensais de ces menus services par des promenades en auto. Elle s’occupait de son frère, enfant de la dernière chance il grandissait entre des parents vieillots. Il était convenu qu’une semaine visite d’un parc d’attractions, une semaine fréquentation d’un musée. A ce jeu le petit avait pris un verni artistique qui troublait ses professeurs.

    D’un commun accord la date des fiançailles était fixée au jour où monsieur Papillon, directeur de mon service me céderait son poste en prenant une retraite méritée. Je croisais les doigts…

    Arrivé à mon étage coté droit, Monsieur Bellot avec son petit complet bleu-pétrole des années soixante. Monsieur Bellot et ses petites lunettes métalliques, (le modèle que la sécurité sociale rembourse intégralement) Monsieur Bellot et les quatre portraits sur son bureau : Madame et Monsieur Bellot en habits de mariés. Madame, robe de dentelle blanche, monsieur costume sombre et œillet à la boutonnière. Suivait le portrait d’Hortense à cinq ans, de maxime sur les genoux de sa marraine. Le dernier cliché, était orné d’un crêpe noir La famille Bellot avait eu un gros chagrin.

    Je m’encadrais devant sa porte et presque au garde à vous, je disais d’une voix forte qui portait loin :  « Mes respects Monsieur Bellot et bonne journée »Puis sur un ton confident après deux pas vers le bureau « Alors Monsieur Bellot pas de petit Bellot en chantier ces jours. Monsieur Bellot rougissait jusqu’à sa calvitie précoce et marmonnait très confus : » Non ! Non mais nous espérons ! »

    Sur ce je tournais les talons cotés gauche vers mon service en esquivant un pas de majorette. Je passais devant les collègues en fredonnant :  « C’est pas pour aujourd’hui ! On verra demain ! .

    Ayant détendu l’atmosphère je pouvais me mettre sérieusement au travail.

     

    Tous les matins je passais en voiture devant l’école de la placette du couvent. Là un petit homme rondouillard accoutré d’un gilet jaune fluo à bandes réfléchissantes, armé d’un panneau rouge marqué :  « STOP », me barrait le chemin d’un air farouche pour qu’un ou deux marmots morveux et geignards trainés par une nounou africaine ou asiatique traverse la rue en trainant les pieds. Puis notre Tartarin de la circulation L’air patelin et bon enfant s’effaçait pour me laisser passer

    Au bout d’une quinzaine je n’y tiens plus et quand il me brandit sa « raquette STOP », je lui envoyais rebondir doucement une balle de Ping-pong. Surpris puis rigolard il me renvoya la balle.

     

    Notre manège durait depuis une quinzaine au grand plaisir des bambins mais, tous les bonheurs sont éphémères et les plaisanteries les plus…

    Un beau matin au lieu de me retourner la balle il l’attrapa, me la montra et la mit dans sa poche en disant d’une grosse voix : « Confisquée » Puis agitant son panneau « Circulez ! Circulez ! . »

    Ma surprise fut telle que j’en oubliais de saluer Monsieur Bellot. Je filais tout droit à mon bureau. Pas de pantomime ! Un collègue vint me demander si tout allait bien ? « Oui ! Pourquoi ? » Mon apathie dura toute la semaine.

     

    Le matin je passais en voiture devant l’école de la placette du couvent. Tartarin agitait ostensiblement sa raquette dans une invite muette à une balle qui ne venait pas. J’aurais pu aller en acheter une douzaine au magasin du coin, mais cela eut été jouer « petit bras ». Plus je me creusais la tête moins j’avais d’idée.

    Le samedi Lydia me trouva une petite mine .Nous partîmes sur les routes de l’Ain à l’aventure.des panneaux signalaient la basilique du bon curé d’Ars.

    ─ Ah ! non !On a visité le musée des alambics la semaine passée. Le frérot protestait avec la même fougue que sa sœur. La route devenait monotone. A droite des étangs peuplés de cormorans. A gauche des cormorans sur des étangs. C’est cela les Dombes. C’est aussi foultitude de bons restaurants servant des fricassées de grenouilles ou des fritures de petits poissons croustillants. C’est aussi au passage la patrie des « Ventres jaunes »(Les volailles et par extension les autochtones. )

    Le petit génie qui n’avait pas sa langue en R.T.T. vit sur la droite un enchanteur panneau : « Le parc aux oiseaux ! Plus de cent espèces des plus rares. Visitez aussi son musée »

    ─ Hé bien ! Voila une visite intéressante. On a le musée et le parc. Le petit ange jubilait.

    ─ Va pour le parc aux oiseaux.

    Les paons on connaissait. Les oies aussi les fêtes de fin d’année. On ne les imaginait pas aussi remuantes. Des oiseaux on en a vu, des blancs, des noirs et même, des en couleurs. Je suivais le groupe de visiteurs mi-intéressé mi-désabusé soudain ! Une magnifique balle de ping-pong sur un fin matelas de duvets gris …

     

    Le lundi matin je passais en voiture devant l’école de la placette du couvent et, quand Tartarin me brandit son panneau « STOP », J’expédiais fort adroitement un œuf d’un blanc immaculé sur la raquette. En criant « Service ».

    La coquille se fracassa sur la palette. Le blanc coula en premier puis le jaune se rependit telle une marée noire sur les côtes bretonnes, inexorablement sur les baskets du préposé vacataire affecté à la circulation devant les bâtiments scolaires.

    J’avais repris la main ! Et savourais subrepticement mon triomphe. .Je sortis une plaisanterie un brin grivoise à Monsieur Bellot qui, du fait, laissa tomber son stylo dans le corbeille à papiers. Je traversais le bureau en exécutant une mambo brésilienne digne d’un carnaval ou d’une gay-Pride (les amateurs choisiront).

    A dix heures, Monsieur Papillon, tout sourire s’encadra dans la porte de mon bureau. Il m’avait réservé mon ensorcelante décapotable pour aller au siège .Il se sentait rajeunir au volant. Et puis il n’y avait pas de siège bébé comme dans sa berline

    A onze heures le portier ramena mes clefs. Il les laissa tomber dans ma tasse de thé .Il était suivi du comptable en me déposant ma feuille de paye et mon chèque, il me fit savoir que je pouvais à l’instant cesser mes activités dans l’établissement.

     

    Quand je repris ma voiture, je compris : Tartarin avait soigneusement remplacé la mousse de mon coussin par des œufs !


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  • Linda arpente le trottoir

    Dans le crépuscule du soir

    A la recherche du pigeon

    Qui veut d’ l’amour pour du pognon

     

    La cigarette entre ses doigts

    Comme une luciole rougeoie

    Créant des arabesques de feu

    Quand Linda fait un pas ou deux

     

    Tout à côté C’est un hôtel

    Qui ne fait que la bagatelle

    Depuis longtemps les voyageurs

    Portent leurs valises ailleurs

     

    Dans le bureau le vieux patron

    Se souvient du temps des maisons

    C’est bien fini les jours bénis

    Du Panier et du Paradis

     

    Linda vient de faire un client

    C’est pas Crésus c’est évident

    Il a tout juste marchandé

    Tant il était intimidé

     

    Dans la chambrette de l’amour

    Ils ne feront pas de discours

    Après l’étreinte tarifée

    Il s’en ira un peu frustré

     

    La vie n’est faite que d’envies

    Qu’il ne faut pas réaliser

    Sinon on se retrouve déçu

    Tant pis pour toi ! Tu l’as voulu   …


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  • Elle avait gardé ses dentelles

    Pour ses envies de bagatelles

    Dans un frou-frou de linge doux

    Elle fit accélérer son pouls

    Prit des allures de gourgandine

    Lui fit retrousser les babines

    Gouttant l’amour en falbalas

    Il se prêta à ces ébats

     

     

    Mais passe le temps !…

    Et le mariage aidant… !

     

     

    Le soir en se mettant au lit

    Elle conserve ses bigoudis

    Elle a rangé les frous-frous

    Pour se vautrer dans le pilou

    Ce qui le rend le plus amer

    C’est de retrouver une « Mémère »

    Et quand il se fait tendre un peu !

    Il est traité de  Licencieux


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